lundi 25 avril 2016



Je l'ai lu jusqu'à la dernière ligne et pourtant j'ai souvent eu envie de l'abandonner, pas toujours, il y a des beaux passages. Ce livre me mettait mal à l'aise, je n'ai jamais côtoyé ce genre de personnages, un monde tellement différent du mien. 
Vous allez rétorquer que lire c'est ça, se plonger dans un univers que nous ne connaissons pas, je suis d'accord, mille fois d'accord, un livre doit nous faire réfléchir, rêver, pleurer, mais là ça ne me faisait vraiment pas rêver, la coke, le sexe, la misère humaine, je sais que cela existe mais je n'ai vraiment pas envie de lire un roman qui ne parle que des mauvaises choses de la vie. 
L'addiction à la drogue n'est pas belle, à l'alcool pas mieux, ne jamais toucher à ces poisons, ce sont des pièges mortels.
Ce qui m'a plu dans ce roman, c'est l'évolution du personnage de Myriam, ce que j'écris est un peu paradoxal, Myriam ne pouvait évoluer qu'en passant par la coke, l'alcool, le sexe, le mal de vivre, c'est le squelette du bouquin, sans ça tout s'effondre.

L'histoire :

Une famille qui se décompose, la mère est partie, a abandonné son mari et ses enfants, sans explication. Ils vivent dans une maison, un lieu indéfini, il y a là Myriam, Nathan qui partira très vite et le père, figure pas très sympathique qui s'occupe très peu de sa fille. Myriam, très jeune, rencontrera un producteur de cinéma, Yann, qui l'épousera. Elle ne connaît rien de la vie, n'a jamais rien appris, elle traîne une mélancolie carabinée, fait l'amour avec Yann mécaniquement puisqu'il faut. Elle se donnera à d'autres assez facilement.
Il y a Maria, la soeur de Yann, qui apprendra tout à Myriam, elle écrit dans un magazine, la coke circule, Myriam y goûte et ne pourra plus s'en passer, l'alcool aussi sera souvent son soutien. Elle évoluera dans ce monde de "bobos".

Une petite fille, Caroline naîtra, là encore rien, aucun sentiment, l'amour maternel n'est pas au rendez-vous. Cela viendra beaucoup plus tard, mais on peut comprendre, Myriam n'a pas connu l'amour de ses parents, elle n'arrive pas à aimer son enfant.
L'indifférence au monde l'habite.

"Quand il rentrait, Yann prenait Caroline dans ses bras et elle cessait de pleurer aussitôt. Il ne disait rien, mais je savais ce qu’il pensait. Il disait Myriam, tout va bien. Or je n’y arrivais pas. Quelque chose me manquait. Ce fameux instinct maternel, cette attirance naturelle que j’étais censée éprouver. Et j’étais si horrifiée, si honteuse de moi que je le cachais. C’était une vraie souffrance. Je devais me forcer avec elle, lui parler, la prendre, lui sourire quand je n’en avais pas" 

Tout est sec. Tout est triste. Lugubre.

La mère de Myriam resurgit, Nathan aussi, les liens familiaux sont vraiment délabrés, il faudra faire face à l'Alzheimer du père qui est hospitalisé.

Bon, ça va, vous ne pleurez pas devant toute cette misère. Je n'ai pas pleuré, moi aussi j'avais le coeur sec en lisant ce bouquin, sauf lorsque Caroline apparaît, les enfants sont toujours touchants..

Dans ce roman, P.Djian se perd un peu, j'ai dû quelquefois retourner en arrière pour reprendre le fil de l'histoire.

La fin du livre est pleine de promesses, ouf !

Je l'ai fini, je voulais aller jusqu'au bout. Est-ce que ce livre fera l'objet d'un film ? 37°2 le matin avait été une réussite, le livre et le film.
J'ai le casting pour ce film :
Luc Besson sera le producteur, Maïween sera Maria (elle avait épousé Luc Besson à 16 ans) - Jean Dujardin aura un contre-emploi, il interprétera le personnage de Yann, je vois bien une jeune comédienne un peu sauvageonne dans le role de Myriam, Lou Roy Lecollinet pourrait tenir ce rôle (Trois souvenirs de ma jeunesse.)

Bye MClaire. 




samedi 16 avril 2016

Annie Ernaux "Mémoire de fille."

On peut facilement tirer tant de livres de la vie et l'on peut tirer si peu, si peu des livres.
Kafka.

Un livre, cela se dévore et se hume, c’est un parfum qui est une nourriture, une odeur qui est un incendie. Hubert Juin.
(Le double et la doublure.)

Annie Ernaux a tiré de nombreux livres de sa vie, j'en ai lu quelques uns, j'avais beaucoup aimé "Les années", et comme le dit la citation, j'avais dû le humer avant de l'acheter, je fais toujours ça.

