mardi 30 octobre 2018

Jacques Expert "Sauvez-moi"






Je ne lis pratiquement jamais des romans policiers, des San-Antonio dans ma jeunesse, c'est tout.
Je ne sais pas ce qui m'a poussé à acheter ce bouquin, l'auteur peut-être, journaliste à la télé, j'aimais beaucoup, un vrai pro. Je ne savais pas qu'il écrivait.
Je n'ai pas été déçue, mais pas du tout, au contraire, ce livre vous tient en haleine du début à la fin, pas envie de le lâcher, avancer dans ma lecture pour enfin connaître l'assassin, nous ne devinons jamais qui tue, nous pensons être sur la piste et puis non, alors qui? Ce n'est pas qu'un thriller, c'est aussi un bouquin qui analyse la psychologie des flics, des juges, des commissaires, nous vivons avec eux au 36 Quai des orfèvres. C'est aussi un roman qui nous fait prendre conscience qu'à tous les moments de notre existence, nous pouvons être des victimes d'une erreur judiciaire parce qu'un instant nous avons fait confiance à quelqu'un.

L'histoire :
Nicolas Thomas est libéré, il passe les portes de la prison de Clairvaux, il avait été condamné à mort et gracié par le Général de Gaulle après avoir sauvagement assassiné quatre femmes, ça c'est que la justice lui reproche, il a toujours clamé son innocence.
Après vingt-neuf ans de prison, il obtient sa liberté conditionnelle, on lui a trouvé un employeur en Normandie, il doit se présenter à la gendarmerie chaque semaine.
Le commissaire divisionnaire Sophie Ponchartrain avait obtenu ses aveux. Pendant des années elle recevra du courrier "Sauvez-moi". 
Nicolas Thomas en liberté, aussitôt les meurtres recommencent, la même façon de tuer. Nicolas Thomas ne s'est jamais présenté à son employeur, il s'est évaporé dans la nature..

C'est un roman policier, je ne vais tout de même pas vous raconter l'histoire complètement, ni la fin... Alors lisez-le.

J'ai aimé le rythme de l'écriture, pas un moment d'ennui, l'auteur arrive à nous faire aimer Nicolas Thomas, ce jeune homme aux yeux bleus que la vie n'a pas gâté, nous voulons qu'il soit innocent malgré quelques ambiguïtés. Il est entré en prison illettré, il en ressort cultivé. 
J'ai détesté très vite cette Sophie Ponchartrain, manquant de patience, autoritaire, arrogante, exigeante, tête à claques que les policiers craignent, en douce ils l'appellent Pimpon mais ils ne mouftent pas lorsqu'ils sont face à elle.
Il y a aussi son assistante, la douce Rachel complètement soumise à sa patronne, admirative.
Tous les personnages sont bien décrits.
Nous pouvons nous poser des questions sur ces interrogatoires. Nous pouvons nous demander combien d'innocents croupissent en prison alors qu'ils clament leur innocence. Cela doit être un peu moins vrai de nos jours, la science a fait des progrès, elle peut fournir des preuves.

-Je vous demande de ne pas me tutoyer, répète obstinément Chambaraud, comme si c'était sa seule défense.
-Je te tutoie si je veux!
-Dans ce cas, je ne répondrai à aucune de vos questions, en attendant quelqu'un de plus respectueux que vous.
Dupouy a sorti son arme et l'a collée contre sa tempe.
-Et là aussi, tu ne répondras à aucune question, ordure ?
..
-Vous ne me faites pas peur.
-Ah oui? Je dirais que tu as tenté de me reprendre mon flingue. On me croira puisque tu ne seras plus là pour raconter le contraire! et ça me fera un bien fou...
-Ne me tutoyez pas!

Pourquoi tutoyer? Le tutoiement peut être amical ou la forme d'un profond mépris.

Un bémol, j'aurais bien voulu savoir où se rendait Sophie Ponchartrain chaque nuit...Rien sur ce détail.

La prison vétuste de Clairvaux fermera définitivement en 2022.

