jeudi 27 février 2020

Gaëlle Nohant "La femme révélée."



Belle découverte, je ne connaissais pas du tout cette auteure. Au moment où nous achetons un livre ou des livres il faut toujours faire des choix, une bonne copine lectrice l'a fait pour moi, merci.

Mon avis : Dans ce roman il y a deux livres, une première partie qui ne m'enthousiasmait pas, je lisais la vie de cette femme qui avait fui Chicago, un mari qu'elle se mettait à mépriser lorsqu'elle avait découvert sa vraie nature, une famille riche sans aucun scrupules, elle avait été élevée par un père plein d'empathie pour les autres,  enfant elle pouvait l'accompagner dans les ghettos de Chicago, elle voyait la misère régner dans ces taudis où vivaient des familles entassées dans une pièce, pas d'eau courante, pas d'électricité, des propriétaires abusaient de leur faiblesse. Naïve, elle avait cru qu'Adam son mari aiderait ces pauvres gens, grande désillusion, elle finira par craindre pour sa vie, abandonnera son fils pour filer vers la France, Paris. Son compagnon, un appareil photo, un Rolleiflex l'accompagnera, Eliza qui se fera appeler Violet tentera de se forger une nouvelle vie en espérant revoir son enfant. Des rencontres et il aura Sam, un Américain avec qui elle croira que tout reste possible.. Le Rolleiflex l'aidera à vivre, elle est douée pour saisir les moments d'émotion qui passent sur les visages.
J'arrivais à croire très difficilement qu'une mère abandonne son fils pour se sauver elle-même, mais il fallait intégrer l'époque, les femmes devaient se taire, quelle liberté avait Violet ? Il fallait qu'elle se réinvente pour retrouver celui qu'elle avait laissé.
J'ai lu quelque part cette belle citation : Lire, c'est penser avec la tête d'un autre. A. Schopenhauer. 

La deuxième partie est passionnante :

Eliza ou Violet, retourne à Chicago après des années passées à Paris, Sam ne fait plus partie de sa vie, un musicien de jazz, Horatio, rencontré dans un club de St-Germain lui a demandé de venir habiter chez lui pour servir de nounou à sa petite fille, leur relation évoluera, là encore elle choisira le moment pour partir retrouver ce fils qui a grandi sans elle. Un nouvel abandon.
Violet se retrouvera mêlée aux émeutes de Chicago, toujours armée d'un appareil photo. Son fils fait partie du Mobe, des étudiants contestataires qui manifestaient contre la guerre au Vietnam, les inégalités qui régnaient dans cette ville, un maire violent qui envoie la police cogner dans le tas, une violence rare "Puis sont venus les cris, le sang, le chaos." 
Violet demandera au responsable du Mobe l'autorisation de prendre des photos, elle participera à la manifestation, une manière d'être à côté de son fils, le protéger peut-être, elle qui ne l'avait pas fait pendant toute son enfance. La relation restera glaciale entre la mère et le fils....
Les scènes de violence nous rappelleront celles qui se déroulent plus près de nous, même scénario..

Vous lirez ce très beau livre, je ne vous raconte pas tout..

J'ai aimé les lignes qui décrivent la photographe, ces photos en noir et blanc de mon enfance, un bon photographe doit toujours saisir le moment exact où il se passe quelque chose, une photo peut parler, décrire toute une époque.
J'étais indignée, pourtant je le savais, en lisant la vie des personnes de race noire dans les ghettos, ils avaient quitté le Sud parce qu'ils étaient persécutés en espérant trouver une vie meilleure à Chicago, grande désillusion. L'auteure cite ses sources à la fin du roman. Gaëlle Nohant a su décrire cet univers.
J'ai aimé les personnages qui accompagnent Violet, Henry Williams sera celui qui la conseillera pour reconquérir son fils, des mots tellement justes et bons. Rosa la prostituée au grand coeur, Brigitte, Sam, la responsable du couvent des Feuillantines.
J'ai aimé la description de Paris, années 1950-1960. 

Je ne peux que vous recommander ce livre d'une très grande qualité littéraire.

Bye MClaire.


mercredi 19 février 2020

Eric-Emmanuel Schmitt "La vengeance du pardon"



Lire Eric-Emmanuel Schmitt est toujours un moment délicieux, un conteur qui nous captive, j'ai lu ce recueil de quatre nouvelles en quelques heures.

Vengeance et pardon, deux mots contradictoires, peut-on pardonner lorsque la blessure est profonde ?

Première nouvelle "Les soeurs Barbarin".
La jalousie qui empoisonne la vie d'une jumelle Moïsette, Lily est pourtant la copie physique de sa soeur, mais Lily est gentille et l'autre est méchante, Moïsette a l'impression de n'avoir jamais été aimée, de ne pas être aussi intelligente que Lily, tout semble réussir à Lily, les études, l'amour, alors sa jumelle ne cessera d'échafauder des plans de vengeance diaboliques. Lily pardonnera toujours.
J'ai aimé cette nouvelle, j'ai un peu deviné la fin mais l'analyse des sentiments est bien observée.

