dimanche 27 janvier 2019

Eric-Emmanuel Schmitt - Félix et la source invisible.




 Observer le visage d'E.E.Schmitt, il respire le bonheur, l'optimisme, je regarde souvent la bouche des gens, elle dit souvent ce qu'est la personne, triste, gaie, optimiste, pessimiste, désabusée, amère. Le lire est un bonheur, je ne compte pas le nombre de livres lus et je dis toujours que "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" est mon préféré.
Celui-ci est dans le même esprit, il y a aussi "Oscar et la dame en rose".
E.E Schmitt dit "« L'enfant vit en moi. Il a été conservé, écouté, entretenu, magnifié. Souvent, les personnes qui passent quelques heures en ma compagnie s'exclament que, malgré mon physique dense, tout en épaules et en muscles, je suis un enfant. Je prends leur surprise pour le compliment ultime. »
Tout est dit.

L'histoire : Félix a 12 ans, il vit dans un quartier populaire de Paris, Belleville, sa mère Fatou tient un bar "Au boulot" fréquenté par des habitués, ce qui permet aux clients qui sont appelés par leur femme de répondre "Je suis au boulot" ils ne mentent pas, une clientèle hétéroclite, j'ai ri en lisant la description de Madame Simone, de Robert Larousse, de Monsieur Sophronidès, etc.
Fatou est africaine, Félix a été conçu par le Saint-Esprit, en vérité par une antillais Félicien Saint-Esprit, à qui elle a demandé de plier bagages, elle avait caché sa nouvelle adresse "Fini ! Plus besoin de reproducteur. Faudrait pas qu'il s'attache..." Félix était à elle, un amour infini unissait ces deux-là. Jusqu'au jour où un malheureux événement va transformer Fatou "telle une poupée abandonnée par son marionnettiste, tronc mou, épaules basses, hanches relâchées, jambes tordues, nuque cassée. Aucune énergie ne tenait plus les morceaux de Maman ensemble."
L'oncle Bamba devra trouver le remède pour faire revenir Fatou à la vie, faire cesser sa "calculite" compter tout et tout le temps, son obsession de la javel pour nettoyer.
.....Lisez la suite.

Ce roman nous fait découvrir la puissance des croyances, la puissance des rites en dehors de toute religion, le voyage en Afrique où nous faisons la connaissance du Féticheur est un délice. Le retour à Paris aussi :
-Pourquoi les oiseaux s'envolent-ils ? Les gens sérieux te diront qu'ils se déplacent, chassent la nourriture, explorent le ciel, bref, des actes utiles. Quelle horreur ! Non, les oiseaux volent comme ils chantent, pour le plaisir, pour la beauté du geste, pour l'euphorie de l'instant.

-Le monde appartient à ceux qui ont décidé de ne rien posséder.

Je suis d'accord.

Lisez cet auteur, lisez ce livre. J'ai lu il n'y a pas longtemps que Frédéric Dard disait "Je crois qu'on me lit parce que j'écris gros" Celui-ci aussi et ce n'est pas un pavé. Une vraie gourmandise.

Bye MClaire.





dimanche 20 janvier 2019

"La vraie vie" Adeline Dieudonné




Inoubliable. J'ai posé ce livre sur ma table de salon il y a trois jours, il va être temps de le ranger ou de le prêter, mais pas à n'importe qui, âmes sensibles s'abstenir. Ce roman peut vous bouleverser, un uppercut dans l'estomac. Il ressemble à un conte dans certains passages mais ne le lisez pas aux enfants.

Vous serez tout de suite plongé dans l'atmosphère glauque d'un pavillon construit dans une cité la Demo, derrière il y a le bois des Petits Pendus, une vallée en forme de V et une légende qui disait qu'un dragon avait creusé la vallée avec sa griffe parce que le chagrin l'avait rendu fou, les hommes avaient tué sa compagne...
Dans ce pavillon vivent un homme violent qui a une passion, la chasse aux grands fauves, sa femme soumise qui attend les coups et deux enfants, une petite fille lumineuse de 10 ans et son petit frère Gilles, elle le protège et a des trésors d'imagination pour lui épargner les mauvais moments de la vie dans ce pavillon. Jusqu'au jour où un siphon de chantilly explose au visage du glacier qui s'arrête dans leur rue, Gilles ne sera plus jamais le même après avoir vu de la viande hachée à la place d'un nez, d'une bouche et des yeux. Il gardera le silence pendant des journées entières, s'éloignera de sa soeur et passera ses journées dans la pièce où son père entrepose ses trophées de chasse, sous le regard de la hyène. Il deviendra inquiétant, sa mère "l'amibe" sera impuissante, incapable de s'occuper de ses enfants alors qu'elle s'occupe si bien de ses biquettes ...Le père toujours plus violent. Les repas :
"Chez nous, les repas familiaux ressemblaient à une punition, un grand verre de pisse qu’on devait boire quotidiennement. Chaque soirée se déroulait selon un rituel qui confinait au sacré."

