jeudi 27 février 2014

La vie est brève et le désir sans fin - Dans l'or du temps.

Vingt jours sans écrire de gazette, Biarritz a occupé pas mal de temps.

Écrire un blog est toujours consommateur de temps, les heures filent, il faut donc avoir un grand moment devant soi pour pouvoir le faire.

J'ai lu deux livres pendant ces jours, deux livres que j'ai beaucoup aimés mais qui encore une fois racontent l'histoire de deux hommes irrésolus.


LA VIE EST BRÈVE ET LE DÉSIR SANS FIN - Patrick Lapeyre :

Que pour le titre j'aurais acheté ce bouquin. C'est Michèle qui l'avait dans sa bibliothèque, elle a pensé qu'il me plairait et elle a eu raison.

Patrick Lapeyre a raconté une histoire qui pourrait nous faire penser au film "Jules et Jim", une femme Nora, deux hommes Louis que l'auteur appelle Blériot, il habite à Paris et Murphy qui vit à Londres.
Louis la quarantaine est marié à Sabine mais aime Nora cette anglaise qui n'est jamais venue au dernier rendez-vous fixé et qui deux ans après l'appelle alors qu'il est en route pour aller voir ses parents qui vivent près de Millau, les voir pas tout à fait, leur demander de l'argent plutôt, Louis est perpétuellement fauché, sa femme le fait vivre, il traduit occasionnellement des textes d'anglais en français, un job pas très rémunérateur surtout lorsqu'on n'est pas trop courageux. Louis laisse les autres prendre des décisions à sa place, il a le pouvoir étrange d'être présent et absent à la fois, il bloque sa respiration comme un plongeur en apnée jusqu'à ce que ses poumons menacent d'éclater, après il se sent bien, léger, impondérable.
Nora revenue, Louis se laisse encore aller à la tentation, il ira la rejoindre régulièrement dans la maison prêtée par une cousine de Nora. Cette fille, Nora, est mystérieuse, étrange, impénétrable, un peu menteuse. Les deux hommes l'aiment, essaient de s'en détacher mais n'y arrivent pas. Ils sont addicts, intoxiqués, elle n'a qu'à apparaître et la magie opère.
Louis ne veut pas quitter sa femme, dix ans de mariage, et l'amour n'est pas tout à fait éteint, c'est Sabine qui le poussera dehors. La fin est bizarre, je ne m'y attendais pas, petite déception.

J'ai aimé l'écriture légère, mélancolique de ce bouquin. J'ai détesté Louis dans ses relations avec ses parents, cette indifférence jusqu'au suicide de son père qui ne supporte plus la maladie de sa femme, son père l'appelle à l'aide et il ne répond pas comme nous pourrions l'espérer. J'ai aimé ce livre parce qu'il est profondément contemporain, la difficulté des couples pour durer L'amour, le désamour, cette passion qui comme toute les passions sera fatale. Nora m'a agacée mais intriguée, Louis m'a attendrie, Murphy m'a laissée un peu indifférente, sans doute parce qu'il est le personnage le plus effacé de ce bouquin, on le sent moins vulnérable malgré son amour pour Nora. 
Dans les romans comme dans la vie les femmes sont toujours attirées par ceux qui semblent les plus fragiles, un désir de protection très féminin que les hommes savent très bien exploiter. Personnellement, je ne suis pas attirée par les hommes fragiles que dans les romans, dans la vie pas du tout, c'est trop fatigant, oui ça doit être très fatigant de passer toute sa vie avec un homme indécis, je n'ai jamais eu le goût du sacrifice. 52 ans de vie commune et ne jamais savoir ce que l'autre désire, impossible. J'ai eu la chance de vivre avec un homme qui a souvent les mêmes désirs que moi, nous nous regardons et nous nous comprenons, même pas besoin de se parler, je ne dis pas que c'est parfait, il aurait certainement fallu que l'un retienne l'autre pour éviter des bêtises, mais ça n'a pas été le cas et je ne le regrette pas.





DANS L'OR DU TEMPS - Claudie Gallay -

J'ai lu tous les livres de Claudie Gallay, certains plus passionnants que d'autres. Celui-ci est attachant, un beau roman au thème original. C'est un livre initiatique.

