jeudi 26 novembre 2015

"MA MERE DU NORD" J.L Fournier.


Dans ces lignes tout est presque dit.

« Petit, chaque fois que j'écrivais quelque chose ou faisais un dessin, j'avais besoin de le montrer à ma mère pour savoir si c'était bien. Qu'est-ce qu'elle penserait aujourd'hui de ce que je suis en train d'écrire sur elle ?Je suis inquiet. Elle doit en avoir assez qu'on parle de son mari alcoolique. Ne pas avoir envie qu'on parle d'elle, la discrète, la réservée, de ses maladies imaginaires, de sa tristesse.
Va-t-elle savoir lire entre les lignes, comprendre que ce livre est une déclaration d'amour ? Que j'essaie de me rattraper, moi qui ne lui ai jamais dit que je l'aimais, sauf dans les compliments de la fête des Mères dictés par la maîtresse. Ce livre, je l'ai écrit pour la faire revivre. Parce qu'elle me manque. »



Je lis depuis longtemps J.L Fournier, tendre, un peu vache, quelquefois cynique, désabusé, intelligent.
Il a écrit sur ses deux enfants autistes "Ou on va, papa", sur son père médecin alcoolique, sa fille devenue religieuse, sa femme lorsqu'elle est partie "Veuf"
"Le jour où l'eau courante ne court plus on regrette sa fraîcheur, quand la lampe s'éteint on regrette sa lumière, et le jour où sa femme meurt, on se rend compte à quel point on l'aimait. C'est triste de penser qu'il faut attendre le pire pour enfin comprendre. Pourquoi le bonheur, on le reconnait seulement au bruit qu'il fait en partant.."

Il a aussi écrit "Les mots des riches, les mots des pauvres"
"Chambre d'amis en pauvre, se dit canapé convertible."
etc. Il a collaboré avec P.Desproges pour "La minute de Monsieur Cyclopède" je ratais rarement le rendez-vous à la télé dans les années 80. J'adorais et j'adore toujours cet humour.
Ce livre est écrit avec des chapitres très courts, des petites chroniques introduites par une météo marine, selon l'atmosphère de la maison, sa mère était souvent en dépression et surtout hypocondriaque :
"Pour Pas-de-Calais, vents variables, la mer sera belle."
"Mer agitée avec houle de nord-ouest, temporairement forte cette nuit et demain matin."

Une mère qui a été veuve très tôt, le médecin qui avait conquis son coeur très jeune est mort d'alcoolisme, elle avait été sacrifiée sans le savoir, le curé en facilitant la rencontre et le mariage pensait qu'elle changerait celui qui avait un charme fou mais qui buvait. Elle ne savait pas, elle l'aimait mais il la faisait souvent tituber pendu à son bras lorsqu'ils rentraient à la maison après un repas chez des amis.
Ses quatre enfants ont fait des études supérieures, elle avait été prof de lettres, l'amour pour ses enfants était immense, il dépassait ses malheurs.
Elle n'avait pas été heureuse et pourtant elle avait le goût du bonheur, son livre préféré  "Propos sur le bonheur" d'Alain, elle avait souligné au crayon des passages "Ce qu'on peut faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux."
Un libraire avait dit à J.L Fournier qu'il était un "éveilleur de souvenirs." Jolie formule.

Sa maman est morte à 82 ans, dans son petit appartement d'Arras, elle avait toute sa tête, une mort subite. 
"Quand mon beau-frère m'a prévenu, j'ai demandé si elle avait souffert.
Elle n'avait pas souffert. C'était nous qui allions souffrir."
Il a dit plus tard à un journaliste :
"Après-coup, j'ai compris à quel point elle avait été seule à la fin de sa vie. A quel point j'avais été un fils ingrat. J'aimerais lui demander pardon mais le mal est fait."

J'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a fait souvent sourire, toujours le sens  de la formule, ce bouquin est émouvant, un très bel hommage à sa mère. Une belle déclaration d'amour.
Ce n'est pas du tout un livre triste, le talent de J.L Fournier est justement de nous raconter des choses tristes avec son sens de l'humour, de la dérision.

