vendredi 28 octobre 2016

"Petit pays" Gaël Faye.



Passer du rap au statut d'écrivain, bravo, voir son premier livre dans les quatre retenus pour le Goncourt, bravo.
Un roman réussi, personnellement je ne suis pas certaine qu'il mérite le Goncourt, prix prestigieux mais que je lis rarement, là je me suis régalée, le Goncourt ne me procure pas autant de plaisir, qu'il ait le Goncourt des lycéens, oui, il le mérite, j'aime ce Goncourt attribué par des jeunes et pas par les membres d'une Académie qui se consultent avant la proclamation, je crois qu'ils récompensent plus l'éditeur que l'écrivain. C'est mon avis.

L'histoire :
Ce livre commence tout en douceur, l'Afrique, le Burundi et en face le Rwanda, des enfants qui habitent une impasse où la vie se déroule tranquillement, les jeux, les odeurs, le parfum de la citronnelle, l'école, les copains, les quatre cents coups, ils volent les mangues à l'aide d'une perche, les revendent à une vieille dame grecque chez qui elles ont été volées. La vie de tous les enfants heureux qui ignorent la barbarie. 
Peu à peu l'ambiance devient plus pesante, les parents de Gabriel se séparent, lui est blanc, elle est tutsie, la mère s'en va en laissant ses deux enfants à leur père.

Les chuchotements entre les "grands" commencent à intriguer les enfants, il se passe quoi ? Pour le première fois le peuple vote pour élire son Président, des bruits circulent, si le Président n'est pas élu il arrivera le pire. C'est ce qui arrive, il n'est pas élu. La barbarie se mettra en marche, les hommes deviendront fous.
L'innocence des enfants disparaîtra, ils parleront de guerre, de l'achat d'armes, formeront un gang, mais Gabriel s'éloignera de ses amis, il se réfugiera dans la lecture, Madame Economopoulos dispose d'une bibliothèque fournie Gabriel se goinfrera de lecture "Avec Mme Economopoulos, nous nous asseyions dans son jardin sous un jacaranda mimosa. Sur la table en fer forgé, elle servait le thé et des biscuits chauds. Nous discutions pendant des heures des livres qu'elle  mettait entre mes mains......Je ramassais des feuilles séchées au pied des arbres pour en faire des marque-pages."
Après ces moments de douceur surgira l'horreur.
"Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie."
Les massacres, une guerre totale entre Hutus et Tutsis au Rwanda qui contaminera le Burundi.
Plus d'enfance et il faudra abandonner le paradis de leurs jeunes années.
La dernière partie du livre est vraiment bouleversante.
Nos gouvernants étaient ils coupables ? Nous pouvons nous poser des questions, la France est très impliquée en Afrique.

J'ai tout aimé en lisant ce livre, j'ai compris le désespoir de cet enfant lorsqu'il a fallu partir de ce pays, le Burundi, j'ai ressenti exactement la même chose lorsque nous sommes partis d'Algérie, je ne me souviens pas si nous avons donné un tour de clé à la porte ou si elle est restée ouverte, nous sommes partis très tôt, une fuite, nous n'étions pas des enfants mais nous étions tellement jeunes avec un bébé dans les bras.
Je comprends toujours tous les exilés du monde.
Est-ce que "Petit pays" est un roman autobiographique ? Il paraît que non. C'est un livre lumineux et noir à a fois, un grand roman. Une question :
"Comment fait-on pour vivre après, pour se reconstruire ?"

Bye MClaire.




vendredi 21 octobre 2016

"Berezina" Sylvain Tesson


Sylvain Tesson est un écrivain-voyageur ou le contraire.
Vous le connaissez, il passe quelquefois à la télé, la dernière fois que nous l'avons vu il était très mal en point, le visage partiellement paralysé, lunettes noires. Lui qui a parcouru une partie du globe, tenu des paris insensés dans des conditions extrêmes, est tout simplement tombé en escaladant la maison d'un ami à Chamonix, dix mètres de chute, des jours de coma.
Il est le fils du journaliste Philippe Tesson, je lis souvent le qualificatif de bobo en ce qui le concerne, un aventurier-bobo, je ne crois pas, mais on n'échappe pas à son éducation.
J'ai toujours aimé lire les bouquins qui racontaient des expéditions, des aventures, des marches à travers un pays, ou le tour du monde en vélo, il faut avoir le courage de tout quitter pour vivre ses rêves, j'admire.

