mardi 28 juillet 2015

"La garçonnière" Hélène Grémillon



Un beau roman, ça flirte avec le polar mais ce n'est pas un polar, il y a une intrigue qui nous tient en haleine jusqu'à la fin. Des belles phrases, profondes, des mots choisis.
J'avais lu le premier livre d'Hélène Grémillon "Le confident" j'avais aimé, mais il n'avait pas dû me laisser un souvenir inoubliable puisque je ne me rappelais plus du sujet, il a fallu que je recherche des articles sur ce livre. Il y a des livres qui laissent leurs empreintes dans notre mémoire et d'autres pas même si nous avons pris beaucoup de plaisir en les lisant. 
C'est la raison pour laquelle j'aime bien garder mes livres, je les regarde, je les feuillette et l'histoire resurgit.

L'histoire se déroule en Argentine, dans les années qui suivent la dictature, les mères de la place de Mai qui défilent inlassablement en réclamant des nouvelles de leurs enfants, 
Eva Maria a perdu sa fille Stella, n'a jamais su ce qu'elle était devenue mais elle ne défile pas, elle a pris goût au vin et aux séances chez un psy Vittorio Puig. Estèban son fils n'est plus important à ses yeux, elle le délaisse, l'ignore, elle ne pense qu'à Stella.
Un matin, en lisant le journal, elle apprend que Vittorio son psy est soupçonné d'avoir tué sa jeune femme Lisandra en la jetant par la fenêtre, il est en prison. Elle ne veut pas y croire, a accès au parloir et décide de mener son enquête avec l'aide de Vittorio. Elle va écouter toutes les cassettes enregistrées pendant les séances des patients, soupçonner certains, Alicia, Miguel un pianiste torturé pendant la dictature, Vittorio aurait-il pu être un tortionnaire? Une vengeance?
Avant de connaître Vittorio, Lisandra dansait le tango
"Lisandra était belle, étrangement belle, et cela ne tenait ni à la couleur de ses yeux, ni à celle de ses cheveux, ni à sa peau, elle avait la beauté enfantine, non dans ses formes qui étaient si féminines, mais dans son regard, dans ses gestes, dans ses moues traquées par la douleur, dans cette femme, je l'ai su tout de suite, l'enfant n'était pas mort...C'était une amoureuse, elle aimait l'amour....".
Lisandra épousera Vittorio et au bout de quelques années deviendra terriblement jalouse, le soupçonnant d'infidélité, elle se transformera en vrai tyran. Des pages terribles sur la jalousie qui peut mener à la folie. La jalousie "un candaulisme refoulé" DSK doit ou devait en être atteint !! Je ne connaissais pas ce mot "terrifiant" qui recèle un tas de perversions.
Vittorio, psy, est enfermé toute la journée en tête en tête avec ses patients, c'est la loi du huit-clos, a t-il été tenté de lier une relation, ce qui est formellement interdit. La description de la séance avec Alicia est formidablement bien écrite, violente à travers les mots, une femme mûre abandonnée par son mari au profit d'une plus jeune.
Les psys doivent garder leur sang-froid face aux drames humains.
L'auteure a l'art de brouiller les pistes, très adroite pour nous mettre sur une fausse piste.
Le dénouement du roman est terrible, surprenant, Héléne Grémillon sait ferrer les lecteurs jusqu'à la fin.
C'est un livre émouvant, vrai, que veut dire vrai pour un livre?
A mon avis, un livre où nous nous reconnaissons ou nous reconnaissons les autres en lisant certains passages, des mots qui nous touchent au point d'avoir les yeux brillants...

Je ne vais pas vous en dire plus, lisez ce livre qui est sorti en livre de poche, vous ne serez pas déçus.

L'auteure remercie son Amour qui l'accompagne avec tant d'intelligence sur le chemin chaotique de l'écriture. Julien Clerc est son compagnon depuis de nombreuses années, c'est aussi un chanteur qui aime les mots.