Dans son dernier roman, j'hésite un peu à écrire "roman", ce n'est pas un roman, c'est autobiographique comme souvent dans son oeuvre, c'est l'histoire d'une fille de 18 ans qui est elle mais qu'elle appelle sans cesse "la fille de 58", un dédoublement souhaité.
Ce livre devrait être lu par toutes les ados, elles sont si précoces maintenant, ce que nous étions à 18 ans, elles le sont à 14 ans, elles connaissent presque tout de ce qui se passe lorsque l'amour est là, des choses que nous avons longtemps ignorées, nous nous doutions bien que les bébés ne naissaient pas dans des choux et des roses, mais les choses de l'amour restaient un grand mystère, à 14 ans évidemment, nous étions prêtes à croire que nous pouvions avoir un bébé en embrassant un garçon. Je me souviens très bien de l'instant, de l'endroit, où j'ai posé la question à ma mère " On fait les bébés comment ?" Je devais avoir 10 ou 11 ans, ma mère n'a pas évité la question, mais les explications restaient très évasives, la petite graine rejoignait une autre graine. 
"Oui, d'accord, mais comment ?" Je pense que je savais mais je voulais qu'elle le dise, qu'elle m'explique. Elle a expliqué brièvement, mais elle n'était pas gênée, ma mère lisait beaucoup, je ne sais pas si elle avait lu "Le deuxième sexe" de Simone de Beauvoir.

Annie Ernaux est née en 1940, elle est de ma génération, je ressens tout ce qu'elle écrit si justement, les interdits, la surveillance maternelle, les amies, les années de pensionnat, les bals où nous pouvions nous rendre qu'accompagnées par un des parents, assis sur une chaise, le cou dressé pour ne rien perdre, si ma mère avait osé mettre trois chaises l'une sur l'autre, elle l'aurait fait. Son désir d'être amoureuse, sa soif de liberté.

Plus tard elle répondra ceci à un journaliste :
 Ma mère était une femme extraordinaire qui admirait les livres, la littérature. Quand j'ai écrit des horreurs sur elle dans Les armoires vides, elle n'a rien dit mais elle a dû souffrir. J'en traîne une grande culpabilité. Moi, en écrivant, je sais que j'ai détruit des choses, des gens. Je ne peux pas m'en empêcher... J'ai écrit un roman qui ne fut jamais publié, et j'en ai parlé à ma mère. Je me souviens de sa réaction: «Si j'avais su, j'aurais bien aimé écrire. Si j'avais su. Et aussi, aller à l'école.» 
"Moi, mes parents ne m'ont jamais empêchée de lire, j'ai toujours eu accès à tous les livres que je voulais."

Combien de filles se mariaient pour échapper à la domination familiale ? Pas moi, je vous rassure, je me suis mariée à 18 ans par choix, je l'aimais et cela fait 55 ans que cela dure, et je jouais sur deux tableaux puisque nous étions souvent chez mes parents, c'était pratique. Je ne fuyais pas mes parents. 
Annie Ernaux oui, elle en avait même un peu honte, un sentiment gênant, ils étaient modestes, les parents de ses amies étaient des notables, elle avait une bourse, ils ne pouvaient pas lui payer ses études. Ses amies ne venaient pas chez elle.

Une occasion se présente, être monitrice dans une colonie de vacances, gagner un peu d'argent et surtout connaître enfin la liberté, ne plus subir le regard de sa mère.
J'ai tout de suite été happée par les premières lignes du livre "Il y a des êtres qui sont submergés par la réalité des autres, leur façon de parler, de croiser les jambes, d'allumer une cigarette. Englués dans la présence des autres. Un jour, plutôt une nuit, ils sont emportés dans le désir et la volonté d'un seul Autre. Ce qu'ils pensaient être s'évanouit. Ils se dissolvent et regardent leur reflet agir, obéir, emporté dans le cours inconnu des choses. Ils sont toujours en retard sur la volonté de l'Autre. Elle a toujours un temps d'avance. Ils ne la rattrapent jamais."

L'Autre est un chef-moniteur, il ne la violera pas, elle était consentante, mais pour une première fois, ce ne sera pas une belle expérience, mais incroyablement elle se mettra à aimer cet homme qui n'a eu aucun respect pour elle, elle a été l'objet d'un plaisir sexuel brut, il ne s'encombrera pas de préliminaires, elle avait été choisie, elle qui ne se trouvait pas belle.
Cette première fois la poursuivra toute sa vie, jusqu'à l'écriture de ce livre.
C'est la raison pour laquelle j'écris plus haut que ce livre doit être lu par les ados qui veulent sauter le pas. La première fois est tellement importante pour une fille, ne pas se donner à n'importe qui, vite fait et mal fait. "Il vous abandonne avec le réel, par exemple une culotte souillée. Il ne s'occupe plus que de son temps à lui."
Suivent les sarcasmes, les moqueries des autres, toute la colonie est au courant. Heureusement, l'auteure se sent au dessus de tout ça. La lecture du "Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir, lui donnera les clés pour sortir de ses tourments, elle cessera d'être boulimique, anorexique et ses règles reviendront, l'absence de ce sang lui faisait honte.