Bye MClaire.






jeudi 19 novembre 2015



Nous pouvons être un peu meurtris en refermant ce livre. Dur et en même temps plein de douceur. Un roman en grande partie autobiographique. 
Le dernier livre lu de cet auteur "Le quatrième mur", aussi émouvant. J'avais lu "Une promesse" et "Retour à Killybegs". Le style est toujours aussi pur, un peu journalistique, S.Chalandon a été journaliste à Libération pendant trente-quatre ans, ça laisse des traces.

Dans ce bouquin, il perce enfin l'abcès, il parle de son enfance, de son père, de sa mère. Une enfance compliquée, enfant battu par un père mythomane et violent et une mère non violente dans les gestes mais qui reste impassible, je l'ai trouvée pire que le père, terrifiante, comment une mère peut-elle supporter les violences faites à son enfant sans réagir?
Comment un enfant battu peut-il rechercher sans cesse l'amour de son père?
C'est le sujet du livre.

La guerre d'Algérie vient de se terminer, le général de Gaulle a abandonné cette colonie, pour certains et même pour de nombreux pieds-noirs c'est une trahison, l'OAS en toile de fond. Dans la famille Choulans, père, mère, fils va se jouer un huit-clos, personne ne rentre dans cet appartement, les volets sont souvent fermés, le père est paranoïaque, il ne faut surtout pas se faire remarquer, il est menacé, par qui?
"Mon père disait qu'il avait été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Eglise pentecôtiste américain, conseiller personnel du général de Gaulle jusqu'en 1958. Un jour, il m'a dit que le Général de Gaulle l'avait trahi. Alors mon père m'a annoncé qu'il allait tuer de Gaulle. Et il m'a demandé de l'aider..."
"A 13 ans, c'est drôlement lourd un pistolet."

Oui, mais lorsqu'il faut chaque début d'année scolaire répondre à la question, profession du père? l'enfant ne sait pas quoi répondre, son père ne travaille pas, traîne en pyjama dans la maison, passe des heures chez le garagiste sur un tabouret en racontant des histoires sur sa vie passée, il a connu Salan etc. 
Alors pour répondre à la question, profession du père, il ordonne à son fils de marquer "Agent secret" ce sera dit. Et je les emmerde."
La mère travaille.
L'enfant est naïf, il ne perçoit pas encore le drame qui se joue dans sa famille, ce père menteur, brutal, il veut l'aimer et il lui obéira pour s'identifier à lui, il se sentira son complice dans les actes les plus fous, il lui vole son enfance mais il l'aime, même si l'armoire sert de centre de détention après une raclée qui laissera l'enfant à terre, bourré de coups, des bleus sur la peau, du sang sur le visage, asthmatique la crise est là mais qu'importe et la mère qui dit "Tu connais ton père." la mère complice de la folie du père qui prend aussi des coups, mais elle reste, elle pardonne tout à ce mari tortionnaire. L'histoire se déroule dans le début des années 1960, mais ça n'explique pas tout.

Luca, un enfant de rapatrié d'Algérie intégrera la classe d'Emile, c'est le prénom que Chalandon a choisi pour le désigner enfant. Emile trouve un complice pour commettre les actes ordonnés par son père, les graffitis sur les murs, les menaces, c'est aussi l'histoire d'une manipulation qui dépasse l'enfant, ils seront entraînés dans un fait-divers qui les séparera au grand soulagement d'Emile.

Emile dessine bien, il signe Picasso en bas de ses dessins, les quolibets de son père fusent, jamais un compliment, il ne manquera pas une occasion de le rabaisser. Méprisant, le pire des sentiments.

Ce don lui permettra plus tard de gagner sa vie, son fils Clément répondra à la question profession du père "Peintre sur des tableaux malades".
Emile épousera Fadila, moitié bretonne, moitié kabyle, elle essaiera de panser ses plaies, enfin ils formeront une véritable famille. 
Il rendra visite à ses parents de temps en temps, pleurera, rien ne changeait, mais il sera présent jusqu'à la fin, jusqu'à l'hôpital psychiatrique où son père sera interné.

"Il m'a contemplé, lèvres closes. Son silence sur nous, en voile de crêpe noir. Personne d'autre que le père et le fils. Le chef et son soldat à l'heure de la défaite. Ma mère était ailleurs, et les odeurs sombres, et le froid du dehors, et Noël bientôt. Nous nous tenions par les yeux. Nos vies, nos peaux, nos coeurs. Il venait d'avoir quatre-vingt-dix ans. J'en avais soixante et un. Son vieux fils..."
Son père apparaît fragile, loin de ce qu'il a été, du héros qu'il voulait paraître et qu'il n'était pas. Chez Emile, l'homme a remplacé l'enfant, son père ne le fascine plus. Son père n'était qu'un bouffon qui basculait dans la folie.

