mercredi 27 novembre 2019

"Le bal des folles" Victoria Mas.




Une belle surprise, un premier livre très réussi, difficile de le quitter lorsque nous avons commencé à le lire. 
Je n'avais jamais lu l'histoire de l'hôpital de la Salpêtrière, je l'ai fait après avoir terminé le roman. Sous Louis XIII un dépôt de poudre, la poudre devait être fabriquée avec du salpêtre, d'où le nom, puis un asile pour malheureux et un asile d'aliénées à la fin du 18ème siècle. Jeunes, nous avons habité quelques mois boulevard de l'Hôpital, je passais devant la Salpêtrière sans vraiment m'y intéresser. C'est fait.

Chaque année est organisé un bal dans le service des aliénées ou plutôt dans la vaste salle de l'Hospice, le bal de la mi-carême, les femmes attendent ce moment avec impatience, elles se déguisent. C'est une idée du docteur Charcot, une expérimentation, tous les bourgeois de Paris sont invités, ils sont aussi impatients que ces femmes, une curiosité, les voir de si près excite leur imagination. La folie se donnait en spectacle.
Les femmes qui étaient internées n'étaient pas toutes folles, la famille pouvait le faire si la personne ne rentrait pas dans le schéma classique, la moindre déviance pouvait être considérée comme de la folie et Eugénie fille d'un notable en fera les frais, elle voit les morts, les morts lui parlent, chose insensée aux yeux de son père. Elle sera internée.
Elle rencontrera Geneviève, l'intendante qui n'affiche jamais un sentiment d'humanité, il ne faut pas, jusqu'au moment où...
Tous les personnages sont attachants, la petite Louise, Thérèse la tricoteuse qui ne veut surtout pas que la médecine la considère guérie, dehors personne ne l'attend. 
Cette période est le début de la psychiatrie, nous pouvons être révoltés contre ces médecins qui se livraient à des expériences sur des malades qui avaient la parole ligotée.

L'originalité de ce livre est que ce n'est pas véritablement un roman qui raconte une histoire d'amour ou autres. L'auteure a su nous intéresser en écrivant des faits réels comme un roman. Au final le bal n'est qu'un prétexte, quelques pages.
Quel talent..

L'écriture est limpide, très agréable, 

Victoria Mas est la fille de Jeanne Mas la chanteuse mais elle n'a vraiment pas besoin de la notoriété de sa maman pour exister. 

Un très beau moment de lecture, je vous recommande ce livre.

Bye MClaire.



mardi 19 novembre 2019

Nathacha Appanah "Le ciel par-dessus le toit"




Magnifique roman.

Un trio, une mère et deux enfants. Trois personnages cabossés par la vie qui essaient de s'en sortir chacun à leur façon.


Phénix la maman qui ne s'est pas toujours appelée Phénix, dans une autre vie son prénom était Eliette.
Paloma la fille, qui a très vite compris qu'elle devait s'éloigner pour ne pas être dévorée par cette vie qu'elle déteste.
Loup le garçon étrange, mystérieux, écrou 16587, Maison d'arrêt de C...
"Quelle forme prendrais-je sur le mur.
Est-ce que d'autres que moi essaieraient de deviner
Comme dehors on s'allonge sur l'herbe et on démasque les nuages.
Ils diraient je vois je vois
Un chien un insecte un serpent
J'aimerais tant que ce soit autre chose
Un ciel une étoile un rêve...."

Le visage de Loup est beau, le visage d'un "enfant" qui a voulu rejoindre sa soeur au volant d'une voiture qu'il n'avait pas le droit de conduire. Loup est emmuré dans un lieu mais aussi dans sa tête. Cet enfant est terriblement émouvant.

Phénix vit dans une vieille maison au bout d'un chemin, belle mais tatouée des pieds à la tête, une façon de se cacher? Révoltée, son enfance aurait dû être heureuse mais ses parents lui faisaient jouer un rôle qu'elle ne voulait plus tenir, belle petite fille maquillée, habillée comme une adulte, elle devait chanter, jusqu'au jour où elle quitte son enfance en poussant un cri terrible. Un mal-être qui l'empêchera de donner de la tendresse à ses enfants. 

Paloma, la discrète Paloma, celle qui s'asseyait toujours au bord des chaises, en attente. 

Dans cette histoire les pères sont absents. La misère doit-elle se reproduire dans ce milieu dit défavorisé, ce milieu ou le souci quotidien est de survivre? L'auteure laisse une porte ouverte sur un avenir plus prometteur.

Ce livre est doux, quelquefois violent, de la noirceur mais jamais agressif, chaque mot nous parle, chaque mot nous émeut. Je l'ai refermé doucement, sans faire de bruit, je ne voulais pas troubler les retrouvailles d'Eliette, de Paloma et de Loup, ces moments si fragiles où tout peut déraper.
"Tant de choses peuvent changer en dix ans, n'est-ce pas?"

Evidemment le titre est emprunté à un poème de Verlaine, le ciel par-dessus le toit, Verlaine qui avait été emprisonné après avoir tiré sur Rimbaud..

Lisez ce roman, vous ne l'oublierez pas.