L'histoire de cette aventure en side-car ou sidecar pour les scrabbleurs :

Sylvain Tesson et ses compagnons décident de parcourir en hiver 4.000 km à travers la Russie jusqu'à Paris, en side-car, un Oural,  rendez-vous est donné au pied de la statue de Napoléon aux Invalides. Ils décident de refaire le chemin qu'a parcouru l'armée impériale après la débâcle en Russie, les hommes et les chevaux, des milliers de morts sur ce chemin, et l'Empereur en tête qui finalement laissera ses troupes continuer seules, lui rejoindra Paris plus vite en compagnie de Caulaincourt, le grand écuyer, qui plus tard écrira sa Berezina pour les générations futures .
Personnellement, j'ai trouvé ce livre remarquable, mêler l'Histoire et sa propre histoire, une très bonne idée.
Nous avons tous appris dans les livres d'histoire la vie de Napoléon, mais les détails n'y étaient pas. Nous redécouvrons le courageux Maréchal Ney, les horreurs de cette campagne, ces hommes oubliés par l'histoire qui suivaient l'Empereur sans se poser de question, il fallait survivre à n'importe quel prix, marcher et encore marcher jusqu'à Vilnius où ils pensaient enfin manger, mais "les bourgeois, voyant arriver ces torrents de possédés couverts de peaux de bêtes, firent ce que font les bourgeois quand ils sont menacés : ils fermèrent les portes de la ville." (rien ne change.) "La marée de zombies se fracassa contre les remparts."
La famine, les poux, le typhus, la fatigue, l'épuisement, auront raison de ces hommes.

Tout au long du livre, l'auteur se pose des questions sur la notion d'honneur, l'amour de la Patrie, un mot bien démodé, sur l'individualisme de notre époque.
J'ai beaucoup aimé les dernières pages, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle avec notre époque actuelle. Napoléon faisait rêver "Les hommes sont prêts à tout pour peu qu'on les exalte et que le conteur ait du talent."
Avec lui tout était possible, vous étiez charcutier, vous pouviez finir maréchal. "Il n'était plus nécessaire d'être bien né, il suffisait d'être ardent."

Qui nous fait rêver actuellement ? Je cherche.

"Qui était Napoléon ? Un rêveur éveillé qui avait cru que la vie ne suffisait pas. Qu'était l'Histoire ? Un rêve effacé, d'aucune utilité pour notre présent trop petit."
Un vrai communicant. Il utilisait toutes les techniques de la publicité actuelle.

Qui est véritablement Sylvain Tesson ? Un homme que la Russie fascine, qui veut vivre pleinement sa vie et mourir de mort violente plutôt que finir sans passion.

J'ai beaucoup aimé mettre virtuellement mes pieds dans ces paysages glacés traversés par des hommes un peu exaltés, excentriques, aimant beaucoup la vodka, sans une seconde d'ennui. "En Russie, l'art du toast a permis de s'épargner la psychanalyse. Quand on peut vider son sac en public, on n'a pas besoin de consulter un freudien mutique, allongé sur un divan."

Un dernier passage :
"On ne manquait pas de communicants, nous autres; Mais ils ne nous parlaient pas la même langue. Il ne s'agissait plus de conquérir l'Orient en chargeant à cheval. En guise d'horizon, on nous dessinait des machines à café automatiques et des écrans plats. L'objectif n'était pas la gloire, mais le droit à un pavillon recevant la 5G. D'ailleurs "héros", c'était le nom que la presse donnait aujourd'hui aux pères et aux mères de famille."

J'ai acheté ce livre neuf chez Easy-cash, 3 euros 49, pourquoi 49 ? Je ne sais pas.
Je pense avoir lu qu'il était publié en poche.

