dimanche 28 février 2016



J'avais adoré "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur." lu il y a exactement six ans, je ne peux pas oublier la date pour une raison précise, c'était ma lecture à l'hosto.

J'ai apprécié modérément "Va et poste une sentinelle", je l'ai lu, je n'ai jamais eu l'intention de l'abandonner, il y a de beaux passages, mais j'ai été déçue. Lorsque nous avons beaucoup aimé un livre, un film, un voyage, il faudrait rester sur ses premières impressions, la suite ne satisfait pas toujours, un remake de film non plus, et un voyage dans un pays n'est jamais le même dix ans après, nous en avons fait l'expérience, ce que nous avions tant aimé avait disparu, la magie n'était plus là, des papiers gras sur une plage qui était déserte et magnifique des années en arrière, l'endroit n'était plus le même, c'était en Grèce.

Harper Lee n'écrira plus, elle est morte le 19 février dernier.
Bizarrement "Va et poste une sentinelle" avait été écrit avant "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" mais il a été découvert 55 ans plus tard, découvert et publié, un gros succès aux Etats-Unis, mais cela ne pouvait pas être autrement, ceux qui avaient lu l'oiseau moqueur se sont certainement précipités, comme moi.

L'histoire :

Jean Louise (ou Scout) a maintenant 26 ans, elle revient chez elle pour des courtes vacances, chez elle c'est Maycomb en Alabama, là ou vit Atticus son père et Alexandra sa tante qui s'occupe de la maison, rien n'a changé sauf la santé d'Atticus atteint de polyarthrite rhumatoïde, il ne se plaint jamais.
C'est Hank son ami d'enfance qui vient la chercher au train, elle est un peu amoureuse de lui, normalement ils devraient se marier ensemble, mais elle trouve qu'elle a le temps de prendre sa décision.
Au début, tout se passe bien, ou à peu près bien, Alexandra n'est pas facile, très à cheval sur les conventions, soucieuse de ce que pense la haute société de Maycomb, Jean Louise est restée la même, rebelle, elle n'a jamais voulu être dans le moule.
Un jour Atticus et Hank se rendent à une assemblée "Le conseil des citoyens" où ils débattent de la place des noirs dans la société. Jean Louise s'est assise dans une loge et écoute, le monde s'écroule, son père est raciste, les noirs n'ont pas de place dans leur société, c'est ce qu'elle comprend. Le pays est pourtant à l'aube de la déségrégation, mais les clans sont toujours là, le Klan aussi. Le Sud des Etats-Unis est toujours raciste, on ne s'assoit pas dans un bus à côté d'un "nègre." Elle adore son père, un exemple pour elle, comment a t-elle pu se tromper ?

Henry ou Hank, l'homme qu'elle pense aimer :

- J'essaie simplement de te faire comprendre les motivations d'un homme, au-delà de ses actes, dit Henry avec calme. Un homme peut te sembler engagé dans quelque chose de détestable à première vue, mais ne t'avise jamais de le juger avant de connaître ses motivations. Un homme peut trépigner de rage en secret, mais être conscient qu'il vaut mieux répondre par la méthode douce plutôt que de laisser éclater sa colère au grand jour. Un homme peut condamner ses ennemis, mais il est plus sage de chercher à les connaître." 

Je m'arrête de raconter..

Dans ce roman, il y a toutes les contradictions de l'Amérique, mais nous sommes si loin d'eux. Comment se reconnaître dans un personnage ? Je n'ai pas envie que nous ressemblions aux habitants de l'Alabama, je n'ai pas envie de voir cette montée de la xénophobie dans notre pays, elle existe pourtant. 
Notre société ne fonctionne pas comme la leur, d'où mon désintérêt en lisant certains chapitres. Je ne manque pas de curiosité mais tout me semble trop complexe dans leur justice.
Je pensais aux prochaines élections de leur Président, en lisant j'arrivais à comprendre cet engouement pour Tremp, même si le livre a été écrit il y a plus de cinquante ans, donc rien n'a changé.