Bye MClaire.





dimanche 19 juillet 2015



Nous ne pouvons pas tout lire, il peut arriver que nous passions à côté d'un chef-d'oeuvre, mais il peut aussi arriver qu'une connaissance vous fasse découvrir un auteur, un livre. Merci à Luc Maurin de m'avoir conseillé "L'usage du monde", un classique des livres de voyages. J'ai cherché ce livre dans les grandes surfaces, je l'ai un peu oublié et en parcourant une vieille librairie dans une petite rue de VIchy, j'ai trouvé ce bouquin aidée par une vendeuse qui connaissait parfaitement son métier. Je l'ai acheté, je l'ai posé sur ma pile à lire, je ne me décidais pas à l'ouvrir, j'attendais le moment propice, le moment où nous ne sommes pas dérangés, dans le calme du jardin, pour pouvoir voyager avec l'auteur sans être interrompue, partir dans mon imaginaire, rêver mais aussi réfléchir, ce livre est une très belle épopée mais il est aussi philosophique, magnifiquement écrit, d'une façon poétique, un vocabulaire très riche, une mine d'or pour des joueurs de scrabble.

Nicolas Bouvier a publié ce livre en 1963, presque confidentiellement, il a été réédité en poche dans les années 90, succès de librairie, il est devenu la bible de ceux qui décident de faire un grand voyage, seuls.
L'auteur est parti avec un ami Thierry Vernet, peintre et dessinateur, une petite voiture de l'époque, une Fiat topolino,
(une voiture qu'ils pouvaient réparer eux-mêmes, loin de nos voitures modernes qui refusent la main de leur propriétaire)


devait les conduire jusqu'en Inde, ils sont partis de Belgrade ensemble et sont arrivés à Kaboul ensemble. Thierry Vernet a quitté le voyage à ce moment là pour rejoindre son amoureuse à Ceylan.

J'ai dégusté ce livre, il faut absolument le lire lentement. Ne pas le parcourir comme un voyage organisé, des pays parcourus à toute vitesse. Nicolas et Thierry ont pris leur temps, le voyage est lent dans ces pays où nous ne pourrions plus aller à notre époque. J'ai trouvé ce livre un peu visionnaire, en le lisant en ce moment nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à ce qu'il se passe de nos jours. L'Islam, une religion éprise d'essentiel "sans cesse entretenu par le spectacle d'une nature où l'homme apparaît comme un humble accident, par la finesse et la lenteur d'une vie où le frugal tue le mesquin. Le Dieu de l'Hindou Kouch n'est pas comme celui de Bethléem, amoureux de l'homme, il est son créateur miséricordieux et grand". Une religion pleine de douceur. Loin de celle que des hommes veulent faire accepter.
La voiture souvent poussée par nos voyageurs dans les cols, sur des chemins épouvantables, traversera la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, l'Iran où ils resteront longtemps, l'Afghanistan, des descriptions poétiques de Kaboul qui est décrite comme une ville pleine d'agrément, de ressources. Les Afghans qui n'ont jamais voulu accepter l'étranger mais qui entrebâillent leur porte pour en laisser passer quelques-uns, tout a bien changé.


    Les galères aussi, les mouches, la malaria, les maladies. Ils pèseront à peine 100 kg à eux deux. Gagner leur vie pour pouvoir continuer ce voyage qui les dépouille de tout sauf de leur vie intérieure. Les rencontres avec des personnages atypiques qui se révéleront généreux lorsqu'ils seront désespérés. Ils seront même hébergés en prison, un hôtel original qu'ils ne refuseront pas. C'est vraiment un récit qui décrit la découverte de l'autre, sans haine.

    Nous ne pouvons pas raconter ce livre comme un roman, c'est un récit, il faut le lire et le relire, avec un brin de nostalgie, ce monde nous ne le connaîtrons plus, ces paysages nous ne pourrons jamais les voir tels qu'ils sont décrits, c'était en 1953. Le monde a terriblement changé.
    En rêve, j'ai traversé ces pays avec eux, attention ce n'est pas un guide touristique. Il est illustré, des dessins de Thierry Vernet
    Je vais essayer de lire du même auteur "Le poisson-scorpion". Nicolas Bouvier est mort d'un cancer en 1998.

    La vie est faite de rencontre, hier nous bavardions avec un ami en face de l'île de Berder, un monsieur s'est approché, il le connaissait bien aussi, il est d'origine algérienne, marié avec Valérie. J'étais en pays de connaissance puisqu'il revenait de vacances en Algérie, cela faisait 35 ans qu'il n'était pas allé dans son pays et dans sa ville Sétif. A chaque fois que j'entends parler du Constantinois je parle d'Herbillon, le paradis de mes vacances lorsque j'étais enfant, il connaissait bien, il avait des photos prises récemment qu'il doit m'envoyer, nous avons bavardé à bâtons rompus, et il m'a conseillé un livre "Les voleurs de rêves" de Bachir Adjadj, 150 années de la vie d'une famille algérienne.