Bye MClaire.








jeudi 13 octobre 2016


Changement complet d'univers, je sortais du bouquin de Jean-Paul Dubois, là c'est vraiment tout l'inverse, la famille existe, complètement barjot mais tellement sympathique, ils s'aiment.
Je n'avais jamais rien lu de l'auteure, c'est Michelle qui avait acheté ce bouquin, elle m'avait dit en me le prêtant "Tu verras, c'est amusant." Je confirme, c'est très amusant. Je sors de chez Easy-Cash et il y avait "Mer agitée à très agitée." du même auteure, je l'ai acheté pour presque rien, un euro.

L'histoire :

Isabelle et Pierre vivent une histoire d'amour depuis six mois, Isabelle est fantasque, amoureuse, très portée sur le sexe, Pierre doit être infatigable, elle ne travaille pas, squatte chez des amis, chez la famille, elle est malgré tout très attachante, Pierre tombe vraiment amoureux, au point de parler mariage, lui est issu d'une famille traditionnelle, bourgeoise, pas d'écart, il a été élevé strictement, mais avant de la présenter à sa famille il doit affronter les Pettigrew, la famille d'Isabelle, huit jours dans leur maison à la campagne près d'Angers.
C'est là que tout se corse, il y a la grand-mère Henriette, le grand-père James, la mère d'Isabelle, Catherine qui a une affaire de lingerie, le père qui après de belles études, décide de revenir à ce qu'il a toujours aimé, la mécanique, les mains dans le cambouis, la soeur d'Isabelle, Barbara, son mari qui est taxidermiste et leurs deux enfants et il y a les deux tontons Ludovic et Umberto. A l'écart de la maison vit Bo-Boe, une étudiante asiatique qui fait office de cuisinière, femme de ménage de temps en temps. Le grand-père est subjugué par Bo-Boe, le passage sur les haïkus est vraiment amusant..

Pierre complètement ébahi va découvrir cette famille chez qui rien n'est défendu, chacun vit selon son envie, pas de tabous. Il sent qu'il est en train de passer une sorte d'examen de passage, il doit plaire à la famille avant d'épouser sa belle et pour lui ce sera un brin compliqué. Doit-il rester lui même ou tout faire pour plaire ? Il sent qu'il est toujours observé.
La devise de cette famille semble être

"La haine épuise, le mépris assèche, la jalousie hystérise et le sarcasme amoindrit...Haïr prend un temps fou et le temps est précieux." 

Vous découvrirez la suite.

J'ai aimé cette famille déjantée, cet examen de passage, j'ai des souvenirs, dans ma famille, ma famille élargie, les tantes, les cousins, la grand-mère, mes parents etc. nous avions tous un sens aigu de la critique lorsque nous rencontrions le nouveau ou la nouvelle, au point qu'ils étaient présentés lorsque cela ne pouvait pas être autrement, rien n'échappait à notre oeil exercé, mon frère pourrait dire que nous lui avons sauvé "la vie" !! En riant beaucoup, il nous remercie encore.
J'ai aimé l'écriture légère, l'humour, beaucoup d'humour, certes, ce n'est pas un livre d'une grande profondeur mais il se lit facilement.
Il a aussi le vieillissement, Henriette et James sont conscients de leur âge, le temps qui se rétrécit, vite, il faut encore profiter de ce que la vie offre.
C'est aussi une leçon de liberté, ne pas vivre en fonction de ce que les gens pensent de vous, quel sentiment de liberté.

Tous les bouquins ne procurent pas les mêmes émotions, il faut de tout, le principal est que je ne m'ennuie pas. Nous avons besoin de légèreté dans cette période morose.
L'écrivaine me fait penser à Françoise Dorin, j'ai beaucoup lu Françoise Dorin lorsque j'étais jeune, elle me faisait rire. Le même style d'écriture.

Si ce roman se trouve sur votre chemin, il ne faut pas l'éviter, vous passerez un bon moment, pas inoubliable je le répète mais agréable.

Bye MClaire.

jeudi 6 octobre 2016

Jean-Paul Dubois "La succession".



Très, très beau roman, l'auteur est au mieux de sa forme.

