jeudi 24 décembre 2015



J'avais laissé tomber "L'orage" de Clara Arnaud, cinquante pages lues et non, je ne pouvais pas aller plus loin, je m'ennuyais. J'ai saisi sur la pile à lire "La saison des Bijoux", je l'ai commencé sans emballement, j'ai lu quelques pages, je l'ai reposé, je n'arrivais pas à entrer dedans. 
Il y a des jours où nous ne sommes pas prêts et le lendemain tout roule, j'ai repris le bouquin et je l'ai fini.
Je n'ai rien lu de cet auteur qui habite le Médoc, il est pourtant connu mais on ne peut pas tout lire, il faudrait 10 vies. Je ne suis pas insomniaque, je ne lis pas la nuit, je me réserve des moments dans la journée, des vraies plages de lecture, des moments entre deux occupations, en général je lis deux livres pas semaine, un seul si c'est un pavé. Je lis consciencieusement, sans sauter de pages, il peut y avoir une pépite dans les quelques lignes sautées, je lis, il m'arrive de relire lorsque le passage me touche vraiment..

L'histoire de "La saison des Bijoux."

Le sujet de ce roman est rarement abordé dans les livres, les marchés en été, le monde des forains, les intrigues, les trafics, les amitiés, les inimitiés, les jalousies.

En Avril, au moment où le pollen des pins envahit les allées (nous connaissons dans le Morbihan) Bruno, Jeanne et leur fils Alexis débarquent sur le marché de Carri dans les Landes, un marché en bord de mer, tout au long des dunes, qui draine beaucoup de monde en été. Ils fabriquent des bijoux et ont demandé une place à la maire qui leur a été accordée. 
Il y a le placier qui est soumis à un homme qui domine tout et qui tient un bar, Forgeaud, il rackette et s'est constitué une véritable fortune tout au long des étés. C'est le boss, un despote.
En voyant Jeanne arriver, il tombe sous le charme de cette femme magnifique et décide qu'il l'aura avant la fin de l'été.
Rien ne doit lui résister, c'est sans compter sur le mari Bruno.
Tout au long de l'été va régner dans cette station une atmosphère de western, chacun règle ses comptes. Tout obéit à des règles strictes, malheur à celui qui enfreint la "loi". On flirte avec l'illégalité jusqu'aux portes de la mairie.

J'ai aimé les surnoms des uns et des autres, bien que quelquefois il m'arrivait de me perdre dans ces surnoms, la gouaille de certains, je vois très bien Gérard Lanvin jouer un rôle si un film était tiré de ce livre. 
J'ai beaucoup aimé le personnage de Jeanne, insoumise, qui cache un lourd passé, seul Bruno son mari sait, Jeanne s'est prostituée alors que rien ne la destinait à ça, elle a connu des centaines d'hommes, elle voulait être actrice. Bruno son ami d'enfance l'a sauvée de son mac. Des belles pages. Mais un jour... je ne raconte pas...
J'ai aimé la description de cette région le temps d'un été, le soleil qui brunit les peaux, la description des couchers de soleil, les teintes, l'air parfumé qui circule.

« C’était à Carri l’heure où les tempéraments s’alanguissaient. Le sable de l’arène humaine désertait la grand-rue, franchissait des tamis successifs, la douche, l’apéro, les charmes de la villa ou du camping, avant de verser ses grains les plus colorés, les plus aurifères, dans la rue des restaurants. »

"Le soleil éclaboussait en revanche le champ attenant, la prairie fleurie où le vent, par instants, en redressant les touffes de molinie et la folle avoine, faisait clignoter les couleurs.."

Je ne peux pas dire que ce livre restera un souvenir inoubliable mais il m'a fait passer un bon moment de lecture et c'est déjà beaucoup.  Bye MClaire.



lundi 14 décembre 2015



J'ai lu deux livres cette semaine, c'était possible, ils ne sont pas très épais.
Commençons par celui de F.Lenoir. 
"Existe-t-il une expérience plus désirable que celle de la joie?"
Tout au long de ce livre l'auteur veut nous initier à la joie qui est d'après lui et les philosophes cités tout au long du livre, plus concrète que le bonheur.
La joie de vivre, la joie ressentie intérieurement, la joie contemplative. Etre attentif à ce qui passe autour de nous. Renoncer au désir d'envie, la jalousie, l'orgueil, la cupidité, négliger l'EGO, ce sentiment qui peut pourrir la vie.
Un livre assez ardu qui ne peut pas se lire comme un roman, je lisais quelques pages, j'arrêtais, de nombreuses références à Spinoza, à Nietzsche et d'autres philosophes.
Se déposséder de ce qui nous encombre, reconnaître ce qui est bon ou mauvais pour nous, c'est dans l'air du temps.
L'essayiste Pierre Rahbi qui est devenu paysan en Ardèche, fondateur du mouvement "Colibri" est très courtisé par les médias en ce moment, il promeut la simplicité, la vie simple pour être heureux, il a sans aucun doute raison.
Pourquoi ne pas construire un nouveau projet de société?

Voilà, le livre de F.Lenoir n'est pas un roman, il peut se lire et se relire, c'est le livre d'un philosophe qui a trouvé la JOIE après différentes expériences, il semble heureux
"C'est cette sagesse de la joie, inspirée de Spinoza, comme des Evangiles, en laquelle je crois, vers laquelle je tends, que j'essaye, avec toutes mes faiblesses et mes fragilités, de vivre un peu mieux chaque jour et de transmettre avec bonheur."
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Je l'ai ouvert et je ne l'ai plus quitté, 134 pages lues en un peu plus d'une heure. 
Ce livre est un petit bijou, le genre de roman qui nous rend "toute chose", une tranquillité nous envahit en le lisant, l'envie de connaître le Japon, surtout Kyoto et ses environs, une écriture ciselée, chaque mot est à sa place, tous nos sens sont en éveil, c'est assez rare de ressentir cela dès les premières pages en lisant un roman
.
"Chaque jour de l'aube au crépuscule, Maître Kuro pratique l'art subtil de la calligraphie. 
Pendant de longues heures, dans un recueillement proche de la plénitude, il reste agenouillé devant un rouleau de papier de riz et le recouvre d'encre noire.."

Nous sommes transportés dans un Japon traditionnel, les journées s'écoulent entre la calligraphie et la méditation. Maître Kuro vit solitaire entouré des figurines qui représentent les sept dieux du bonheur : Ebisu, Daikokuten, Bishamonten, Hotei, Jujorin, Fukurokuju, la septième est une femme Benzaiten déesse des arts, sa préférée.
Mais l'équilibre de sa vie va être bouleversé à l'arrivée d'une enveloppe.
Yuna fera irruption dans sa vie,elle est belle et pratique la calligraphie mais elle veut améliorer son art auprès de Maître Kuro.