Sans rancoeur, sans haine. La mère et lui, seuls à l'enterrement du père. J'ai aimé la dernière phrase du livre, après s'être aperçu que le magnétophone destiné à Emile ne contenait qu'une cassette vide :
"Ma mère, rescapée sans colère, sans aigreur, sans rancune.
Elle avait tranquillement effacé son mari."

Comme si cette vie sordide n'avait jamais existé.

Gorge serrée, j'ai refermé ce livre, formidable roman écrit d'une façon magistrale par Sorj Chalandon. Chaque mot est choisi, chaque phrase nous touche. Je vous préviens, ce n'est pas un roman facile à "digérer", mais un des plus beaux de la rentrée littéraire, certainement.

Bye MClaire.





vendredi 13 novembre 2015

Delphine de Vigan "D'après une histoire vraie"




Ce livre a un tel succès, vous avez peut être déjà lu les avis des lecteurs. Je vais vous donner le mien.

J'ai aimé, beaucoup aimé ce roman, nous ne savons jamais s'il est autobiographique ou si c'est de la fiction, tout se mélange. Il ressemble à un thriller, à des souvenirs personnels, les personnages sont-ils réels?
En première page, une citation de Stephen King :
"Il avait l'impression d'être un personnage dont l'histoire n'était pas racontée comme des événements vrais, mais créée comme dans une fiction."

Nous sommes prévenus, mais ....

Si vous avez lu le bouleversant et dérangeant "Rien ne s'oppose à la nuit", vous vous êtes peut être posé la question "Elle va écrire quoi après ça?" C'était tellement dense, plein d'émotion, de choses intimes, oui comment écrire après ça.
Tout au long du livre qui traite de l'emprise et de la manipulation, elle nous manipule à son tour, avec notre accord, nous aimons et nous ne lâchons pas le bouquin, nous ne levons pas les yeux, et surtout ne pas être déçue, surtout pas, gagné, elle a gagné.

L'histoire :

Dans ce roman, Delphine de Vigan met en scène Delphine, une écrivaine fragilisée après le succès incroyable de ce son dernier livre. Elle qui est retournée à la vraie vie, entre ses enfants, son compagnon François (dans la vie elle est la compagne de François Busnel qui anime le jeudi soir "La grande librairie"), elle qui revoit ses amies, ses bistros favoris, doit recommencer à écrire, le vertige de la page blanche ou plutôt de l'écran blanc sur Word, il faut poser les premiers mots et elle n'y arrive pas, elle ira jusqu'à la nausée. 
Cette difficulté d'écrire existe toujours, chez vous, chez moi, même pour une simple lettre, il faut trouver les premiers mots et ensuite tout s'enchaîne, l'étincelle s'est enflammée. Pour elle ce sera beaucoup plus compliqué, elle n'arrivera pas à écrire pendant deux ans, prendre un crayon sera une grande souffrance, elle ne répondra plus à ses mails, l'ordinateur restera éteint, les factures ne seront pas lues, il faudrait faire un chèque. Dépression, folie?

Sa rencontre fortuite avec L. au cours d'une soirée sera t-elle bénéfique ou au contraire terrible pour son psychisme ?
C'est l'histoire terrible d'une emprise, quelqu'un prend possession de Delphine, elle ne pourra plus se passer de sa présence, l'autre décide pour elle, l'autre pense pour elle.. L. est parfaite, dans sa tenue, son allure, L.semble tout savoir sur Delphine, L.est belle, Delphine ne s'aime pas, Delphine est maladroite.
L. écrit des biographies, elle est le nègre d'actrices, d'acteurs, d'hommes et de femmes politiques. L. écrit la vie des autres, pas la sienne qui reste un vrai mystère.

Delphine doit-elle encore écrire un roman sur sa vie? Les lecteurs adorent à notre époque la réalité plutôt que la fiction. "Inspiré de faits réels" nous aimons. Delphine de Vigan pose une vraie question :
"Est-ce que la fiction se mélange souvent à la réalité?"
Une autre question : 
"Nous attendons quoi de nos relations amicales?"