Deuxième nouvelle "Mademoiselle Butterfly."
A mon avis la plus passionnante.

William est issu d'une famille riche, privilégiée, vacances dans un chalet en montagne avec des jeunes gens de son âge, on chahute, on parie "Chiche, tu ne le feras pas."
Il le fait après avoir rencontré la très belle Mandine, fille d'un berger, Mandine est un peu simplette, elle ne voit jamais le mal "Tu es mon amoureux." mais William n'est pas près d'aimer Mandine comme elle le souhaite et surtout pas prêt d'être père. Les vacances finissent, il retourne à Paris..
J'ai vraiment pleuré en lisant cette nouvelle, le sacrifice d'une
mère pas comme les autres mais qui aime son enfant comme presque toutes les autres, je dis presque parce qu'il y a des mères qui abandonnent les bébés.
Et ce sera le sujet de la troisième nouvelle "La vengeance du pardon."

Comment pardonner à l'assassin de sa fille, de son unique enfant. Sam est en prison à perpétuité, dans une prison en Alsace, Ensisheim, cette prison existe vraiment. Elise la mère suit une thérapie pour essayer de réduire cette douleur qui ne la quitte pas, sa fille a été tuée dans un parking, violée près d'un local à poubelles, la troisième dans ce quartier de Montparnasse, il y aura 15 meurtres en tout. L'assassin est finalement arrêté, pas de remords, un animal féroce. 
Elise décidera de s'installer en Alsace, lui rendra visite au parloir, voudra comprendre, pourquoi? Elle aura une réponse. Il y a aussi une très belle histoire de chat abandonné.
Nouvelle très émouvante.

Quatrième nouvelle "Dessine-moi un avion."
Celle qui m'a le moins captivée, elle se laisse lire, elle est pleine de douceur. Un ancien aviateur allemand, à la retraite depuis longtemps, une petite fille de 8 ans qui est sa voisine. Se laissera t-il apprivoisé ? Arrivera t-il à se pardonner d'avoir peut-être abattu un avion pendant la guerre ? L'avion de quelqu'un qui deviendra célèbre, Saint-Exupéry. 

Les quatre nouvelles tournent autour du thème du pardon, 
quelle est la raison qui nous met du côté des bons ou des méchants ? Chaque personnage peut pardonner ou disparaître. Tous les sentiments qui traversent les êtres humains sont décrits : La bonté, la jalousie, la haine, l'amour.. 

J'ai beaucoup aimé, ce livre existe en livre de poche.

J'ai aussi lu "Ordesa" de Manuel Vilas, à mon avis un roman magnifique traduit de l'espagnol. En ce moment je ne trouve pas les mots pour en parler, la mort de nos parents est toujours douloureuse, quelque soit l'âge. 

Bye MClaire.



mardi 11 février 2020

Amélie Antoine "Quand on n'a que l'humour..."



Quand on n'a que l'humour, à ne pas confondre avec "Quand on n'a que l'amour." mais il s'agit bien d'amour, l'amour d'un père pour son fils, l'amour déçu d'un fils pour son père.
Lorsque nous sommes des enfants nous trouvons tellement normal que nos parents nous aiment, nous les pensons forts, prêts à tout pour nous rendre heureux et c'est souvent le cas, sauf chez Edouard Bresson, fils d'un ouvrier qui bosse dans une raffinerie, mère au foyer, Edouard ne connaîtra jamais l'affection d'un père qui voulait le silence lorsqu'il rentrait chez lui et  envoyait ses enfants jouer dans la rue pour ne pas être dérangé. Edouard pense qu'il y a forcément une autre vie qui existe ailleurs.
Edouard et Jonathan deux frères liés par un drame.
Edouard a un don précieux, il sait faire rire, construire des sketchs, il sera humoriste. Il séduira Magda une voisine, aura un enfant Arthur et la gloire sera au rendez-vous, il deviendra un artiste adulé par tous, les tournées, les spectacles, Arthur verra très peu son père, pas de fêtes de famille, des cadeaux pour se faire pardonner mais ce n'est pas ce qu'un enfant attend.
Edouard perdra Magda, elle le quittera, Arthur n'ira pas voir son père sur scène, son siège réservé restera désespérément vide...
Vous lirez ce livre, une lecture addictive, je n'ai pas pu m'arrêter tant que je ne l'avais pas fini.

J'ai aimé l'écriture simple, limpide de l'auteure, sa façon tellement juste d'analyser les sentiments des personnages.
Amélie Antoine décrit très bien la vie des artistes, leur angoisse avant le spectacle, jusqu'à la nausée, leur solitude après avoir été applaudi par des milliers de spectateurs, ces gens qui veulent absolument être pris en photo avec la star, lui sourit mais a t-il vraiment envie de sourire ? Il ne faut pas décevoir. C'est pourtant sur scène que le "clown triste" est chez lui, il en a besoin. L'homme artiste est un être complexe et être parent est aussi un rôle complexe.