Ce roman est d'une subtilité incroyable, tout est suggéré, j'ai envie d'écrire qu'il est éblouissant de beauté, vraiment. Zen, le titre est bien choisi, un sentiment de quiétude en le refermant.

J'ai un avoir à la FNAC, j'irai voir dans les rayons si "Neige" du même auteur est disponible.

Bye MClaire.






dimanche 6 décembre 2015


Gérard Mordillat, un nom qui n'est pas inconnu, écrivain, journaliste, cinéaste. Je viens de découvrir ou de redécouvrir son univers en lisant son dernier livre "La Brigade du rire", j'avais un peu oublié le film "Vive la Sociale" tourné dans les années 1980.

Un bouquin de 516 pages, à lire sans modération, j'ai beaucoup aimé, un livre cocasse, généreux, fantaisiste, souvent émouvant, lucide sur notre société qui se délite et qui abandonne tous les idéaux de la gauche, la déshumanisation du travail, les idéaux de G.Mordillat sont toujours là, père serrurier à la SNCF, mère professeur d'anglais, enfant élevé au son de l'Internationale.
L'auteur est toujours aussi engagé, mais que vous soyez de droite ou de gauche ce livre ne peut que vous intéresser. Il est réjouissant.

L'auteur a une immense culture cinématographique, littéraire, en le lisant j'ai réalisé que j'avais encore beaucoup à apprendre sur le cinéma, les films cultes, le sens des scènes tournées, les acteurs qui n'étaient pas des très bons comédiens mais qui fascinaient les spectateurs, tel Gary Cooper. J'ai appris, j'ai découvert, j'ai redécouvert Hamlet, un chapitre brillant consacré à Shakespeare. 

L'histoire :

Une bande de copains décide d'enlever un éditorialiste du magazine de droite "Valeurs françaises", sans doute "Valeurs actuelles", Pierre Ramut. Cet homme n'a jamais travaillé mais a son mot sur tout, des conseils, des critiques. 
Il est enlevé, renfermé dans un bunker, il est condamné à percer des trous dans des plaques en duralumin, il doit bosser selon ses convictions qu'il expose dans son journal, semaine de 48h, salaire de 20% inférieur au SMIC, travail le dimanche etc. surveillé jour après jour à tour de rôle par un personnage habillé d'une combinaison et un masque des sept nains sur le visage. Tout à l'air de tenir d'une grosse farce..

Sa disparition restera un mystère pour l'entourage de P.Ramut, pas de revendications, pas de rançon demandée. Sa femme Fabienne est la maîtresse d'Alex un journaliste aux dents longues du même journal, que son mari disparaisse ne l'inquiète pas trop. Ramut, personnage vraiment antipathique sera très vite oublié et remplacé dans son journal.

Dans la bande il y a : Rousseau le beau gosse professeur d'économie, Dylan prof d'anglais qui vit avec les deux jumelles Dorith et Muriel et qui rêve d'écrire "son" livre mais qui n'y arrive pas, l'Enfant Loup garagiste amoureux de Suzanna infirmière en psychiatrie, Hurel l'industriel mais qui lit Marx et Kropotkine, Isaac distributeur de films, Kowalski dit Kol qui a perdu son travail après la fermeture de la librairie et qui fricote avec Betty licenciée également, se greffe Victoria compagne de Richard un de leur bande qui vient de se suicider, il ne supportait plus son infirmité après un accident.
Ils sont tous plus ou moins cabossés par la vie mais l'amitié est leur ciment, leurs convictions de gauche aussi. Cette bande est pleine d'humanité, émouvante, les amours de chacun sont tellement bien écrites.

Un beau passage sur la lecture, un seul livre vraiment lu et nous n'avons pas besoin des autres, nous nous sommes reconnus ou découverts.
"Tu vois dit Kol avec prudence, d'abord j'ai pensé que seul un très petit nombre de livres méritait que l'on s'y plonge jusqu'à s'y perdre ou s'y trouver. A la réflexion, je crois que cela vaut pour tous les livres. Parce que le livre en soi n'est rien, il n'est que le support des mots. Et, que ce soit dans un roman de gare, un traité de géographie ou Le Capital, la vérité de ce que nous sommes peut sortir de n'importe quel mot lu dans n'importe quel livre."

J'ai appris que Claude Sautet disait toujours en lisant un scénario avant de donner son accord pour tourner le film "ça finit comment?" la fin était très importante pour ce réalisateur.
Alors si vous vous posez la question "ça finit comment?" vous n'avez plus qu'à lire ce roman que j'ai beaucoup aimé.
Claude Sautet aurait aussi aimé, lui qui filmait toujours des bandes de copains, leurs chagrins, leurs joies, leur amitié, il ne me reste plus qu'à penser aux acteurs qui auraient pu tourner dans ce film. Ce livre tragi-comique pourrait être un film, Gérard Mordillat doit y penser.

Bye MClaire.



jeudi 26 novembre 2015

"MA MERE DU NORD" J.L Fournier.


Dans ces lignes tout est presque dit.

« Petit, chaque fois que j'écrivais quelque chose ou faisais un dessin, j'avais besoin de le montrer à ma mère pour savoir si c'était bien. Qu'est-ce qu'elle penserait aujourd'hui de ce que je suis en train d'écrire sur elle ?Je suis inquiet. Elle doit en avoir assez qu'on parle de son mari alcoolique. Ne pas avoir envie qu'on parle d'elle, la discrète, la réservée, de ses maladies imaginaires, de sa tristesse.
Va-t-elle savoir lire entre les lignes, comprendre que ce livre est une déclaration d'amour ? Que j'essaie de me rattraper, moi qui ne lui ai jamais dit que je l'aimais, sauf dans les compliments de la fête des Mères dictés par la maîtresse. Ce livre, je l'ai écrit pour la faire revivre. Parce qu'elle me manque. »



Je lis depuis longtemps J.L Fournier, tendre, un peu vache, quelquefois cynique, désabusé, intelligent.
Il a écrit sur ses deux enfants autistes "Ou on va, papa", sur son père médecin alcoolique, sa fille devenue religieuse, sa femme lorsqu'elle est partie "Veuf"
"Le jour où l'eau courante ne court plus on regrette sa fraîcheur, quand la lampe s'éteint on regrette sa lumière, et le jour où sa femme meurt, on se rend compte à quel point on l'aimait. C'est triste de penser qu'il faut attendre le pire pour enfin comprendre. Pourquoi le bonheur, on le reconnait seulement au bruit qu'il fait en partant.."