Je vous recommande ce bouquin, vous passerez un excellent moment, d'accord, vous ferez peut être un cauchemar, vous entendrez une porte s'ouvrir pendant votre sommeil, vous attendrez qu'une main vous saisisse dans la nuit après avoir repéré quelqu'un qui vous suit.....

Bye MClaire.

mardi 23 octobre 2018

"La tour abolie" Gérard Mordillat.








Vous avez peut être vu "Vive la sociale" à la télé, le film est sorti en 1983, vous avez peut être lu "La brigade du rire", deux exemples parfaits de l'univers Gérard Mordillat. Il est de gauche, même très à gauche, il a du talent.
Je n'écarte jamais les livres des gens de droite ou de gauche s'ils ont du talent.
J'avais beaucoup aimé "La brigade du rire", j'ai acheté "La tour abolie" en poche.

En haut de la tour Magister, trente-huit étages, qui pourrait se situer dans le quartier de la Défense, une grande compagnie d'assurances, tout son état major travaille là, son but le profit.
Des bureaux occupés par Nelson, William, Quentin, Xavier, Frédéric, Gladys et le Président Robsen. Ils sont des cadres supérieurs rémunérés deux cent cinquante mille euros plus les bonus :
"Les bon, vous les notez mal et vous les payez très bien. Les mauvais, au contraire, vous les notez très bien et vous les payez mal.."
"Le mauvais bien noté mais mal payé sera une proie offerte à nos concurrents. Ses notes témoigneront d'une excellence (factice) et son salaire d'une injustice. On se le fera piquer sans problème! Ce qui aura le double avantage de nous débarrasser d'un naze et d'en fournir un à la concurrence..."
Le cynisme règne.

A l'accueil, Peggy, blonde, bien en chair, minois de poupée et pas farouche. 
Les épouses des cadres supérieures ont aussi une vie un peu agitée, il faut bien s'occuper lorsque les maris sont souvent absents !! Vies privées difficiles.

Dans les sous-sols et les parkings, des misérables et Peggy qui dort là dans une voiture, avec son frère qui est un illuminé. Peggy prend tous les jours le RER pour tromper le personnel, elle revient lorsque plus personne ne risque de la surprendre. Peggy n'a pas les moyens de payer une location.

Deux mondes qui ne se côtoient jamais, la police vient quelquefois vider les lieux à grands coups de Karcher, mais ils reviennent, il y a des Popovs, les Rats, les Zombies, des drogués, des ouvriers sans papier qui travaillent sur les chantiers et qui se nourrissent avec les déchets du self, la cantine qui ne rapporte pas assez et qui doit être supprimée pour laisser la place à un Fitness plus rentable. La révolte viendra de là, les containers sont aspergés de javel et le self doit fermer.

Le décor est planté. 

Je suis partagée, j'ai aimé et moins aimé.
J'ai aimé les passages qui décrivent notre monde, les très nantis et les misérables, ceux qui consomment et ceux qui n'ont rien, l'auteur sait manipuler les mots, il décrit très bien le monde des grandes entreprises, plus aucune humanité que du profit. Les cadres supérieures ne voient rien arriver, ils sont manipulés et arrivera la grande remise en question.
Tout s'effondrera, le feu embrasera le trente-huitième étage.
Un feu d'artifice.
J'ai aimé Thelma, la femme de William, cadre chez Magister, Thelma écrit un blog, une révolutionnaire qui se contrefiche de ce que pourrait penser la direction de Magister. Elle soutient les sans-papiers, les marginaux. Une femme forte.
"Vous savez quel est le mal du siècle?
L'indifférence, dit Thelma. Tout le monde ferme les yeux, tourne la tête et se tait devant l'horreur du quotidien comme si cela suffisait pour être épargné."

J'ai beaucoup moins aimé les passages très crus, les mots grossiers prononcés par la faune. L'auteur n'était pas obligé de les transformer en animaux sans pudeur pour rendre son livre intéressant. J'ai souvent hésité à poursuivre ma lecture et le passage suivant me réconciliait avec le livre.