Edouard appelle Arthur, une fois, deux fois, trois fois, Arthur ne répond pas, pourquoi répondre à un père qui n'était jamais là lorsqu'il avait besoin de lui ?
J'ai aimé la phrase qui termine un chapitre et que nous retrouvons au début du chapitre suivant, qui ne se situe pas forcément dans la même période.
Le livre ne sombre jamais dans la caricature, il est vrai.

Selon notre vécu il nous touchera d'une façon différente. J'ai eu des parents aimants, je pense avoir su aimer mes enfants. Je comprends la difficulté d'aimer les autres lorsque tout n'était qu'indifférence dans son enfance, on peut être maladroit puisque rien n'a été transmis, mais on peut essayer d'aimer, ne pas faire souffrir.
Le roman a deux parties, l'histoire d'Edouard et l'histoire d'Arthur. J'ai eu de l'empathie pour les deux personnages.

Je ne peux que recommander ce livre, vous avez le droit de mettre un kleenex à portée de votre main pour essuyer une larme.

Bye MClaire.





lundi 3 février 2020

"Sous le compost" Nicolas Maleski.




En poche. Je l'ai acheté attirée par la couverture, le compost est dans l'air du temps, un livre sur le jardinage, il pourrait être intéressant, les déboires des jardiniers amateurs sont toujours drôles. Dés les premières pages j'ai compris qu'il ne s'agissait pas ou si peu de jardinage.

Franck Van Penitas est un homme au foyer, écrivain raté, Gisèle sa femme est vétérinaire, ils habitent depuis deux ou trois ans un endroit de campagne qui facilite la mise en route d'un grand jardin, bien aidé par le voisin qui a toutes les connaissances pour lui apprendre comment planter tomates, courgettes, carottes etc. C'est ce qu'il appelle  «une micro-agriculture-vivrière-intensive» 
Ils ont trois enfants, Julie l'aînée et les jumelles, Valouise et Andréa, Franck adore ses filles, papa poule, la maison est bien tenue, elles mangent des légumes du jardin, tout roule, petite vie tranquille.
Le village et son bistro ne sont pas loin, il rencontre des copains en buvant un coup au comptoir, piliers de bar ils sont un peu lourds, grivois mais toujours de bon service. Il y a aussi la grosse Christine, coiffeuse, la femme de Denis, leur fille a disparu et n'a jamais été retrouvée, dix ans sont passés, Malika la femme de Bruno, un copain qui tient le bar.
Balades en vélo avec ses potes, barbecues, tout pourrait aller bien, jusqu'au jour où le facteur dépose dans la boîte aux lettres une missive anonyme "Gisèle avait une liaison" une seule phrase, sans plus de détails.
Franck décide de ne pas en parler à sa femme, n'a pas envie de déranger le bel ordre de sa vie, il fera son enquête, il arrivera à la conclusion que l'amant de sa femme est Carlos son associé à la clinique vétérinaire, il n'a pas de preuves mais cela pourrait être lui.
« Je ne lui avais rien dit de la lettre. J’avais peur qu’elle mente. Ou bien j’avais peur de la vérité. Je ne voulais pas non plus qu’elle sache que j’avais douté d’elle. Il fallait d’abord que j’aie une explication avec l’auteur anonyme. »

 A partir de là les événements s'enchaînent, Valérie la femme de Carlos l'associé contacte Franck, alors pourquoi ne pas se venger en la séduisant, Franck avec un parfait cynisme entretiendra une relation qui se révélera vite embarrassante tout en ayant la promesse d'une autre aventure, sa dentiste...
Gisèle sa femme semble rallumer la flamme qui était en train de s'éteindre, le voilà sur tous les fronts, quelle santé !!
Marc un ami qu'il n'a pas vu depuis longtemps s'invite chez eux avec sa compagne , il est écrivain à succès et voudrait que Franck devienne son nègre. Durant son séjour Rhoda la compagne de Marc disparaît mystérieusement... Deuxième disparition dans ce coin de montagne, la police s'en mêle.

Je vais vous laisser découvrir la suite..

Un livre un peu surprenant, amusant, les cyniques ont souvent un humour féroce.
J'ai bien aimé la description du "joli" monde de province, bien observé. Les amis ploucs sont tellement plus intéressants, Franck préfère leur compagnie.
Il y a des passages assez crus, étaient-ils nécessaires? Ne jouons pas les effarouchés si nous avons dépassé l'âge de l'enfance. 

Le roman est-il un polar campagnard, un roman érotique, un livre sur l'écologie? Chaque lecteur jugera. Dans tous les cas l'auteur nous entraîne dans le quotidien d'un écrivain raté, dans le monde du jardinage et de l'infidélité qui peut très vite devenir embarrassante, comment se débarrasser de Valérie sans provoquer un cataclysme ? Une bourgeoise coincée qui va vite devenir vorace.

Ce n'est pas un grand livre mais il se lit avec un sourire aux lèvres.

Bye MClaire.