Ce livre décrit très bien l'aliénation des femmes qui existe toujours dans certains pays, le pouvoir des hommes sur les femmes.

J'ai beaucoup, vraiment beaucoup aimé ce livre, si bien écrit, si émouvant, si vrai. Annie Ernaux écrit des livres autobiographiques qui se confondent avec notre vie à nous.
Une lecture très forte, j'ai pris mon temps pour lire, chaque phrase est importante. Elle écrit des mots qui sont généralement tus par les femmes, ils sont quelquefois crus mais nécessaires.

Bonne lecture. Bye MClaire.








dimanche 10 avril 2016



Denis Lachaud écrit pour le théâtre et le cinéma. Il publie ses romans chez Acte-Sud. J'aime la présentation des livres chez cet éditeur, la largeur du livre, nous reconnaissons tout de suite et les romans ne sont jamais trop épais pour ceux qui aiment lire vite.
Ce livre a été publié en 2009, il ne doit pas exister en livre de poche.

Il était sur une pile de livres à lire, j'avais fini celui de Marc Trévidic, j'ai saisi le bouquin, lu deux pages et je l'ai tout de suite refermé, ce n'était pas le bon moment. Nous allions prendre l'avion, vraiment pas la peine de me filer des angoisses, et cerise sur le gâteau, sur la 5 comme souvent, il y avait un documentaire sur un accident d'avion. Je l'ai reposé en me promettant de le lire en revenant de Lisbonne. C'est fait.

Je l'ai lu avec plaisir, c'est un roman vraiment original qui aurait pu tomber dans la mièvrerie. L'auteur a réussi l'exploit de nous passionner avec l'histoire de deux personnages qui échappent à un accident d'avion, le Boeing est tombé dans la forêt équatoriale, ils sont les seuls survivants, autour d'eux l'horreur des corps mutilés, les chairs brûlées par le kérosène, les cris et ensuite le silence et surtout l'incapacité d'aider les autres à s'en sortir lorsqu'on est soi-même blessé, sauver sa peau, marcher loin de ce brasier, essayer de fermer les yeux pour ne pas voir, ne pas avoir de souvenirs.
Lindsay voit surgir un homme blessé qui l'aidera à atteindre un endroit où des secouristes viendront leur donner les premiers soins. Emmanuel s'effondrera et se réveillera beaucoup plus tard, partiellement amnésique.

"D'où nous vient toute cette énergie, d'où tirons-nous notre énergie, toi et moi, l'énergie de progresser sous la canopée, si ce n'est de l'amour ?"

Le mot AMOUR est écrit, ce livre est un roman sur l'amour qui va lier les deux survivants. L'auteur arrive à nous faire douter sur l'identité sexuelle de Lindsay, est-ce une femme ?
Est-ce un homme ? J'ai longtemps cru que c'était une femme, puis j'ai eu un doute, l'idée que c'était une femme est revenue, on ne le sait qu'à la fin.  Il faut être adroit dans l'écriture pour faire douter, ne jamais révéler. Emmanuel était amoureux de Camille, Camille, une fille ? Un garçon ?

J'ai beaucoup aimé l'idée que l'amour était évident entre deux êtres, ce n'est pas démodé d'aimer, j'ai aussi aimé l'amour de la vie lorsque celle-ci risque de nous échapper, les mots sont tellement fluides, précis, beaux.
Lyndsay ne peut qu'aimer cet homme qui a vécu les mêmes moments. On ne sort jamais indemne d'une catastrophe qui a failli nous coûter la vie, les autres ne peuvent pas comprendre, les autres hésitent à poser des questions. On peut difficilement expliquer les névroses qui suivent.

Rencontre complètement improbable, c'était écrit.
Emmanuel l'indécis, le désabusé, le tourmenté qui cherche l'amour à travers des sites de rencontres rencontrera Lindsay qui dans la vie joue la comédie sur des scènes de théâtre, où ? en tombant du ciel. De l'horreur surgira l'amour, une renaissance.

Le blog d'Emmanuel est écrit comme un poème, on ne peut pas parler d'haïku mais ça y ressemble. C'est très beau à lire.

Je ne peux absolument pas dire que vous aimerez tous ce roman, cela m'est impossible. Personnellement j'ai aimé le style, l'histoire, il peut vous surprendre.

Bye MClaire.