Alors quel conseil donner? Vous pouvez aimer, le style est tout de même flamboyant, l'histoire très intéressante, le destin des personnages peut concerner chacun de nous, vous pouvez être au sommet et plonger dans un abîme de misère, Nelson un cadre connaîtra la rue, la faim, la folie.
G.Mordillat dépeint très bien notre société, il y a du rythme, autant de choses qui peuvent vous décider à le lire.

Bye MClaire. 








lundi 15 octobre 2018

Olivier Adam "La tête sous l'eau"


Olivier Adam publie, je lis sans hésitation, j'aime cet auteur depuis son premier livre "Je vais bien, ne t'en fais pas", son dernier bouquin "Chanson de la ville silencieuse" publié début 2018 a été l'objet d'une de mes gazettes, j'avais aimé.

J'ai rencontré cet auteur à l'occasion du Salon du Livre à Vannes. Je l'avais vu quelques heures avant déambuler dans les rues de Vannes, seul, observateur, je l'avais reconnu, regard bleu, l'air mélancolique, je n'aurais jamais osé l'aborder, je pense qu'il ne doit pas aimer, pas rock-star !! Je l'ai fait lorsqu'il était à son stand, l'endroit était approprié, je ne suis pas certaine qu'il aime beaucoup ce genre de manifestation, promotion oblige sans doute.  

Dans "Je vais bien, ne t'en fais pas" il faisait disparaître un fils, dans "La tête sous l'eau" c'est une soeur qui disparaît.
Des histoires de famille compliquées. Un roman sur l'absence. Absence d'un père, l'absence n'est pas physique, absence d'une mère qui préfère s'éloigner, absence d'une fille qui disparaît à l'occasion d'un festival de musique en Bretagne.
Antoine le fils assiste à la déliquescence de sa famille.

O.Adam aime la Bretagne, il décrit si bien la mer, les côtes de Saint-Malo.
La famille s'est installée à St-Lunaire près de St-Malo, les parents ne supportaient plus Paris, le père journaliste a trouvé du travail dans un journal local, la mère est prof à Rennes, Antoine et Léa sont inscrits au lycée. 
Ils venaient souvent en vacances dans ce coin et pensaient que le bonheur serait présent en s'installant sur cette côte. 
Cela ne sera pas le cas, une vague de tristesse envahira cette famille qui explosera au fil des mois.
L'endroit où vous passez de magnifiques vacances d'été n'est pas le même pendant l'hiver.
Léa disparaîtra mais sera retrouvée, le cauchemar ne sera pas terminé, la guérison sera longue, le pervers qui l'avait enlevée est en liberté. Plus tard, l'adolescente osera enfin avouer son secret.

Des belles pages sur le surf, Antoine surfe pour oublier :

"Les vagues sont hautes ce soir. Elles me frappent, me rouent de coups, s'abattent sur moi avec toute la brutalité nécessaire. À cet instant c'est exactement ce que j'attends d'elles. Qu'elles m'assomment. Me foutent la tête sous l'eau. Me passent au Karcher. Me nettoient de fond en comble. Et finissent par m'effacer tout à fait. Remis à neuf, essoré, liquidé." 

L'auteure écrit sur l'adolescence, décrit leurs souffrances. J'ai lu qu'il destinait ce livre à un public jeune, je ne fais pas partie de ce public mais j'ai apprécié une fois de plus son style d'écriture, je l'ai lu d'une seule traite en quelques heures.
A mon avis ce n'est pas son meilleur roman, mais il reste un bon roman.

Bye MClaire.






vendredi 5 octobre 2018

"Un clafoutis aux tomates cerises." Véronique de Bure.



Une jeune femme qui décrit si bien les sentiments d'une dame de 90 ans. Elle a dû côtoyer de très prés une vieille dame, l'écouter, la comprendre. Ce livre est un petit bijou de tendresse.