La petite fille grandira dans ce monde complètement fou, elle se planquera, s'inventera une vie, voudra être Marie Curie...
Le père dira avec un mouvement bizarre à sa mâchoire "Tiens, on a une intello dans la famille..." Ce mouvement qui disait qu'il avait envie de frapper.

J'arrête, je ne vous raconte plus rien...

Je n'arrivais pas à poser le livre, l'auteure a une écriture qui ne faiblit jamais. Pour la première fois en lisant un passage j'ai parlé à haute voix  "Ah non, pas ça." Adeline Dieudonné sait traquer le lecteur autant que le père qui traque les fauves et sa famille.

Lisez la vie de cette gamine qui plongera très vite dans "La vraie vie". Ce livre est le premier roman de l'auteure, elle avait déjà écrit des nouvelles. Une question me taraude "Comment fera t-elle pour écrire un autre roman aussi fort?"

Bye MClaire.



dimanche 13 janvier 2019





Serge Joncour, physiquement j'imagine un colosse un peu impressionnant mais au regard bienveillant. 
Son livre est beau, une seule envie tourner les pages pour connaître la suite de ce bouquin qui parle d'amour avec les mots d'une sensibilité féminine. J'ai dévoré ce livre.
Christian me disait "Il doit être bien ce livre, tu ne le quittes pas." Je répondais "Attends, il faut absolument que je sache ce qui va se passer, ils en sont aux premiers baisers dans un endroit pas fait pour ça."
Pour moi le roman est toujours décalé, jamais au bon endroit, deux êtres qui n'étaient pas destinés à se rencontrer, deux mondes différents, lui issu d'un milieu d'agriculteurs, elle issue de la bourgeoisie. Ludovic est monté à Paris après avoir perdu sa femme emportée par un cancer, il travaille dans le recouvrement des dettes, elle est une styliste célèbre qui possède sa propre marque Aurore Dessage, mariée avec un homme riche avec qui il ne se passe plus rien, deux enfants, un appartement luxueux, une fenêtre donne sur l'appartement de Ludovic beaucoup plus modeste, une cour arborée sépare les deux immeubles. 
Les soirs d'hiver chacun peut voir ce qui passe dans l'appartement de l'autre. 
Aurore a la phobie des corbeaux installés dans la cour, la rencontre se fera là, Ludovic se chargera de la disparition des corbeaux.. S.Joncour doit aimer Hitchcock "Fenêtre sur cour" et "Les oiseaux".
La suite est un peu ambiguë, Aurore a compris que Ludovic est un homme fort, se servira t-elle de lui pour solutionner ses problèmes professionnels, pour la débarrasser de ceux qui veulent s'emparer de son affaire? Aurore est-elle une jeune femme fragile? Aurore osera t-elle quitter son mari?
"Quitter c'est se redonner vie à soi, mais c'est aussi redonner vie à l'autre, quitter c'est redonner vie à plein de gens, c'est pour ça que les hommes en sont incapables, donner la vie est une chose qu'ils ne savent pas faire.."

Vous le saurez en lisant ce livre qui ne ressemble pas du tout à un roman de la collection Arlequin..Ce livre ne se résume pas à une histoire d'amour.

Ce que j'ai aimé :

L'amour que Ludovic porte à sa vallée, quelque part au sud de l'Auvergne, là où les carderies existaient, ce monde paysan qui disparaît, une ferme qui ne peut plus faire vivre plusieurs familles, le père, la mère qui peu à peu s'éloigne du monde réel, le frère vivent là. Ludovic parcourt souvent les 600 km qui le séparent de sa famille, il n'aime pas Paris, cette ville l'étouffe, sa violence l'agresse, la solitude est vraie au milieu de la foule qui envahit les rues. Son travail ne lui plaît pas.
J'ai aimé la sensibilité de Ludovic lorsqu'il se présente pour recouvrer des dettes, une sensibilité qu'il ne doit pas montrer mais qu'il ressent à la vue des pauvres gens enfoncés dans leurs problèmes, arriver à percevoir les entourloupes, les vrais désargentés des charlatans. Ce boulot n'est pas facile et même dangereux. Ludovic est un vrai affectif, son physique imposant de joueur de rugby cache un sensible.

J'ai aimé les pages qui parlent de Mathilde, la femme de Ludovic, ce cancer qui ne sera pas vaincu, les trajets de Ludovic entre la ferme et l'hôpital, chaque soir il lui apportera de la soupe faite avec les légumes du jardin, ceux de la vallée du Célé, la seule chose qu'elle mangeait et de moins en moins. Son chagrin "l'espoir que ces voyages durent le plus longtemps possible ou qu'ils s'arrêtent, il ne savait plus".