Il a aussi écrit "Les mots des riches, les mots des pauvres"
"Chambre d'amis en pauvre, se dit canapé convertible."
etc. Il a collaboré avec P.Desproges pour "La minute de Monsieur Cyclopède" je ratais rarement le rendez-vous à la télé dans les années 80. J'adorais et j'adore toujours cet humour.
Ce livre est écrit avec des chapitres très courts, des petites chroniques introduites par une météo marine, selon l'atmosphère de la maison, sa mère était souvent en dépression et surtout hypocondriaque :
"Pour Pas-de-Calais, vents variables, la mer sera belle."
"Mer agitée avec houle de nord-ouest, temporairement forte cette nuit et demain matin."

Une mère qui a été veuve très tôt, le médecin qui avait conquis son coeur très jeune est mort d'alcoolisme, elle avait été sacrifiée sans le savoir, le curé en facilitant la rencontre et le mariage pensait qu'elle changerait celui qui avait un charme fou mais qui buvait. Elle ne savait pas, elle l'aimait mais il la faisait souvent tituber pendu à son bras lorsqu'ils rentraient à la maison après un repas chez des amis.
Ses quatre enfants ont fait des études supérieures, elle avait été prof de lettres, l'amour pour ses enfants était immense, il dépassait ses malheurs.
Elle n'avait pas été heureuse et pourtant elle avait le goût du bonheur, son livre préféré  "Propos sur le bonheur" d'Alain, elle avait souligné au crayon des passages "Ce qu'on peut faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux."
Un libraire avait dit à J.L Fournier qu'il était un "éveilleur de souvenirs." Jolie formule.

Sa maman est morte à 82 ans, dans son petit appartement d'Arras, elle avait toute sa tête, une mort subite. 
"Quand mon beau-frère m'a prévenu, j'ai demandé si elle avait souffert.
Elle n'avait pas souffert. C'était nous qui allions souffrir."
Il a dit plus tard à un journaliste :
"Après-coup, j'ai compris à quel point elle avait été seule à la fin de sa vie. A quel point j'avais été un fils ingrat. J'aimerais lui demander pardon mais le mal est fait."

J'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a fait souvent sourire, toujours le sens  de la formule, ce bouquin est émouvant, un très bel hommage à sa mère. Une belle déclaration d'amour.
Ce n'est pas du tout un livre triste, le talent de J.L Fournier est justement de nous raconter des choses tristes avec son sens de l'humour, de la dérision.

Bye MClaire.






jeudi 19 novembre 2015



Nous pouvons être un peu meurtris en refermant ce livre. Dur et en même temps plein de douceur. Un roman en grande partie autobiographique. 
Le dernier livre lu de cet auteur "Le quatrième mur", aussi émouvant. J'avais lu "Une promesse" et "Retour à Killybegs". Le style est toujours aussi pur, un peu journalistique, S.Chalandon a été journaliste à Libération pendant trente-quatre ans, ça laisse des traces.

Dans ce bouquin, il perce enfin l'abcès, il parle de son enfance, de son père, de sa mère. Une enfance compliquée, enfant battu par un père mythomane et violent et une mère non violente dans les gestes mais qui reste impassible, je l'ai trouvée pire que le père, terrifiante, comment une mère peut-elle supporter les violences faites à son enfant sans réagir?
Comment un enfant battu peut-il rechercher sans cesse l'amour de son père?
C'est le sujet du livre.

La guerre d'Algérie vient de se terminer, le général de Gaulle a abandonné cette colonie, pour certains et même pour de nombreux pieds-noirs c'est une trahison, l'OAS en toile de fond. Dans la famille Choulans, père, mère, fils va se jouer un huit-clos, personne ne rentre dans cet appartement, les volets sont souvent fermés, le père est paranoïaque, il ne faut surtout pas se faire remarquer, il est menacé, par qui?
"Mon père disait qu'il avait été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Eglise pentecôtiste américain, conseiller personnel du général de Gaulle jusqu'en 1958. Un jour, il m'a dit que le Général de Gaulle l'avait trahi. Alors mon père m'a annoncé qu'il allait tuer de Gaulle. Et il m'a demandé de l'aider..."
"A 13 ans, c'est drôlement lourd un pistolet."

Oui, mais lorsqu'il faut chaque début d'année scolaire répondre à la question, profession du père? l'enfant ne sait pas quoi répondre, son père ne travaille pas, traîne en pyjama dans la maison, passe des heures chez le garagiste sur un tabouret en racontant des histoires sur sa vie passée, il a connu Salan etc. 
Alors pour répondre à la question, profession du père, il ordonne à son fils de marquer "Agent secret" ce sera dit. Et je les emmerde."
La mère travaille.
L'enfant est naïf, il ne perçoit pas encore le drame qui se joue dans sa famille, ce père menteur, brutal, il veut l'aimer et il lui obéira pour s'identifier à lui, il se sentira son complice dans les actes les plus fous, il lui vole son enfance mais il l'aime, même si l'armoire sert de centre de détention après une raclée qui laissera l'enfant à terre, bourré de coups, des bleus sur la peau, du sang sur le visage, asthmatique la crise est là mais qu'importe et la mère qui dit "Tu connais ton père." la mère complice de la folie du père qui prend aussi des coups, mais elle reste, elle pardonne tout à ce mari tortionnaire. L'histoire se déroule dans le début des années 1960, mais ça n'explique pas tout.

Luca, un enfant de rapatrié d'Algérie intégrera la classe d'Emile, c'est le prénom que Chalandon a choisi pour le désigner enfant. Emile trouve un complice pour commettre les actes ordonnés par son père, les graffitis sur les murs, les menaces, c'est aussi l'histoire d'une manipulation qui dépasse l'enfant, ils seront entraînés dans un fait-divers qui les séparera au grand soulagement d'Emile.

Emile dessine bien, il signe Picasso en bas de ses dessins, les quolibets de son père fusent, jamais un compliment, il ne manquera pas une occasion de le rabaisser. Méprisant, le pire des sentiments.

Ce don lui permettra plus tard de gagner sa vie, son fils Clément répondra à la question profession du père "Peintre sur des tableaux malades".
Emile épousera Fadila, moitié bretonne, moitié kabyle, elle essaiera de panser ses plaies, enfin ils formeront une véritable famille. 
Il rendra visite à ses parents de temps en temps, pleurera, rien ne changeait, mais il sera présent jusqu'à la fin, jusqu'à l'hôpital psychiatrique où son père sera interné.