    « Je ne suis pas « beurette », je me sens française jusqu’au bout des ongles, mais j’ai l’impression de manquer d’une dimension et je voudrais savoir d’où je viens » lui avait dit un jour  sa fille. Alors l’auteur lui révèle l’histoire de ses ancêtres - telle que la lui ont transmise ses parents. Il la raconte avec, en toile de fond, la guerre d’occupation et le régime du sabre que connut l’arrière grand-père Saad, le vieux taleb, la colonisation proprement dite que traversa Saïd son grand-père, personnage frondeur et pittoresque, et que servit, comme Caïd, son père, ancien défenseur de Verdun. Il lui parle de sa propre enfance arabo-coloniale dans une famille polygame, de l’archaïsme du père autant que de son obstination à envoyer ses très nombreux enfants à l’école de la République, et de ce que fut son adolescence insouciante. Il lui dit ce que fut la guerre d’Algérie qu’il fit, malgré lui, d’abord comme soldat français appelé du contingent, puis sa prise de conscience et son engagement dans l’ALN sur les frontières. Il raconte comment il vécut intensément les rêves fous de l’indépendance et ses premières dérives, l’Algérie des folles chimères et des déceptions douloureuses, qui, aussitôt libérée, s’est empêtrée dans son avenir, devenu son calvaire ..." 
    Nous avons passé un délicieux moment en leur compagnie.

    Bye MClaire.




    vendredi 10 juillet 2015


    Vous connaissez tous la grande navigatrice, sans doute un peu moins l'écrivaine, comme moi.
    Une très bonne surprise, ce livre est dur mais bouleversant, une intrigue bien menée, une belle écriture, nous vivons l'aventure de ces deux trentenaires à chaque page avec beaucoup d'intérêt. 
    Je n'ai pas lâché le livre. Un roman pour l'été. Vous ne regarderez plus jamais les manchots et les otaries de la même façon, surtout les otaries.

    Louise et Ludovic, les deux ont la trentaine, Ludovic l'insouciant, charismatique, il plaît à tous. Louise plus raisonnable, jamais sûre d'elle, sauf lorsqu'elle escalade des montagnes. Une rencontre qui n'aurait pas dû avoir de suite et pourtant ces deux là vont s'aimer, vivre ensemble, une vie trop rangée selon Ludovic qui rêve d'aventure et pas d'une maison au bord du golfe du Morbihan. Il rêve d'un tour du monde en bateau, comme beaucoup de jeunes à notre époque, loin de tout, une autre vie moins rythmée par les SMS, internet, le boulot. Il arrive à convaincre Louise qui était  un peu réticente. Ils partent. Tout se passe bien au début, finalement Louise avait tort de résister, elle ne regrette plus cette aventure, jusqu'au jour où ils décident de s'arrêter entre la Patagonie et le cap Horn, sur une île déserte, réserve naturelle interdite, ils bravent l'interdiction pour la visiter, mais une tempête se lève, leur bateau disparaît.
    Ils se retrouvent seuls, sans rien, et ils devront faire preuve d'imagination pour survivre, Robinson était seul, ils sont deux. Ils devront attendre l'arrivée d'une hypothétique mission de scientifiques, traverser l'hiver dans les pires conditions, faire appel à un instinct sauvage qui doit dormir au fond de nous tous.
    Le couple sera mis à l'épreuve, la faim, le froid, la promiscuité de Louise et de Ludovic pendant ces longs mois aura t-elle raison de leur amour ?

    C'est un huit-clos, une réflexion sur les relations d'un couple lorsqu'il est soumis à de dures épreuves. Est-ce que nous sommes prêts à sacrifier l'autre pour nous sauver ? Est-ce que nous pouvons rester unis dans les pires moments .? Pouvons-nous vivre l'un contre l'autre pendant de longs mois ? Sommes-nous prêts à tout pour apaiser notre faim ?
    La dernière partie du livre raconte le retour à la vie, à la civilisation. C'est presque aussi dur que la vie sur l'île déserte. Reconstruire sa vie demande autant d'énergie qu'essayer de sauver sa vie. Je ne vous dis plus rien, à vous de découvrir ce roman un peu cruel.

    J'ai beaucoup aimé ce bouquin écrit par une femme qui connaît la mer, qui sait la décrire mieux que personne.

    Vraisemblablement il ne m'arrivera jamais une aventure pareille, je n'aime pas le bateau, une traversée de dix minutes me suffit, les manchots et les otaries peuvent dormir tranquilles.
    Un conseil aux scrabbleurs, n'oubliez jamais votre jeu sur un bateau, il peut vous aider à passer le temps si un jour vous vous retrouviez dans la même situation, le jeu et l'ODS !!