Au fil des pages nous finissons par comprendre que la fiction est là, elle est très habile Delphine de Vigan.

Je ne dévoile rien de plus. Vous découvrirez les pages et le mot FIN suivi d'une astérisque qui ne mène à rien, vous aimerez ce roman.

Il est arrivé que je dise tout haut en lisant "Mais elle me connaît, ce n'est pas possible" Elle écrit sur sa difficulté à vernir ses ongles, j'ai renoncé, jamais parfaite lorsqu'elle s'habille, toujours un détail qui cloche, ce n'est pas pour moi une grande préoccupation, j'aime le naturel, les cheveux indociles qu'il faut dompter chaque matin, le simple fait de dire en voyant un escalier ou un obstacle sur la route "Je vais tomber, j'en suis certaine" et je tombe, je sais que je vais tomber etc. En réalité, elle s'inspire des femmes qu'elle rencontre ou d'elle même, comment savoir?

J'espère vous avoir donné l'envie de lire ce très beau roman, il vous troublera j'en suis certaine, mais c'est peut être déjà fait.  Bye MClaire.








vendredi 6 novembre 2015






C'est assez rare mais ça arrive, j'ai acheté un bouquin et je me suis ennuyée. Je poursuivais quand même ma lecture, je ne voulais pas abandonner.
Je ne connaissais pas l'auteur, je comptais avoir une bonne surprise, chez Leclerc culture une lectrice écrit sur un petit carton ce qu'elle a pensé d'un livre, il est scotché sur l'étagère et en le parcourant j'ai trouvé le sujet du livre alléchant, une histoire de linguistes troublés par un meurtre, ça avait l'air original. J'ai embarqué le bouquin.

L'histoire : Un linguiste Jeremy Cook qui adore séduire s'entend traiter de "trou-du-cul" devant la machine à café en présence d'un journaliste qui désire écrire un article sur le travail de ces hommes qui étudient les mots des nourrissons. C'est Paula une nouvelle assistante, charmante, qui a prononcé ces mots, Jeremy trouvait Paula très à son goût, c'est vraiment ballot..
A partir de là tout fout le camp, un de ces collègues se fait assassiner et son corps est retrouvé dans le bureau de Jeremy, ce collègue était adepte du mot "contre-ami", les rapports amour-haine.
Philpot le journaliste a disparu, on le retrouvera dans le fleuve avec la machine à écrire de Jeremy accrochée à une corde, bref! tout se complique. 
Les linguistes devront s'unir pour trouver l'assassin, la police est représentée par Leaf, un personnage perspicace et érudit. Si le livre vous tente vous apprendrez la fin de l'histoire...

Mon avis :

Dés les premières pages j'ai su que je n'allais pas aimer, j'ai horreur des romans qui alignent une dizaine de personnages dans les premières lignes, il faut suivre...
Je n'ai pas trouvé à un seul moment ce livre amusant, je dois être imperméable à l'humour anglo-saxon ou je ne comprenais rien, c'est possible.

"Réaction du détective devant un indice : «"Je veux bien qu’on m’encule si j’arrive à en tirer quoi que ce soit."/ Cook hocha la tête avec gêne, sceptique quant à la portée sémantique de cette apodose impérative.»

Je n'ai rien trouvé de subtil, la linguistique m'est étrangère, des termes un peu techniques, barbants. Nous avons sans doute tort de ne pas nous intéresser au "Beu.." et au "A..Bouiboui" des bébés, ce sont des idiophénomènes...

Seules les relations entre collègues étaient agréables à lire, nous avons souvent une image de nous qui n'est pas celle que les autres ont de nous.
Le bouquin a été écrit en 1980 et publié en 2013 en France. 
Il y avait encore des machines à écrire.
Je n'aime pas les romans policiers mais j'espérais que ce livre allait me faire changer d'avis, c'est raté. 
Mais comme toujours mon avis ne sera peut être pas le vôtre.

Je me suis aussitôt engouffrée dans le livre de Delphine de Vigan "D'après une histoire vraie", j'adore, j'en suis à la moitié du livre. J'avais découvert cette écrivaine en lisant "No et moi" j'ai lu ensuite "Les heures souterraines" "Rien ne s'oppose à la nuit" et j'avais aussitôt beaucoup aimé son style d'écriture.  

Bye MClaire.