"Il m'a contemplé, lèvres closes. Son silence sur nous, en voile de crêpe noir. Personne d'autre que le père et le fils. Le chef et son soldat à l'heure de la défaite. Ma mère était ailleurs, et les odeurs sombres, et le froid du dehors, et Noël bientôt. Nous nous tenions par les yeux. Nos vies, nos peaux, nos coeurs. Il venait d'avoir quatre-vingt-dix ans. J'en avais soixante et un. Son vieux fils..."
Son père apparaît fragile, loin de ce qu'il a été, du héros qu'il voulait paraître et qu'il n'était pas. Chez Emile, l'homme a remplacé l'enfant, son père ne le fascine plus. Son père n'était qu'un bouffon qui basculait dans la folie.

Sans rancoeur, sans haine. La mère et lui, seuls à l'enterrement du père. J'ai aimé la dernière phrase du livre, après s'être aperçu que le magnétophone destiné à Emile ne contenait qu'une cassette vide :
"Ma mère, rescapée sans colère, sans aigreur, sans rancune.
Elle avait tranquillement effacé son mari."

Comme si cette vie sordide n'avait jamais existé.

Gorge serrée, j'ai refermé ce livre, formidable roman écrit d'une façon magistrale par Sorj Chalandon. Chaque mot est choisi, chaque phrase nous touche. Je vous préviens, ce n'est pas un roman facile à "digérer", mais un des plus beaux de la rentrée littéraire, certainement.

Bye MClaire.





vendredi 13 novembre 2015

Delphine de Vigan "D'après une histoire vraie"




Ce livre a un tel succès, vous avez peut être déjà lu les avis des lecteurs. Je vais vous donner le mien.

J'ai aimé, beaucoup aimé ce roman, nous ne savons jamais s'il est autobiographique ou si c'est de la fiction, tout se mélange. Il ressemble à un thriller, à des souvenirs personnels, les personnages sont-ils réels?
En première page, une citation de Stephen King :
"Il avait l'impression d'être un personnage dont l'histoire n'était pas racontée comme des événements vrais, mais créée comme dans une fiction."

Nous sommes prévenus, mais ....

Si vous avez lu le bouleversant et dérangeant "Rien ne s'oppose à la nuit", vous vous êtes peut être posé la question "Elle va écrire quoi après ça?" C'était tellement dense, plein d'émotion, de choses intimes, oui comment écrire après ça.
Tout au long du livre qui traite de l'emprise et de la manipulation, elle nous manipule à son tour, avec notre accord, nous aimons et nous ne lâchons pas le bouquin, nous ne levons pas les yeux, et surtout ne pas être déçue, surtout pas, gagné, elle a gagné.

L'histoire :

Dans ce roman, Delphine de Vigan met en scène Delphine, une écrivaine fragilisée après le succès incroyable de ce son dernier livre. Elle qui est retournée à la vraie vie, entre ses enfants, son compagnon François (dans la vie elle est la compagne de François Busnel qui anime le jeudi soir "La grande librairie"), elle qui revoit ses amies, ses bistros favoris, doit recommencer à écrire, le vertige de la page blanche ou plutôt de l'écran blanc sur Word, il faut poser les premiers mots et elle n'y arrive pas, elle ira jusqu'à la nausée. 
Cette difficulté d'écrire existe toujours, chez vous, chez moi, même pour une simple lettre, il faut trouver les premiers mots et ensuite tout s'enchaîne, l'étincelle s'est enflammée. Pour elle ce sera beaucoup plus compliqué, elle n'arrivera pas à écrire pendant deux ans, prendre un crayon sera une grande souffrance, elle ne répondra plus à ses mails, l'ordinateur restera éteint, les factures ne seront pas lues, il faudrait faire un chèque. Dépression, folie?

Sa rencontre fortuite avec L. au cours d'une soirée sera t-elle bénéfique ou au contraire terrible pour son psychisme ?
C'est l'histoire terrible d'une emprise, quelqu'un prend possession de Delphine, elle ne pourra plus se passer de sa présence, l'autre décide pour elle, l'autre pense pour elle.. L. est parfaite, dans sa tenue, son allure, L.semble tout savoir sur Delphine, L.est belle, Delphine ne s'aime pas, Delphine est maladroite.
L. écrit des biographies, elle est le nègre d'actrices, d'acteurs, d'hommes et de femmes politiques. L. écrit la vie des autres, pas la sienne qui reste un vrai mystère.

Delphine doit-elle encore écrire un roman sur sa vie? Les lecteurs adorent à notre époque la réalité plutôt que la fiction. "Inspiré de faits réels" nous aimons. Delphine de Vigan pose une vraie question :
"Est-ce que la fiction se mélange souvent à la réalité?"
Une autre question : 
"Nous attendons quoi de nos relations amicales?"

Au fil des pages nous finissons par comprendre que la fiction est là, elle est très habile Delphine de Vigan.

Je ne dévoile rien de plus. Vous découvrirez les pages et le mot FIN suivi d'une astérisque qui ne mène à rien, vous aimerez ce roman.

Il est arrivé que je dise tout haut en lisant "Mais elle me connaît, ce n'est pas possible" Elle écrit sur sa difficulté à vernir ses ongles, j'ai renoncé, jamais parfaite lorsqu'elle s'habille, toujours un détail qui cloche, ce n'est pas pour moi une grande préoccupation, j'aime le naturel, les cheveux indociles qu'il faut dompter chaque matin, le simple fait de dire en voyant un escalier ou un obstacle sur la route "Je vais tomber, j'en suis certaine" et je tombe, je sais que je vais tomber etc. En réalité, elle s'inspire des femmes qu'elle rencontre ou d'elle même, comment savoir?

J'espère vous avoir donné l'envie de lire ce très beau roman, il vous troublera j'en suis certaine, mais c'est peut être déjà fait.  Bye MClaire.








vendredi 6 novembre 2015






C'est assez rare mais ça arrive, j'ai acheté un bouquin et je me suis ennuyée. Je poursuivais quand même ma lecture, je ne voulais pas abandonner.
Je ne connaissais pas l'auteur, je comptais avoir une bonne surprise, chez Leclerc culture une lectrice écrit sur un petit carton ce qu'elle a pensé d'un livre, il est scotché sur l'étagère et en le parcourant j'ai trouvé le sujet du livre alléchant, une histoire de linguistes troublés par un meurtre, ça avait l'air original. J'ai embarqué le bouquin.