      Bye MClaire.

    jeudi 2 juillet 2015

    "Un ETE SANS LES HOMMES"


    Découverte d'une écrivaine américaine. Un livre de poche acheté au pif, la quatrième de couverture me plaisait.
    Je n'ai pas été déçue, j'ai savouré chaque page de ce roman plein de délicatesse.
    Si vous aimez les livres qui "bougent" ce n'est pas celui-là qu'il faudra lire, à mon avis ça bouge mais dans les sentiments, pas dans l'action.

    Mia la narratrice est poète, la cinquantaine, mariée à Boris un neuroscientifique, une fille Daisy actrice débutante.
    Les premières pages du livre racontent le séjour de Mia dans un hôpital psychiatrique, une bouffée délirante après l'aveu de Boris, il veut faire une pause, il a rencontré une ravissante française dans son laboratoire, 20 ans plus jeune que lui, des vrais seins pas fabriqués, une belle intelligence, Boris s'est aperçu que ce qui est ne pourrait pas être, il fait sa crise, il veut vivre sa vie avec "la pause". Mia est dévastée par la douleur.
    Après son court séjour à l'hôpital, elle décide de partir pour le Minnesota, vivre quelques mois dans une maison de location, près de sa mère qui passe ses dernières années dans une maison de retraite en compagne de quelques "pétillantes", elles ont surnommé leur groupe "Les cygnes". Elle donnera des leçons de poésie à sept ados, que se révéleront perverses, pleines de contradictions comme le sont tous les ados.
    Mia a comme voisin un jeune couple et deux enfants très jeunes, les disputes sont continuelles, le mari est instable, coléreux mais aussi amoureux. Mia sera la confidente de Lola la jeune femme et le refuge des enfants lorsque Pete et Lola se disputent.
    Les plus belles pages de ce livre sont celles où Mia se rend à la maison de retraite pour des visites aux veuves qui résident là en attendant la mort qu'elles repoussent jour après jour.
    Ces femmes sont fragiles psychiquement et physiquement mais vivantes, gaies, gardent précieusement des secrets que Mia découvrira lorsqu'elle aura gagné leur confiance.
    Evidemment, Boris est toujours là dans le cerveau de Mia, que fait-il? Dans un premier temps, elle ne veut pas répondre à ses messages, la douleur est trop vive, elle ne cesse de chercher ce qui a provoqué cette rupture et un jour Daisy leur fille avoue à sa mère qu'elle a revu son père, il ne va pas bien du tout, il faut que Mia réponde. Peut-elle pardonner? Le pardon sans doute mais elle ne pourra jamais oublier.
    "Mais il y avait aussi l'histoire elle-même, l'histoire que nous avions écrite ensemble, Boris et moi, et dans cette histoire nos corps, nos pensées et nos souvenirs s'étaient si bien entremêlés qu'il était difficile de voir où se terminaient ceux de l'un et où commençaient ceux de l'autre".
    Kierkegard est souvent cité dans le livre, ainsi que d'autres écrivains qui sont souvent américains, que nous connaissons moins. J'ai aussi aimé les références cinématographiques.

    Je ne vous raconte pas la fin du livre.

    J'ai tout aimé dans ce livre, le style, cette analyse du subconscient des autres, la description de la complexité de l'être humain. Ce n'est certainement pas un pamphlet contre les hommes, mais nous sommes si différents.
    Les réflexions sur la vie, la mort, la vieillesse, sur l'enfance, les douleurs de l'enfance enfouies. Les douleurs des petits enfants qu'ils tentent de cacher en dialoguant avec leur "doudou" et avec une perruque que Flora la petite fille de Lola ne veut pas quitter. 
    Les pulsions des ados qui s'acharnent à détruire l'une d'entre elles en envoyant des messages anonymes, on retrouve ça sur Facebook. La perspicacité de Mia qui leur fait endosser le prénom de l'autre pour décrire ce qu'elles pensent dans un texte.
    Les erreurs des scientifiques au fil des siècles, Boris est un scientifique, les théories qui s'effondrent, nous vivons ce genre de situation.
    C'est aussi un livre sur la comédie humaine, pas philosophique du tout, humain, tout simplement humain, un peu subversif mais en aucun cas féministe. 
    Un coup de coeur.

    Bye MClaire.