J'ai découvert Jean-Paul Dubois en lisant "Une vie française" que j'avais adoré, si vous ne l'avez jamais lu, il ne faut pas hésiter. Depuis je le suis, c'est le sixième roman lu;
Il s'était fait plus rare depuis quelques années, il revient avec un bouquin éblouissant mais noir, la couverture est noire, l'humour est noir, l'histoire est noire, il faut croire que le noir peut éblouir.

L'histoire :

Paul, l'auteur emploie souvent ce prénom dans ses livres,
Paul est le fils d'un médecin de Toulouse, une grande maison, un père fantasque qui reçoit ses patients en short et même en slip, une mère insaisissable, horlogère qui entretient des relations un peu particulières avec son frère qui habite chez le couple, incestueuses ou non ? Un grand-père qui a connu Staline, un nom qui sent plus la Grèce que la Russie, Katrakilis, le grand-père qui a assisté à l'autopsie de Staline a découpé une lamelle de son cerveau qu'il conserve dans du formol.
Drôle de famille, on se suicide de génération en génération,
Le grand-père avec une arme à feu, l'oncle en jetant sa moto contre un mur, la mère avec les gaz d'échappement de la voiture, c'est Paul enfant qui la trouve, et plus tard le père en se jetant du huitième étage le visage entouré de scotch pour ne pas crier.
Paul décide d'échapper à cette malédiction en partant pour la Floride après avoir obtenu son diplôme de médecin. Il ne veut pas prendre la succession de son père.
Il est amoureux du Pays Basque et surtout de la pelote basque, il devient pelotari dans un Jaï-alaï de Miami. Il a mis un océan entre lui et cette famille toxique.
Il laisse son père seul à Toulouse, mais le destin terrible de cette famille continu, un matin il reçoit un message énigmatique de son père sur son portable 77777, et le lendemain il apprendra son suicide, il doit rentrer en France, retrouver cette maison hantée par les disparus, le bocal de formol et son morceau de cerveau, s'occuper des obsèques, des papiers.
Il laisse derrière lui cette vie légère, choisie, insouciante, son vieux bateau, sa vieille voiture, son appartement où il était heureux, son meilleur copain Joey, compagnon de jeu. Il reviendra.

La suite vous la découvrirez et je vous assure que vous aurez du mal à lâcher le livre.

Tout ce que j'ai aimé :

Si vous ne connaissez pas le monde de la pelote basque, vous apprendrez, les quinielas, la main d'osier, le monde des frontons. La mafia règne à Miami dans les années 80, il y a des paris.

L'amour inconditionnel entre l'homme et le chien, Paul a récupéré un chien dans l'océan, il l'a sauvé de la noyade, il a été jeté à la mer pour s'en débarrasser, le chien ne le quittera plus.

Jean-Paul Dubois est imprégné par la littérature américaine, de nombreuses références ponctuent le livre. Hemingway faisait aussi partie d'une famille suicidaire.

Le glissement de l'écriture, de l'humour noir au très noir, on peut sourire quelquefois mais j'ai pleuré en lisant la fin du livre, un peu surprise, je ne pensais pas pleurer; La mélancolie du roman.

Les lignes consacrées à la profession de Paul, médecin, les malades qu'il faut soulager ou aider, les difficultés d'appuyer sur le piston de la seringue, des belles pages très touchantes.

L'amour des vieilles voitures, l'auteur aime les vieilles voitures, il fait circuler Paul dans une Triumph Vitesse MK2 de 1969.

Le très riche vocabulaire de ce bouquin, vous connaissez les hespérophanes ? Le fluide caloporteur ?

Nous nous attachons à Paul, à ses failles, son envie désespérée d'échapper à son hérédité, à la malédiction familiale. Ce bonheur qu'il ne peut pas atteindre. Il tombera amoureux d'une femme magnifique qui a 26 ans de plus que lui, une histoire d'amour assez brève, un soir elle le renverra chez lui sans raison, il y avait une raison mais il l'apprendra plus tard.
"Le chat ouvrit les yeux / Le soleil y entra / Le chat ferma les yeux / Le soleil y resta."

J'ai tout aimé, un roman remarquablement réussi, envoûtant, je pense ne jamais l'oublier.

Bye MClaire.