L'histoire : Un linguiste Jeremy Cook qui adore séduire s'entend traiter de "trou-du-cul" devant la machine à café en présence d'un journaliste qui désire écrire un article sur le travail de ces hommes qui étudient les mots des nourrissons. C'est Paula une nouvelle assistante, charmante, qui a prononcé ces mots, Jeremy trouvait Paula très à son goût, c'est vraiment ballot..
A partir de là tout fout le camp, un de ces collègues se fait assassiner et son corps est retrouvé dans le bureau de Jeremy, ce collègue était adepte du mot "contre-ami", les rapports amour-haine.
Philpot le journaliste a disparu, on le retrouvera dans le fleuve avec la machine à écrire de Jeremy accrochée à une corde, bref! tout se complique. 
Les linguistes devront s'unir pour trouver l'assassin, la police est représentée par Leaf, un personnage perspicace et érudit. Si le livre vous tente vous apprendrez la fin de l'histoire...

Mon avis :

Dés les premières pages j'ai su que je n'allais pas aimer, j'ai horreur des romans qui alignent une dizaine de personnages dans les premières lignes, il faut suivre...
Je n'ai pas trouvé à un seul moment ce livre amusant, je dois être imperméable à l'humour anglo-saxon ou je ne comprenais rien, c'est possible.

"Réaction du détective devant un indice : «"Je veux bien qu’on m’encule si j’arrive à en tirer quoi que ce soit."/ Cook hocha la tête avec gêne, sceptique quant à la portée sémantique de cette apodose impérative.»

Je n'ai rien trouvé de subtil, la linguistique m'est étrangère, des termes un peu techniques, barbants. Nous avons sans doute tort de ne pas nous intéresser au "Beu.." et au "A..Bouiboui" des bébés, ce sont des idiophénomènes...

Seules les relations entre collègues étaient agréables à lire, nous avons souvent une image de nous qui n'est pas celle que les autres ont de nous.
Le bouquin a été écrit en 1980 et publié en 2013 en France. 
Il y avait encore des machines à écrire.
Je n'aime pas les romans policiers mais j'espérais que ce livre allait me faire changer d'avis, c'est raté. 
Mais comme toujours mon avis ne sera peut être pas le vôtre.

Je me suis aussitôt engouffrée dans le livre de Delphine de Vigan "D'après une histoire vraie", j'adore, j'en suis à la moitié du livre. J'avais découvert cette écrivaine en lisant "No et moi" j'ai lu ensuite "Les heures souterraines" "Rien ne s'oppose à la nuit" et j'avais aussitôt beaucoup aimé son style d'écriture.  

Bye MClaire.




jeudi 29 octobre 2015




Yasmina Khadra, pour moi un des plus grands écrivains de notre époque. C'est un homme, il a pris les deux prénoms de sa femme pour publier ses livres au moment où la censure régnait en Algérie, il était militaire et ne voulait pas d'ennuis avec ses supérieurs, son vrai nom est Mohammed Moulessehoul.
"Pour l'anecdote, le pseudonyme de l'écrivain est dû à une bévue d'un éditeur qui a déformé le prénom Yamina en Yasmina, croyant que l'épouse de l'écrivain avait omis un « s ». La bienveillante dame, sans demander l'avis de son mari, en service commandé à cette époque, signa l'aval à l'éditeur pour publier les œuvres de son mari, et évita ainsi les mailles des services militaires chargés de la censure qui avaient déjà averti M. Mohammed Moulessehoul, capitaine à l'époque, en signant Yamina Khadra qui mua en Yasmina Khadra. C'était en 1990" (Wikipédia)

J'ai lu huit livres de cet auteur, le plus beau "Ce que le jour doit à la nuit", celui que j'ai le plus aimé. Ma copine Malou m'avait offert lorsque j'étais à l'hosto "L'olympe des infortunes", mon chirurgien qui était un grand lecteur s'intéressait à ce que je lisais, il ne connaissait pas cet auteur et m'avait promis de le lire, il a pris sa retraite, il a tout son temps pour le faire, je vous encourage aussi de le découvrir (pas mon chirurgien, non, l'écrivain), vous ne le regretterez pas.
"Les sirènes de Bagdad" "L'équation africaine", que des très beaux romans. Ils sont en poche.

Quatrième de couverture :
 Longtemps j’ai cru incarner une nation et mettre les puissants de ce monde à genoux. J’étais la légende faite homme. Les idoles et les poètes me mangeaient dans la main. Aujourd’hui, je n’ai à léguer à mes héritiers que ce livre qui relate les dernières heures de ma fabuleuse existence. Lequel, du visionnaire tyrannique ou du Bédouin indomptable, l’Histoire retiendra-t-elle ? Pour moi, la question ne se pose même pas puisque l’on n’est que ce que les autres voudraient que l’on soit. »

En écrivant "La dernière nuit du Raïs" dans un style toujours aussi flamboyant, Y.Khadra accomplit un tour de force, il se met dans la tête du dictateur, "Je" est Kadhafi, ce dictateur mégalo, cruel, un barbare sanguinaire. Le peuple, son armée lui mangeaient dans la main, les mêmes s'apprêtent à le tuer avec l'aide des occidentaux. Khadra nous fait vivre sa dernière nuit.
Il nous fait aussi découvrir son enfance, un mot revient souvent, bâtard, ce mot a sans doute conditionné toute sa vie. Kadhafi était l'enfant d'une bédouine et d'un soldat corse blessé pendant la guerre dans le désert de Libye, un aviateur. Le silence régnait dans la famille,  lorsqu'il posait des questions, son père était mort et l'enfant voulait savoir. Un jour il a su.
"C'est vrai que je suis un bâtard, la pisse d'un fumier de corse qui passait par ici?"

Khadra  essaie de nous faire comprendre que Kadhafi n'était pas qu'un monstre sanguinaire, il a fait beaucoup pour son pays, a fait construire des hôpitaux, des routes, des logements, tous les maghrébins l'aimaient au début de son "règne", ils plaçaient beaucoup d'espoir en lui, ils ont été déçus par la suite, cet homme pensait que la violence était une nécessité, il se croyait investi "d'une mission méssianique". Ses proches le confortaient dans son délire :
"Sans vous, les tribus déterreraient la hache de guerre qui dormait sous des siècles de rancoeur, de vengeances inassouvies et de trahisons impunies. Il y aurait autant d'Etats que de clans. Le peuple que vous avez rebouté retrouverait intactes ses fractures..."
Nous connaissons la suite de l'histoire, ils avaient raison, ce pays est à feu et à sang. 