J'ai aimé une chose, les rapports à l'enfance, les souvenirs de l'enfance, la difficulté de grandir. Ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure n'est pas toujours facile, le monde est souvent cruel. L'enfance nous protège, devenir adulte est quelquefois une souffrance. Nous ne pouvons supporter d'être trahis par ceux qui nous entourent, par ceux à qui nous faisions confiance. C'est très bien décrit.

J'ai encore aimé le personnage de Jean Louise, j'aime les gens qui n'acceptent pas tout, qui ne plient pas face à ceux qui veulent les dominer. Il faut dire que je n'ai jamais aimé l'autorité.

Alors quoi dire ? Si vous n'avez jamais lu "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" vous aimerez peut être ce roman, sinon vous risquez d'être un peu déçue. Ce livre a quelques défauts, à mon avis il est un peu maladroit. 
Voilà, ça m'embête un peu de ne pas être enthousiaste mais c'est mon sentiment.

"Chacun a son île, Jean Louise, chacun a sa sentinelle : sa propre conscience. Il n'existe pas de conscience collective." 

Je vais attaquer le dernier roman d'Olivier Adam, un auteur que j'aime.

Bye MClaire.




dimanche 7 février 2016

Olivier Papleux "La trappe aux oiseaux."


Olivier Papleux, agrégé de mathématiques, poète et écrivain.
Surprise pour une nulle en maths, matheux et poète, on peut donc être les deux, avec talent. Je lui trouve vaguement un air de Pierre Bachelet, chanteur qui aimait tant le Nord.

J'ai lu ce livre en deux après-midi. (ou deux après-midis, après la réforme de l'orthographe en 1990.)
  
Un roman introuvable en France, il faut le commander.
Je connais Olivier Papleux virtuellement, c'est un scrabbleur belge, ami avec moi sur Facebook. Je savais qu'il écrivait, c'est son troisième roman.
La couverture du livre avait attiré mon regard, le titre est évocateur. Les oiseaux libres et prisonniers en même temps, tel est le personnage principal du roman.

L'histoire :

Pierre est ingénieur, vie professionnelle réussie, vie privée qui semble harmonieuse, une femme Maijken, originaire du Brabant flamand, structurée, grands yeux bleus, milieu bourgeois, qui respecte toutes les conventions, les convenances, à mon avis un peu ennuyeuse ! Cela convient à Pierre, il est issu d'un milieu ouvrier et s'est hissé dans la hiérarchie sociale. Il a trouvé celle qui le cadre, il est  devenu raisonnable, tout en se permettant des petites aventures bien cachées, il n'est donc pas si sage.
Un petit garçon, Jan a agrandi la famille.

Un soir en sortant de la gare, son destin va être bouleversé, un négatif de photo se colle à la semelle de sa chaussure, il découvre ce négatif en remettant ses chaussures, le met dans sa poche et n'y pense plus, jusqu'au moment où il le redécouvre, le place dans la lumière, découvre un personnage assis dans une petite pièce. Il le remet dans sa poche.
C'est son anniversaire, soirée tranquille, relation amoureuse tranquille, tout est lisse.

Le négatif de la photo prend de plus en plus de place dans son esprit, il décide de le faire développer. La découverte du personnage qui occupe le centre de la pièce va bouleverser sa vie, la jeune fille devient une obsession, il doit la retrouver.
Sa vie bascule, il abandonne tout, son travail, sa famille, redevient un homme libre physiquement, mais victime de son obsession, il ira jusqu'au bout de ce qui est permis, sans jamais franchir la ligne jaune. 
Découvrira t-il le bonheur au bout de cette route ?

J'ai aimé :

L'écriture fluide, tout en percevant la rigueur, la précision (les maths?), la sensualité de certains passages.

Je connaissais vaguement le peintre Pieter Brueghel, école flamande, ses tableaux reconnaissables où foisonnent les personnages, mais l'auteur arrive à nous intéresser un peu plus à ce peintre. La peinture tient une grande place dans le récit, Pierre nous fait découvrir le peintre, Olivier place une page descriptive d'une oeuvre avant chaque chapitre, idée originale qui nous décrit un tableau.