Bye MClaire.



mardi 12 novembre 2019

"Agathe" Anne Cathrine Bomann




J'ai préféré écrire une gazette qui parle de ce livre, j'ai eu le temps de lire celui d'E.E.Schmitt après "Agathe", je n'ai pas aimé "Journal d'un amour perdu", pas trop envie d'en parler, en général j'apprécie E.E.Schmitt, il adorait sa mère qui est morte subitement mais de là en en faire un livre de 251 pages, c'est trop, un trop-plein lassant, il y a de beaux passages, pas assez pour passionner la lectrice que je suis.
Revenons à Agathe.

Un livre que je n'aurais pas eu l'idée d'acheter si André un ami Québécois sur Facebook ne l'avait pas recommandé.
Il a eu raison, j'ai beaucoup aimé. Un petit livre, des chapitres assez courts, une écriture pleine de sensibilité. L'auteure est jeune, elle est arrivée à décrire avec des mots justes l'angoisse de ce vieux psy qui vit seul, sa marche vers une retraite qu'il n'a pas préparée, le vide qui l'accompagnera, il compte les visites, le compte à rebours a commencé, que va t-il faire de sa vie ? Une vie passée à écouter celles de ses patients tout en souffrant d'un manque d'amour pour les autres. La solitude, l'angoisse, ces sentiments qu'il a si souvent écoutés vont devenir les siens.
Un psy qui ne doit jamais montrer sa préférence pour une malade, écouter, juste écouter. Agathe Zimmermann est cette malade qui a perdu toute envie de vivre, elle se mutile "J'ai une telle envie de gommer mon visage ; je ne le mérite pas" Cette femme n'est que douleur.
Comment ces deux êtres vont-ils arriver à se comprendre?
Un jour Agathe lui dira :
"Comment pouvez-vous prétendre comprendre les autres si ne savez même pas comment vous allez vous-même ?"

Deux déprimés qui devront apprendre à aimer la vie.

J'ai aussi aimé le personnage de sa secrétaire, Madame Surrugue, effacée, efficace et qui est elle même confrontée à un dur moment dans sa vie sans que le psy s'en aperçoive. 

Un roman émouvant, plein d'humanité. J'ai beaucoup aimé.
Je dois ajouter que l'auteure est thérapeute.

Bye MClaire.



mardi 5 novembre 2019

Philippe Hayat "Où bat le coeur du monde"




Philippe Hayat est entrepreneur, il a créé ou repris des entreprises avec succès, deux livres écrits, deux succès. Il est doué..Vous avez peut être lu il y a quelques années "Momo des Halles", il récidive avec ce roman que j'ai beaucoup aimé.

L'histoire :

En 1935, une famille juive vit heureuse à Tunis dans le quartier de La Hara, Stella la maman, Darius le fils, Sauveur le père. 
Le bonheur s'éteindra le jour où la communauté juive sera persécutée, les Arabes ne tolèrent plus ces juifs qui pour eux ressemblent trop aux Français. Sauveur perdra la vie, Darius perdra sa voix après avoir assisté au lynchage de son père.
Darius muet, Stella le destinera à des études qui devraient lui procurer une grande destinée, elle se sacrifiera pour lui, l'aimera jusqu'à s'oublier, oublier sa vie de femme, travaillera comme femme de ménage pour gagner une misère.
L'enfant apprendra le langage des signes, sa mère aussi, jusqu'au jour où il découvrira le monde de la musique depuis le balcon du théâtre où travaille sa mère. C'est une révélation, il sera musicien, il sera clarinettiste et rien ne le fera changer d'avis, doué il apprendra très vite grâce aux leçons gratuites offertes par un ami de Lou, une jeune femme de la bourgeoisie qui s'est entichée de l'enfant.
La guerre, les soldats américains s'installent à Tunis, Darius rêve de New-York....
Vous lirez la suite...

J'ai tout aimé ou presque, sans doute un peu plus que d'autres lecteurs, j'ai retrouvé l'ambiance de l'Algérie, des communautés qui vivaient ensemble jusqu'au jour où tout a basculé. 
J'ai compris Stella qui étouffait Darius, j'ai compris Darius qui ne voulait qu'une chose, désobéir à cette mère pour accomplir son rêve; Un jour Billie lui dira "D'où tu viens, Darry ? Tu me le diras un jour ?" Billie ne parle pas le langage des signes :
-Il lui aurait parlé de cette petite femme indomptable qui s'était opposée à son art, qui avait tellement réussi à le fortifier qu'il lui avait désobéi. 
Sa vie d'homme avait pu commencer. Un blanc pouvait jouer la musique des noirs.
J'ai aimé Dinah sa compagne, femme fidèle, jamais fatiguée, elle sera celle qui le sauvera.
J'ai beaucoup moins aimé cette ségrégation sociale qui régnait aux Etats-Unis. L'amour perdu de cette maman qui attendra pendant des années le retour de son fils, ils s'écriront.
Il reverra la Tunisie en 1954 "La Méditerranée étincelait sous le soleil de midi. Gammarth, la Marsa..Il mit un nom sur toutes les plages et chercha la pointe de Sidi-bou-Saïd, le mont Boukornine dominait le golfe. Derrière la bande de sable de La Goulette, le lac ressemblait à un coeur."

J'imaginais un avion qui descendrait vers Alger...

Et il y a l'écriture pleine de sensibilité de Philippe Hayat, elle est vibrante d'amour. Le jazz, j'avais envie d'écouter, je suis allée sur Youtube... Ce livre est souvent douloureux mais aussi plein de joie, je l'ai quitté doucement, je n'avais pas envie de le refermer.

Bye MClaire.