Je n'ai jamais été passionnée par l'art indien, par la tribu Hopi, par leurs croyances, et pourtant j'ai lu ce livre presque d'un trait, la moitié en voiture en revenant de Biarritz, l'autre moitié ici sans m'arrêter. Claudie Gallay a mêlé la vie d'André Breton, des indiens Hopis, d'un homme qui passe des vacances en Normandie dans sa maison au bord de mer avec sa femme et ses deux jumelles, d'une vieille dame énigmatique de 80 ans qui s'est très longtemps tue et qui va enfin confier ce qu'elle n'a jamais dit à personne. 
Sous nos yeux, se forme un couple improbable, un homme jeune et une vieille dame, pas un couple amoureux, non, un couple qui se reconnait dans l'esprit. 
Alice est la vieille dame, elle a beaucoup voyagé avec son père qui était photographe, a rencontré André Breton en Arizona, là où vivent les Hopis, elle a vu des masques, des kachinas objets sacrés chez les Hopis, des kivas, des cérémonies indiennes. Breton s'était constitué une collection unique d'objets d'arts primitifs, il n'a pas hésité à acheter des objets sacrés qui n'auraient jamais dû quitter la tribu.
L'homme jeune va se laisser complètement happé par l'histoire d'Alice, il ne pourra plus résister à l'attirance qu'il éprouve pour elle, il délaissera son couple qui se délite, ses filles, pour se rendre presque chaque jour chez elle, passer des heures entre elle et le chat Voltaire sous l'oeil de Clémence la soeur d'Alice qui ne parle jamais.
Il y a quelquefois de la violence dans leurs échanges, Alice est autoritaire, elle parle et lui ne raconte rien. Elle devine la vie de son interlocuteur, sait ce qui se passera à la fin de l'été.
Au bout du roman chacun racontera toutes ses blessures, les non-dits, les lourds secrets. L'homme retournera à Paris, Alice restera dans sa maison entourée d'un jardin étrange, où pousse un abricotier de l'Arizona. 

J'ai aimé les phrases courtes écrites par Claudie Gallay, cette écriture bien personnelle. J'ai découvert un monde vraiment inconnu. Ce désert terrible mais magique que les Hopis habitaient avant de s'adapter à la notre civilisation pour leur plus grand malheur.
Alice m'a aussi piégée comme l'homme jeune. J'ai aimé l'écriture qui décrit ce couple jeune qui explose sans paroles, dans le silence, un couple qui se dissout et encore une fois ce sera elle qui partira,  et cet autre couple improbable qui se forme en parallèle, tout s'emmêle.
Claudie Gallay sait décrire la Normandie comme personne, elle nous donne vraiment envie de visiter les coins qu'elle raconte, j'ai découvert La Hague grâce à elle, j'ai très envie d'aller vers Dieppe, Etretat.
La vie d'André Breton est aussi passionnante, sur sa tombe aux Batignolles une phrase est gravée "Je cherche l'or du temps".




Pour les scrabbleurs le vocabulaire de ce livre est aussi intéressant, au scrabble on écrit KATCHINA et pas "kachina" - KIVA la chambre funéraire chez les indiens est valable aussi. 

J'ai très envie de lire ce livre :



.  Bye MClaire.



vendredi 7 février 2014

David Foenkinos "La tête de l'emploi" - Lionel Duroy "Vertiges"

Un petit coin de ciel bleu, un peu de vent mais pas trop, une accalmie pour aller faire un tour à Larmor-Baden, prendre l'air, mais avant je voulais finir mon bouquin, très vite lu "La tête de l'emploi" de David Foenkinos.
Je voulais le finir pour pouvoir écrire une gazette en donnant mon avis sur deux livres lus cette semaine, j'ai fini "Vertiges" de Lionel Duroy, juste avant de commencer celui de Foenkinos.

Étonnamment ces deux livres se ressemblent un peu sur le fond mais pas du tout dans la forme.
Ce sont des histoires qui parlent de deux hommes, largués tous les deux par leur femme, des antihéros qui s'interrogent sur leur vie.




Ce que j'ai pensé de "Vertiges" de Lionel Duroy.

J'avais lu "Le Chagrin" de Lionel Duroy avec beaucoup de plaisir,  celui-ci n'a pas emporté mon adhésion, j'ai eu l'impression qu'il se répétait, j'ai lu des passages avec intérêt et d'autres sans aucun plaisir, pour tout avouer des pages en diagonale.

Nous retrouvons Augustin, prénom qui cache l'auteur, en plein désarroi, sa femme le trompe avec l'architecte qui s'est occupé de leur maison, ils ont deux petits enfants, Augustin est très attaché à eux, Augustin ne veut pas tout perdre et accepte les absences de sa femme, ils dorment toujours ensemble bien serrés l'un contre l'autre mais plus rien ne se passe entre eux, Cécile ne veut pas d'une séparation, elle veut aller jusqu'au bout de l'histoire qui se passe avec son amant et Augustin accepte, il faut dire que lui même n'a pas toujours été fidèle. Arrive Esther qui sera pour lui une manière d'oublier les infidélités de Cécile et surtout la décision de Cécile, le quitter pour de bon, plutôt faire quitter la maison à Augustin pour vivre avec Markus. Il se mariera avec Esther, aura deux autres enfants, pour divorcer vingt ans plus tard.


Lionel Duroy traîne avec lui les relations difficiles avec sa mère, il n'arrive pas à se guérir de son enfance et ne veut surtout pas ressembler à Toto son père, c'était l'histoire du bouquin "Le chagrin". Sa mère et son père sont toujours là en filigrane dans son livre, ce qui rend ses relations difficiles avec les femmes. Il n'arrive pas à régler ses problèmes avec ses parents pourtant disparus. Il a été rejeté par ses frères et soeurs après avoir publié "Le chagrin", on ne lui pardonne pas d'avoir étaler les histoires de famille.