C'est le récit d'un homme grisé par le pouvoir et le pouvoir peut être démoniaque. Il prenait régulièrement de l'héroïne, s'imposait aux femmes, pouvait les séquestrer pour mieux en abuser. Sa fin dans un grosse canalisation de drainage agricole est pitoyable et Khadra lui fait entendre la voix de sa mère excédée par les turbulences de ce gamin instable :
"Tu n'écoutes que d'une oreille, celle que tu prêtes à tes démons, tandis que l'autre reste sourde à la raison.." Sa folie.

Lisez ce livre qui veut nous faire découvrir les ressorts les plus intimes d'un être humain qui se transforme en tyran, 206 pages à dévorer. Bye MClaire.




jeudi 22 octobre 2015

Carole Martinez "La terre qui penche"




Carole Martinez est née le 10 novembre, comme moi, mais pas la même année, en 1966, elle se destinait au théâtre, a été prof avant de devenir écrivaine.
Elle a publié trois livres, un vrai succès.
J'avais adoré "Le coeur cousu" une découverte, son écriture, son imagination.
Beaucoup aimé "Du domaine des murmures"
J'ai aimé "La terre qui penche" sans retrouver cet emballement qui m'avait saisie en lisant "Le coeur cousu". J'ai aimé, point.
Pour aimer ce livre, il faut rentrer dans son univers où les mots nous ouvrent des périodes de notre histoire, où les personnages peuvent être attachants ou odieux, où le conte le mêle à la réalité, lire doucement pour savourer.
Je ne suis pas certaine que ce roman puisse plaire à tout le monde, l'imagination de chacun est différente.

J'ai toujours aimé lire des bouquins qui traitaient du Moyen-Âge, à mon avis une période charnière de l'histoire , les bâtisseurs, les croyances, les joutes, les amours des seigneurs, la peste qui détruit tout et la vie qui reprend, les innovations technologiques pour de meilleurs rendements. Cette période est celle qui a ouvert la voie à la Renaissance. J'ai lu pas mal de livres écrits par Jeanne Bourin, elle savait nous passionner, nous faire aimer le Moyen-Âge.

L'histoire de Blanche, cette petite fille aux cheveux rouges, élevée par son père, sa mère est morte à sa naissance, est 
celle d'une enfant morte à 12 ans, mais est-elle vraiment morte? C'est peut-être tout simplement son enfance qui disparaît, pour laisser place à la femme. 
Cette vieille dame morte depuis des siècles raconte du fond de son tombeau l'histoire de Blanche, la sienne.
Blanche est une enfant rebelle, elle voudrait s'instruire, lire, écrire, son père ne veut pas. S'instruire était interdit aux femmes, ça ouvrait la porte à la désobéissance, aux questions, c'était ouvrir la porte au diable qui pouvait s'emparer des âmes.
Nous ne sommes plus au Moyen-Âge et pourtant il y a encore des hommes qui interdisent aux femmes de s'instruire. Trop dangereux. Les hommes sont-ils si peu sûrs d'eux?

Blanche sera promise à Aymon, le fils d'un autre seigneur, ils sont jeunes, elle a quelques années pour mieux connaître sa future famille, elle est conduite dans leur château. Un château où elle apprendra enfin à lire et à écrire, Eloi le charpentier lui dit souvent "Oh! Blanche qui saura bientôt lire."

Aymon n'est pas un enfant comme les autres, j'ai adoré ce personnage si bien décrit par l'auteure, fragile, émouvant, sans aucune méchanceté, innocent, il joue du pipeau, se réfugie dans les arbres, aime les chiens, devient un chien pour partager ses jeux avec eux. Un enfant retardé mais tellement beau, son père l'aime d'un amour infini, si vous lisez la page 173 de ce livre, vous ne pouvez pas rester insensible, une déclaration d'amour d'un papa à son fils, c'était rare à cette époque, les hommes allaient à la guerre, à la chasse, n'assistaient jamais aux naissances.

Il y a aussi la rivière la Loue qui tient une grande place dans le roman. Elle peut être meurtrière ou enjôleuse, ses méandres sont paresseux, mais peuvent être mortels. C'est là que Blanche rencontre la Dame Verte.....
La terre qui penche vers la rivière.

La douleur de grandir, rester le plus longtemps dans le monde merveilleux de l'enfance.

Un cheval qui s'appelle Bouc et qui aurait dû s'appeler Terre.

La condition des femmes à cette époque, tout au long du bouquin elle est là en filigrane.

Il y a des petits cailloux laissés là pour nous ramener vers les contes de notre enfance, nos terreurs, les petites filles en rouge, l'ogre sur son cheval, la cuisinière qui confectionne des merveilleux  gâteaux pour ses petites filles en rouge qui ne sont plus de ce monde mais qui le hantent toujours, etc.

Que dire de plus? Vous serez les seuls juges. Il m'est très difficile de vous recommander ce livre, êtes-vous prêts à rentrer dans le monde imaginaire de Carole Martinez? Je suis entrée dans ce roman et j'ai aimé, encore une fois sans ressentir l'émotion du "Coeur cousu", si vous ne l'avez jamais lu, il faut.  Bye MClaire.



mardi 13 octobre 2015

OTAGES INTIMES - Jeanne Benameur.




J'ai lu plusieurs romans de cette écrivaine, le merveilleux "Profanes" qui s'attaquait déjà à la vie et à la mort. J'avais écrit une gazette pour "Les insurrections singulières" elle est ICI
Jeanne Benameur est née en Algérie en 1952, d'un père algérien et d'une mère italienne. Elle a été professeur avant de devenir écrivaine, elle vit ou vivait à La Rochelle, elle continue à écrire des beaux romans.
Elle a une écriture très particulière, j'aime. Sensible, poignante, l'émotion toujours au rendez-vous, souvent très pudique.