Je connais très mal la Belgique, une journée à Bruxelles en revenant de vacances dans les pays nordiques. 
J'ai découvert ce pays, la Belgique germanophone, les expressions, les habitants, le traumatisme de l'affaire Dutroux. Un pays attachant, j'adore entendre l'accent belge.
Les descriptions des villes, Raeren m'était complètement inconnue.

Rike, l'aubergiste, personnage "fantastische", femme généreuse.

Les mots de Jacques Brel glissés dans certaines phrases, ce chanteur belge inoubliable.

J'ai aimé la description des familles recomposées, les doutes qui peuvent habiter celui qui arrive dans une maison où tout est à sa place, où il semble ne pas avoir la sienne. 

J'ai aimé la quête de bonheur d'un homme qui pourtant semblait être comblé. Le rapprochement avec sa famille est émouvant, son frère, sa mère, cette famille dont il est issu, un peu négligée et qui devient essentielle pour lui "Pierre, pas Pépé, maman."

Pierre deviendra le personnage de sa vie, libre de choisir ce qui est le meilleur pour lui.

Voilà, il vous reste à commander ce livre si vous voulez le lire. Je vous le recommande, vous aimerez. Tous les renseignements figurent sur internet.

Je me suis aperçue que je connaissais très peu les écrivains belges, Nothomb, Simenon bien sûr, il y aura Olivier Papleux. 

Bye MClaire.







lundi 1 février 2016

"Les prépondérants" Hedi Kaddour.




Passionnée par ce roman jusqu'à la page 306, j'ai subitement eu un moment d'ennui en lisant les pages qui suivaient et l'intérêt est revenu lorsque l'auteur m'a ramenée dans ce pays jamais nommé en Afrique du Nord. Un protectorat.
Personnellement, je situe l'action en Tunisie, pas au Maroc, mais vous avez le droit de croire que cela se passe au Maroc. Ces pays étaient des protectorats, l'Algérie était une colonie.

L'histoire :

Ce roman est une fresque qui débute dans les années 1920, après la guerre de 14-18 qui a laissé des traces dans l'histoire de quelques familles, les spahis se battaient en France et Rania issue d'une famille bourgeoise arabe a perdu son mari peu après son mariage, elle devient une jeune veuve convoitée, mais a soif de liberté, cultivée elle se plie aux conventions par respect pour sa famille.

Un pays où vivent arabes et colons, en apparence sans tension, les notables dirigent, ce sont les prépondérants, les arabes exécutent même si certains d'entre eux commencent à organiser des réunions. Les colons voudraient que le pays se transforme en colonie, le protectorat ne garantit pas la suprématie de la France et ils sentent que celui-ci commence à se fissurer.

Cette harmonie de façade sera rompue, une équipe de tournage américaine s'installe dans la petite ville pour tourner le nouveau film de Neil "Le guerrier des sables." sa femme Kathryn tient le rôle principal et le jeune Raouf, cousin de Rania, jeune bachelier brillant, éducation française et arabe, est chargé de lui tenir compagnie et de lui faire visiter la ville. il charme l'actrice. Raouf est nationaliste au grand désespoir de son père.
Gabrielle une journaliste parisienne est là, envoyée par son journal. Femme libre.
Dans cette petite ville s'installe un drôle de climat. Les moeurs des américains choquent, les colons sont méfiants mais fréquentent les soirées organisées, l'alcool coule à flots dans une pays où il est interdit pour les arabes, certains d'entre eux ne se privent pas de le boire. Les indigènes observent d'un oeil suspicieux ces femmes qui portent des tenues provocantes. Deux mondes si différents.