J'ai aimé cet amour avec Aurore, qui unit et qui peut détruire, ces rencontres jamais programmées, cette ignorance du numéro de téléphone de l'autre.

Les personnages de ce roman sont forts et quelquefois faibles, comme dans la vie.

J'ai aussi appris que le montant des dettes des particuliers qui n'est pas payé est de 600 milliards d'euros, un chiffre vertigineux.

Ce livre a de vraies qualités d'écriture. C'est vraiment un beau roman qui pourrait être adapté au cinéma. Je l'ai trouvé chez Easy-Cash pour 2euros99, il existe certainement en poche.

Bye MClaire.





samedi 5 janvier 2019

"Pardonnable, impardonnable" Valerie Tong Cuong






Le lecteur a tous les droits et surtout celui de lire le très beau roman de Valérie Tong Cuong. J'ai beaucoup aimé ce livre publié en janvier 2015, il existe en poche, je l'ai acheté chez "Easy-Cash" en version originale 1euro99, beaucoup moins cher que chez Amazon. 

Le livre s'ouvre sur une citation d'Albert Camus, carnets III.
"Comment être pardonné jamais, si on ment, puisque l'autre ne sait pas qu'il y a quelque chose à pardonner. Il faut donc dire la vérité au moins une fois avant de mourir -ou accepter de mourir sans être jamais pardonné. Quelle mort plus solitaire pourtant que celle de celui qui disparaît, refermé sur ses mensonges et ses crimes."

Une histoire qui pourrait arriver à ceux qui s'amusent en vélo sur un chemin de campagne "On fait la course?" ou "Qui fera le meilleur temps?" et l'accident se produit, Milo le jeune garçon tombe dans un virage, sa tante Marguerite assiste impuissante à la chute. L'enfant était censé réviser des cours d'histoire avec elle, toute une vie vole en éclats, sa vie, celle de sa tante, les parents et Jeanne la grand-mère ne sortiront pas indemnes de ce drame. 
Milo, fils de Céleste et Lino, plongé dans le coma devra se battre pour retrouver un peu d'autonomie, mais il aura besoin de l'amour de tous. Il y aura "Le temps de la colère" "Le temps de la haine" "Le temps de la vengeance." "Le temps de l'amertume." et "Le temps du pardon." Il y aura aussi les non-dits, les secrets de famille qui étaient bien enfouis et qui seront dévoilés.
Et avant tout, l'histoire de Céleste qui a accouché d'un premier enfant mort, un drame qui a déjà provoqué un séisme dans son couple, Milo a été l'enfant inespéré, un enfant solaire que tout le monde a aimé et qui aura permis à son couple d'être de nouveau soudé. L'impardonnable sera révélé...
Un roman a plusieurs voix, les chapitres sont "écrits" par Marguerite, Céleste, Lino, Jeanne, chacun livre son histoire personnelle, chacun dévoile ses secrets, sa part d'ombre et de lumière.
Marguerite est le personnage le plus attachant, elle est fantasque, souffre de l'indifférence de sa mère, cherche à se faire aimer, veut trouver sa place dans cette famille où règne Jeanne sa mère, fusionnelle avec Céleste, dédaigneuse envers Lino, il n'est pas de son rang. Seul Milo, l'enfant, a créé un lien d'amour fort avec elle, il lui a permis de retrouver de la légèreté, lui a offert une enfance. Ils jouaient à "Pardonnable- impardonnable". Lui pardonnera t-il de le l'avoir fait pédaler sur un chemin de campagne?

Je ne vais pas tout vous raconter...

J'ai aimé :
Le chapitre de Lino. Le hasard, je disais un moment avant de lire que nous sommes responsables de notre vie, ce pays nous offre des possibilités pour progresser si nous en avons envie, non pas du tout, je me trompais un peu, il faut beaucoup de volonté pour sortir de sa condition. Lino raconte son enfance dans une famille pauvre du Nord, cinq enfants, un père qui s'épuisait à travailler dans une usine à chaussures, une mère débordée :
"On apprend à travailler sur un coin de table dans le bruit incessant, les pleurs, les repas, les jeux des plus petits, les conflits des plus vieux, les crises maternelles. On apprend à rester le nez collé à un problème de maths la nuit entière si nécessaire, parce qu'aucun de ses parents n'a dépassé la troisième, que les aînés se débattent avec leurs propres difficultés et qu'il est évidemment hors de question de payer un professeur particulier- sans compter qu'à cette époque, Internet n'existe pas, et quand bien même, on n'aurait pas les moyens d'avoir un ordinateur chez soi.
A ce compte-là, personne ne s'en sort naturellement, Milo."

Lisez ce roman, vous aimerez sans aucun doute. J'ai tout aimé, pas une seconde d'ennui. Magnifique roman.

Bye MClaire.