L'histoire de ce livre :

Etienne est photographe, il parcourt la planète, les pays en guerre pour saisir le moment qui fait basculer une vie. Dans un pays lointain livré à une guerre où l'on ne sait plus qui est qui il photographie, un jour il y a la seconde de trop, il fallait qu'il se mette à l'abri mais une femme et des enfants s'engouffrent dans une voiture, un homme est affaissé sur le siège, est-il mort? Etienne regarde, une voiture s'arrête et il devient l'otage, bandeau sur les yeux il est jeté dans une pièce, il ne sait pas où il est, le temps n'a plus de signification, les geôliers sont ses maîtres, il ne doit pas parler, rien savoir. Pour ne pas sombrer il se remémore un morceau de musique qu'il jouait avec Enzo et Jofranka, la musique est sa bouée. 
Enzo travaille le bois, Jofranka "la petite qui vient de loin" est avocate à La Haye, elle défend les femmes qui subissent la barbarie des hommes. Ces trois là étaient inséparables lorsqu'ils étaient enfants, Jofranka vivait en famille d'accueil mais sa vraie famille c'était eux, elle passait son temps chez Irène la maman d'Etienne, Irène l'institutrice qui avait perdu Louis le père d'Etienne, un navigateur disparu en mer et jamais retrouvé.
Ils vivent là dans ce village si calme, loin de la fureur du monde, plus tard seul Enzo restera, il s'était marié avec Jofranka mais elle le quittera.

Un jour, c'est la libération, Etienne retrouve sa mère sur le tarmac, dans la foule il y a Emma avec qui il a eu une histoire d'amour, une vraie histoire d'amour mais elle ne supportait plus ses départs, l'attente, toujours l'attente et l'angoisse, cette attente destructrice. Ils se sont séparés. Il ne voulait pas être attendu. Elle lui écrira plus tard pour lui expliquer, pas pour le reconquérir.

Après l'euphorie du retour vient le moment où il faut vivre avec les cauchemars, les souvenirs, les scènes d'horreur enregistrées par sa rétine de photographe.
Tous les otages sont unanimes, ce retour est terrible, les autres ne peuvent pas savoir. Ce retour à la vie est très fragile, les mots ne guérissent rien.
"Les objets, les gens sont bien les mêmes. L'étranger c'est lui."
Etienne est retourné vivre chez sa mère, la douce et forte Irène "C'est sa verticalité qui a toujours fait taire chacun dans sa classe de campagne, ou dans les pires moments de sa vie quand en la voyant passer, on cessait de se plaindre." Etienne retrouvera son village, la nature, la rivière, et ses deux amis...Est-ce que cela suffira pour faire taire ses souffrances?
J'ai retenu cette phrase :
"Est-ce que chaque bonheur n'est pas là pour créer l'espérance du suivant?"
Je ne vais pas plus loin, vous lirez ce roman, je ne veux rien dévoiler de plus.

J'ai beaucoup aimé ce livre. J'ai aimé l'amour de cette maman pour son enfant, l'amour inconditionnel d'une mère pour ses enfants, se sentir libre lorsque nous savons que nos enfants sont heureux, "Comment berce t-on un homme qui a derrière les paupières toutes les atrocités."
La souffrance d'un enfant élevé sans son père qui préférait courir sur toutes les mers, une souffrance si bien écrite.
Il y a la musique qui sauve.

Au moment où je lis j'aime savoir que l'auteur a écrit pour lui et pas pour nous, les mauvais écrivains écrivent en fonction de leurs lecteurs, ça ne donne jamais de beaux romans. Jeanne Benameur fait partie des écrivains qui s'interrogent sur le sens de la vie à son rythme un peu lent.

J'espère que vous aimerez ce livre autant que moi.

Bye MClaire.




jeudi 8 octobre 2015




183 pages. Je l'ai lu. Je vais aller à contre-courant des critiques, me dissocier des autres lecteurs.
J'aime beaucoup Eric-Emmanuel Schmitt, je lis ses romans dès qu'ils sortent, certaine de passer un excellent moment, c'est un auteur érudit, une écriture riche, imagée, un peu philosophique, il est philosophe de formation, vous ne pouvez pas ne pas aimer "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" ou "Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus" et bien d'autres bouquins
Là, je suis désolée, j'étais pressée de finir ce bouquin, mais paradoxe je le lisais doucement pour comprendre, je n'avais sans doute pas envie de me poser des questions sur mon propre parcours, une enfance et une adolescence très chrétienne, trop chrétienne, imposée, plus rien après, je n'ai plus la foi. Je crois, sans doute avec innocence, que quelqu'un me protège, mais ce quelqu'un a le visage tantôt de mon père, tantôt de ma grand-mère, je reconnais qu'il m'arrive dans un moment douloureux de sentir remonter en moi mon éducation catholique, mais c'est très bref, je pense aussitôt "Quelle hypocrisie, tu ne pratiques pas." Tout ça est très complexe et souvent dérangeant
.
La révélation de la foi en Dieu dans le désert, je n'y croyais pas. Le désert est toujours un parcours initiatique pour de nombreuses personnes, pour d'autres pas du tout.
La présence de l'ermitage de Charles de Foucauld à Assekrem, ce noceur qui avait reçu la révélation mystique un jour d'octobre dans l'église Saint-Augustin à Paris, a peut être influencé l'esprit de l'auteur, il n'avait que vingt-huit ans, un âge où tout est encore perméable.
Je crois l'auteur qui a perçu ce feu alors qu'il était perdu dans le désert, mais que Dieu se révèle à lui en une nuit, je reste sceptique, il l'écrit aussi "Ce récit s'il ébranle certains, ne convaincra personne..J'en suis conscient. J'en souffre.."
ou "La perspective de quitter le Hoggar me fragilisait. A mesure que le temps passait, que le mont Tahat s'éloignait, je portais un regard critique sur ma nuit étoilée.. Ne m'étais-pas emballé trop vite ? N'avais-je pas interprété de façon mystico-religieuse des phénomènes purement somatiques?
La soif, la faim, l'épuisement avaient affecté mon corps et m'avaient conduit au délire. Et ce bien-être absolu dont je gardais le souvenir, ne le devais-pas à mon hypothalamus qui avait secrété des endorphines?..."

J'ai quand même aimé sa tolérance envers les agnostiques, philosophiquement il demeure agnostique, mais à la question "Dieu existe-t-il?" il répond "Je ne sais pas" et ajoute "Je crois que oui." Il ne veut pas confondre croyance et science.

J'ai aussi lu avec un certain plaisir la description du désert, la découverte du monde touareg, le vocabulaire de l'auteur est tellement riche, pour un scrabbleur c'est une mine de mots.

Vingt-cinq ans se sont écoulés, Eric-Emmanuel Schmitt a toujours la foi, il est toujours aussi tolérant :
"En l'autre, je dois respecter d'abord le même que moi, celui qui voudrait savoir et ne sais pas ; puis au nom du même, je respecterai ensuite ses différences."

Une dernière chose, j'ai toujours pensé que l'auteur était bouddhiste, tant son visage reflète de la bonté, de la sagesse, un visage de lama du Tibet. Je m'étais trompée.