L'auteur nous transporte à Paris, en Alsace, à Berlin, Gauthier un colon est chargé par Si Ahmed le caïd d'éloigner Raouf de son pays, annihiler le nationalisme de son fils. Un voyage en France où Raouf retrouvera Kathryn, et en Allemagne, où nous sentons que quelque chose est en train de changer, d'autres plaies sont à venir, Hitler est là et organise sa première manifestation. Un voyage dans l'après-guerre avant une autre guerre.

Ce que j'ai aimé :

J'ai vécu vingt ans en Algérie, j'ai vraiment eu l'impression que rien n'avait changé entre 1920, période du bouquin, et les années où j'ai commencé à comprendre, à partir de 1952-1955, dix ans l'âge où la conscience s'éveille. Exactement les mêmes comportements, les mêmes conventions, le même mépris, le même sentiment de supériorité. Tout m'a semblé figé.
Aucun droit pour les femmes arabes, la soumission, j'ai vu se dépeupler les classes au fur et à mesure que j'avançais, des arabes à l'école primaire, et presque plus personne au lycée. Une ou deux, pas plus. Il ne fallait pas qu'elles se posent des questions, apprendre suscitait des réflexions et une femme qui se mettait à penser ce n'était pas admis.

Ce passage du livre fait tout comprendre.

"Et tout ce qui avait demandé des siècles pour s'établir dans les têtes, les choses et les corps, voilà que les nouveaux l'attribuaient soudain à leur génie, les autres n'étant pour eux que des demeurés, eux étaient les modernes, ils avaient compris, et celui qui a compris a droit à la terre, et on a pris : les friches d'abord, puis les terres des nomades, terres tribales vite sans tribus, ils ont replié la tente, les nomades, ils l'ont mise sur l'âne, ils sont repartis, qifâ nabki, arrêtons-nous et pleurons, dit l'autre, min dhikrâ... manzili, sur les traces d'un campement, ils ont l'habitude, et cette fois on leur a laissé leur tente et quelques chèvres, alors qu'avant, pour récupérer l'impôt, les gens du Souverain leur confisquaient tout et ils ne pouvaient même plus changer d'herbe, juste bons à venir en arracher entre les tombes au bord des villes, on leur a laissé la tente pour qu'ils aillent plus loin, et quand ils sont partis on a fait de grands domaines, des centaines, des milliers d'hectares, c'est rentable, surtout qu'après on rappelle les nomades expropriés, pour travailler, ces gens-là, quand ils sont bien encadrés et qu'on ne les lâche pas, ça peut aller, et ils sont très frugaux ! "

Quel cynisme.

Raouf rêve de communisme dans le roman, le communisme en Algérie était sévèrement puni, montré du doigt, les réunions se faisaient dans la clandestinité. Mauvais exemple.
Personne ne voyait que le monde était en train de changer.

Attention, certains caïds exploitaient aussi ceux qui travaillaient pour lui. Mes parents avaient une bonne qui disait toujours "Tu me gardes, toi tu me payes, si je devais être placée chez un caïd, je n'aurais rien et sûrement des coups."

J'ai aimé la description de ces deux cultures, le choc, nous vivons en ce moment le choc des cultures, nous devons nous défendre pour continuer à vivre selon notre culture, nous ne sommes pas la colonie de certains hommes en noir et armés.  

J'ai aimé les personnages de femmes libres très bien décrits par l'auteur.

J'ai aimé la description des paysages, je revoyais l'oued à sec et furieux après un orage, les poissons qui nageaient dans une flaque d'eau et que nous pouvions attraper à mains nus (trop d'arêtes, pas mangeables.)  Les têtards foisonnaient.

L'écriture est belle, un peu monotone dans certains passages, l'auteur prend son temps. Nous lisons rarement un roman sur l'époque coloniale si bien écrit. Ce n'est pas un livre d'histoire, c'est l'histoire qui se mêle à un roman d'amour et d'aventure. Contrairement à certains critiques, je n'ai pas eu l'impression de lire un conte, j'ai lu la réalité.

Ce livre aurait pu avoir le Goncourt. Il ne l'a pas obtenu, il a eu le Grand Prix du roman de l'Académie Française.

Bye MClaire.