Je l'ai commencé et je n'ai plus pu le lâcher. 
J'ai commencé par éclater de rire en lisant chaque page, les réflexions désopilantes, les anecdotes, tout prêtait à rire et au fur et à mesure de l'avancement de ma lecture, je n'avais plus envie de rire, juste sourire, le sourire s'effaçait  pour laisser place à l'émotion.
Jeanne vieillissait, chaque jour lui apportait des contrariétés, des chagrins, Jeanne avait eu quatre-vingt-dix ans. Je ne me suis jamais ennuyée avec Jeanne.
Le temps n'est pas le même lorsque nous avons vingt ans, nous sommes à l'aube de notre vie, le temps s'étire, la vie s'ouvre à nous, à quatre-vingt-dix ans, si nous y arrivons, nous sommes au crépuscule de notre vie, la nuit tombe vite surtout en hiver. Il reste si peu de temps.

Jeanne vit dans un petit village, près de Vichy, son mari René est mort, il lui reste ses copines, ses voisins Fernand et Marcelle qui sont toujours disponibles pour lui rendre service, la femme de ménage qui vient une fois par semaine, la factrice qui s'arrête pour lui donner son courrier et prendre celui qui est à poster. Elle a des enfants qui vivent à Paris, sa fille qu'elle a eu un peu tard et avec qui elle est fusionnelle, descend souvent, ses petits-enfants accompagnent leur maman, son fils s'occupe de ses papiers. Elle n'est pas seule et  a la chance d'être en bonne santé et d'avoir toute sa tête, elle peut rester dans sa grande maison, s'occuper de son jardin, jouer au bridge, faire ses courses, elle conduit. A notre époque où tout va si vite, Jeanne vit dans une bulle hors du temps, à la campagne, elle regarde pousser ses légumes, ses fleurs, le bonheur est dans son coin de campagne, dans le Bourbonnais. Ses copines, Toinette est veuve, Nine aussi, Gilberte aussi. "Aucune ne s'est remariée. Aujourd'hui il n'y a quasiment plus d'hommes au-delà de quatre vingt-ans dans le pays. Il n'y a que Chantal qui n'ait pas eu de mari. On prétend même qu'elle n'aurait jamais vu le le loup..."

Jeanne raconte ses journées, jour après jour.Elle confectionne un clafoutis et confond les tomates cerises et les cerises qui sont congelées. Un autre jour, c'est une copine qui disparaît, puis une autre que ses enfants font rentrer en maison de retraite. Un autre jour, elle tombe. Elle entend moins bien mais elle ne veut absolument pas ces espèces de gros boîtiers beiges, aux allures de flageolets en plastique. Marcelle sa voisine a perdu la tête, hospitalisée elle meurt, Fernand est désespéré, il a trouvé une maison d'accueil. Tout s'effiloche, son entourage se rétrécit. Elle sait que la fin est proche. Il faut bien partir un jour.
"Demain, c'est le printemps. La traversée s'achève, enfin. Je distingue l'autre rive, celle de la vie qui reprend. C'est demain et pourtant l'horizon reste flou, comme lointain. Les couleurs m'apparaissent pâles, la lumière un peu blême, comme au travers d'un voile. Vais-je arriver à traverser jusqu'au bout? J'avance si lentement et je me sens si lasse.."

Un très beau roman sur le grand-âge, sur une vieille dame qui nous donne envie de vieillir, j'ai oublié de dire qu'elle jouait aussi au scrabble et qu'elle aimait beaucoup boire son petit coup de blanc avec ses copines. Elle peut ressembler à votre grand-mère, à une voisine que vous aimez, ce livre est du bonheur. "Du bonheur en mots" et j'ai envie d'ajouter, si vous êtes dans le troisième âge vous allez reconnaître certains de vos sentiments, les réflexions sur les enfants sont hilarantes.

J'aurais tellement aimé voir ma mère vieillir comme elle, quatre-vingt-dix-huit ans, mais rien, pas d'angoisse, pas de plaisir, pas de chagrin, pas de joie, pas de souvenirs, elle vieillit...

Ce roman est en poche. Ne vous privez pas de sa lecture.

Bye MClaire.