Ce que je n'ai pas aimé dans ce livre : L'auto-apitoiement à longueur de pages, un certain narcissisme aussi, un homme qui ne sait pas choisir, prendre sa vie en main.
C'est sans doute parce que je n'aime pas les hommes faibles, prêts à se plier dès qu'une difficulté apparaît dans leur vie. Les hommes qui fuient, incapables de prendre une décision.
Augustin aime, n'aime plus, revient et s'étonne que les femmes partent. A mon avis, il ne saura jamais aimer une femme parce qu'il a complètement manqué d'amour enfant, il ne finira jamais de remuer le couteau dans la plaie, la mère un peu folle, hystérique a détruit ses enfants, son père était faible, un drame dans l' existence d'un homme.

J'ai quand même aimé l'écriture, Duroy est journaliste, a couvert des guerres, on sent qu'il aime écrire, c'est même sans aucun doute toute sa vie, il met en péril son environnement familial à cause de l'écriture. Il sait être touchant, mais aussi agaçant. C'est vrai, c'est aussi l'histoire de nombreux couples de nos jours, l'amour, le divorce, les séparations douloureuses, les familles recomposées, je ne suis pas de cette génération, j'ai l'impression d'être une ethnologue lorsque je lis ces histoires, une vie que je ne connais pas mais qui peut être  intéressante pour les lecteurs

Si vous n'avez pas lu "Le chagrin" vous pouvez aimer ce livre.



Passons à "La tête de l'emploi" de David Foenkinos.




Je lis toujours avec avidité les livres de Foenkinos, j'ouvre et je finis, l'histoire est toujours légère en apparence.

Le héros ou plutôt l'antihéros de ce bouquin s'appelle donc Bernard :

"Le Bernard impose une sorte de familiarité tacite, pour ne pas dire immédiate. On n'a pas peur de taper dans le dos d'un Bernard. Je pourrais me réjouir de porter un prénom qui est une véritable propagande pour se faire des amis. Mais non. Avec le temps, j'ai saisi la dimension sournoise de mon prénom : il contient la possibilité du précipice. Oui, j'ai toujours ressenti le compte à rebours de l'échec, dans cette identité qui est la mienne. Il y a des prénoms qui sont comme la bande-annonce de leur destin. A la limite, Bernard pouvait être un film comique. En tout cas, il est certain que je n'allais pas révolutionner l'humanité.":

Il est marié, a un seul enfant, une fille qui décide de partir pendant un an au Brèsil, ce qui le désespère. Il travaille à la BNP, conseiller financier, une vie sans vagues, banale jusqu'à ce que tout s'écroule, sa femme le quitte, il perd son boulot à la banque, faute à la crise, il se trouve confronté à la perversité de ses collègues, au mépris de sa direction et à l'hystérie des clients qui ont peur de perdre leur argent, ce qui provoque un geste fatal qui le fera licencier pour faute grave.
Il n'était pas du tout armé pour affronter ces événements.
A 50 ans, il retourne habiter chez ses parents qui ont 80 ans, un vieux Tanguy en sorte.

Je ne vous raconte pas la suite de l'histoire qui est vraiment drôle, touchante.

J'ai aimé le style de l'auteur, malgré la gravité des événements qui en dehors des romans se passent dans la vraie vie, il nous fait rire, sait décrire des scènes familiales avec un humour à la Foenkinos.
Il sait nous toucher, à la fin du livre en parlant de ses parents "Et voilà qu'ils étaient là, maintenant, face à moi, engoncés dans leurs plus beaux habits. Ils étaient un peu absurdes et ridicules : ils étaient mes parents." Quelle belle déclaration d'amour.

Ce sont surtout les pages où il décrit sa vie à 50 ans avec ses parents qui sont les plus marrantes. La scène où son père et sa mère décident d'inviter des amis avec leur fille de 50 ans, elle aussi larguée et au chômage et qu'ils veulent absolument caser est vraiment hilarante.

Il m'est arrivé de penser un instant "Et si un de mes enfants devait revenir avec nous, ça se passerait comment ? Comment est-ce qu'ils nous voient ?" Qu'ils se rassurent, chez nous il n'y a pas de patins pour marcher dans la maison,  je ne fais jamais de lasagnes avec ou sans béchamel, nous ne mangeons jamais à heure fixe, je ne regarde pas Julien Lepers bouche ouverte et il se pourrait même qu'il ou elle ait la maison pour elle toute seule, nous ne sommes pas toujours chez nous !

Un roman vraiment sympa, il y a de l'émotion, de l'humour, un bouquin plein de tendresse, tout ce que j'aime. Cela pourrait faire un excellent film.

Je vous le recommande. Merci à Michèle pour son prêt.

Bye MClaire.


"