J'ai aussitôt entamé la lecture du livre de Jeanne Bénameur
"Otages intimes", j'adore.

Bye MClaire.

jeudi 1 octobre 2015

Un faux pas dans la vie d'Emma Picard - Mathieu Belezi.



Je n'ai pas cherché ce livre, il s'est offert à moi comme le précédent, chez Easy-Cash, quelle belle rencontre, ce roman et moi.
C'est un magnifique roman écrit par un homme qui a un style éblouissant. Ce bouquin est sorti en janvier, il aurait dû sortir en septembre, il aurait mérité le Goncourt, c'est mon avis.
J'avais lu "C'était notre terre" le premier de la trilogie qui avait été nommé pour le Goncourt en 2008 si je ne me trompe pas, je n'ai pas lu "Les vieux fous". Une trilogie qui commence par le départ des pieds-noirs "C'était notre terre" et qui se termine par l'arrivée des premiers colons en Algérie dans les années 1860 sous Napoléon III.

Inutile de vous dire que j'ai pleuré, l'histoire d'Emma et de ses quatre garçons est bouleversante. Le gouvernement français distribuait des concessions en Algérie à des paysans très pauvres, leur donnant l'espoir d'être riche un jour. Emma se voit attribuer vingt hectares de terre algérienne entre Sidi-Bel-Abbés et Mascara. Elle est alsacienne, veuve,  a quatre solides garçons à élever, elle n'hésite pas à partir. Elle débarque pleine d'espoir mais la réalité du terrain va très vite la rattraper. Ses économies fondent, la terre est aride, la ferme en mauvais état, pas d'eau de juin à septembre, seule une source loin de chez elle peut faire qu'ils ne meurent pas de soif et aide à arroser quelques légumes, ils iront la chercher tous les jours. L'été à l'intérieur des terres en Algérie est terrible, l'hiver assez court mais il fait froid, il neige. Le paludisme, la dysenterie tuent. Emma et ses enfants subiront les pires calamités, tremblement de terre, vol de sauterelles qui ravage tout, mais elle y croyait encore et encore. Il y a l'Arabe Mékika qui restera pour l'aider jusqu'à la fin, dévoué inconditionnel. 
"Et une imagination de pauvre ça construit des maisons très-grandes, des champs très-gras, des arbres très-nombreux, une imagination de pauvre ça vous fait prendre les vessies pour des lanternes comme on dit".

Heureusement, dans les pires moments Emma peut se reposer sur l'épaule de Jules, le mécréant, le révolutionnaire qui veut faire tomber Napoléon III. Emma est une femme encore jeune, elle a besoin de cet homme qu'elle aimera.

Le pire arrivera à cette maman courageuse.

On me dira sans doute ou peut être pas "Tu es concernée par ce roman, c'est la raison pour laquelle tu as tant aimé ce livre".
Evidemment que oui, je me sens concernée mais même si je n'avais pas aussi bien connu l'Algérie mon avis aurait été le même, un livre magnifique.

La famille paternelle de mon père était Béarnaise, j'ai vu sur internet qu'une concession avait été attribuée à Victor Crabos né à Tarbes, c'est tout ce que je sais, sa mère était d'origine alsacienne et savoyarde, mon père ne racontait rien, jamais, je sais que mon grand-père était officier de la santé maritime à Alger, ma grand mère élevait 11 enfants, c'est tout, ils sont morts bien avant que je sache poser des questions. C'est vraiment dommage. Pendant toute la lecture de ce livre j'ai pensé à ce béarnais qui découvrait l'Algérie.
Du côté de ma mère, ils arrivaient d'Espagne, de l'Andalousie et de Madrid dans les années 1830 sans doute. Pauvres et à peine plus riches lorsqu'ils repartis.
Mon arrière grand-mère racontait, ma mère aussi, les liens étaient plus resserrés avec ma famille maternelle. Une famille chaleureuse.
Il leur a fallu sans doute beaucoup de courage pour adopter cette terre d'Algérie qui ne voulait pas d'eux.

J'ai connu les calamités décrites mais dans un autre confort, à une autre époque. 

J'ai connu ce soleil qui grille tout, la fournaise d'Affreville, de toute la vallée du Chélif, Miliana était plus agréable, bâtie au pied du Zaccar.

J'ai connu le vol de sauterelles qui s'abat sur tout. C'était à Téniet-el-Haad, un après midi, un bruit, un nuage sombre qui dévore tout, les acacias n'avaient plus une feuille, les jardins dévastés.
J'ai connu le tremblement de terre d'Orléansville, terrible.

J'ai vu ma mère grelotter sous des tonnes de couvertures, une crise de paludisme est impressionnante pour des enfants.

Nos voisins très proches, les Pastou, étaient colons, ils racontaient le travail harassant de leurs parents pour enlever chaque pierre et faire pousser de l'orge ou du blé, leur ferme avait été brûlée par les fellagas, leur fils tué d'un coup de revolver dans la tête sur un trottoir de Téniet, la terre d'Algérie ne voulait pas d'eux, il fallait qu'ils partent. Ils ne comprenaient pas. Le gouvernement français faisait des promesses comme en 1860. 
Emma parle à son fils qui est mort :
"En attendant que tu veuilles bien te réveiller, mon fils, je raconte dans quel enfer on nous a jetés, nous autre colons, abandonnés à notre sort de crève-la-faim sur des terres qui ne veulent et ne voudront jamais de nous".

Nous sommes partis en laissant une Algérie complètement différente, la colonisation prenait fin, l'ordre logique des choses. Nous n'accepterions pas d'être soumis à d'autres.
Une autre histoire commençait, elle devait se faire sans nous. Emma l'alsacienne a payé très cher le prix de cette colonisation, d'autres aussi.

Lisez ce livre qui est une tragédie, la voix d'Emma sort de son ventre ravagé, qu'y a t-il de plus terrible que de perdre ses enfants? "N'en veux pas à ta mère mon Joseph"
Emma ne croit plus en Dieu.
"Emma s'accuse d'avoir entraîné sa famille dans cet enfer, maudit les « terres de ténèbres » qui n'ont jamais voulu d'eux, dresse son poing vers le ciel : « Etait-il possible que le Dieu des chrétiens ait tourné le dos à son peuple colonisateur venu tout exprès en Bar­barie pour chasser le mal et le remplacer par le bien ? »
 J'ai lu je ne sais plus où qu'il y avait du Giono dans ce récit, c'est vrai.

 Bye MClaire.