samedi 27 avril 2013

Retour de Lorient, nous avons rendu Clarys à sa maman. Lorient est le lieu d'échange, où nous récupérons les enfants ou nous les rendons. Une pointe de mélancolie, à chaque fois je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est sans doute la dernière fois ou si nous voulons qu'elle revienne passer quelques jours il faudra que nous acceptions qu'elle amène une copine. Je ne sais plus si j'ai encore assez d'énergie pour m'occuper de deux filles qui sont sans cesse en demande de loisirs. Je suis trop vite fatiguée, je pense avoir largement accompli mon rôle de mamie lorsque tout allait bien, alors pas de remords.
C'est une bonne transition pour aborder le sujet du livre de Jeanne Benameur "Profanes". En effet, le héros du livre, Octave Lassalle, aurait bien voulu s'occuper de ses petits-enfants si sa fille Claire ne s'était pas tuée dans un accident de voiture, fille unique, une vie, des vies détruites.

J'ai terminé ce livre hier, mais j'aurais bien été incapable d'écrire une gazette dans la foulée, tellement ce livre est touchant, après avoir lu le dernier mot il faut sortir de ce bouquin doucement, sur la pointe des pieds et attendre que la magie des mots s'estompe un peu.
La couverture du livre représente un coquelicot, fleur fragile entre toutes, comme les personnages du livre.

Octave Lassalle a 90 ans, il a été un chirurgien du cœur réputé, consacrant toute sa vie à ses patients au détriment de sa famille, comme beaucoup de médecins qui je suppose doivent ramener chez eux tous les maux de leurs malades, comment faire la transition entre un métier qui est un véritable sacerdoce et la maison. Octave ne se rend pas compte que sa femme et sa fille souffrent de ses absences, il soigne, découpe, fait revivre ceux qui un jour s'éloigneront de lui, sans voir que là tout près deux femmes ont tellement besoin de sa présence. Il finit par aimer les siens à distance.
Lui l'athée a épousé une femme qui a la foi chevillée au corps. Octave est un profane, il reste devant le temple sans y entrer, sa seule foi : Celle de l'homme en l'homme.
Un jour arrive l'inacceptable, Claire meurt, il n'a pas voulu l'opérer après son accident, peur que ses mains tremblent, il confie sa vie à un collègue qui ne pourra rien faire. Sa femme ne lui pardonnera pas ce qu'elle considèrera comme de la lâcheté, elle voulait qu'il la sauve. Elle repart au Québec son pays d'origine avec le cercueil de Claire, Octave ne saura pas où sa fille repose.
Il reste seul dans la grande maison et au crépuscule de sa vie décide d'engager quatre personnes qui s'occuperont de lui successivement dans la journée, Marc le ténébreux, impénétrable, Yolande qui s'occupera du rangement, la jeune Béatrice, Hélène qui est peintre et qui devra faire un portrait de Claire à partir d'une photo. Ces quatre là ont été soigneusement choisis par Octave, il a deviné les fêlures de chacun. L'auteure ne livre que le strict minimum sur les caractères et la vie de chacun. Très peu de dialogues dans ce livre. Nous comprenons au fil des pages que nous sommes profanes de nous même.
Chacun y trouvera ce qu'il cherche.
Un lien finira pas se tisser entre les quatre personnages, Octave trouvera enfin un semblant de paix après avoir lu le carnet de Claire. La paix dans une maison qui est aussi un "personnage" du livre, elle tient une grande place dans le bouquin.

J'ai aussi appris ce qu'étaient les portraits du Fayoum, j'ai appris ou j'avais oublié,  La majorité des portraits funéraires présentent les visages grandeur nature, ils doivent assurer au défunt un visage dans l'au-delà identique à celui de sa vie sur terre. Ils sont très expressifs.

Une fois de plus j'ai corné des pages.

La page où il était encore un enfant, Edith sa camarade de classe dont il est amoureux lui demande s'il est baptisé, il répond non et elle a cette phrase terrible qui le marquera longtemps "Alors t'existes pas."

La lecture de l'haïku destiné à Marc :
Nu
sur un cheval nu
sous la pluie tombant à verse.

"Il y a des moments dans la vie où le temps fait alliance avec la mémoire. Il s'efface, redevient juste une convention pour les horloges, il vous laisse juste remonter le fleuve."

Le passage où Marc fou de cinéma, décrit les sorties des films qui nous marquent, c'est exactement ça "A la fin sortir par grappes, tous embrumés de morceaux de film, chacun les siens, mais ce qu'on garde de ce qu'on a vu, on l'a vu ensemble." Je nous reconnais dans cette phrase, lorsque le film nous a embarqués nous n'avons pas envie de nous relever et de sortir, nous regardons le générique jusqu'à la fin, ces noms qui défilent aident à nous remettre dans la réalité.

La douleur de Béatrice après qu'elle ait su qu'elle était née après un enfant mort.  Elle, elle était venue après, elle ne remplacerait jamais. "Est-ce que l'amour si fort des parents, peut faire mourir les enfants?"

""Les quatre qui ont accompagné ma journée aujourd'hui, depuis si longtemps que je ne touche plus le corps des hommes, des femmes, que je ne sauve plus personne, ces quatre-là, ce sont ceux qui peuvent m'enseigner aujourd'hui. Il n'y a pas de maître. Pas de fils de dieu. Pas de prophète. Rien que des hommes et des femmes. Des profanes."

"Depuis que les quatre sont arrivés dans la maison, lui s'est mis à avancer."

Voilà, ce livre est magnifique, laissez aller vos émotions en le lisant. Je ne peux pas dire qu'il plaira à tout le monde, ce serait trop m'avancer. Oui, il y a des livres que nous ne pouvons pas ouvrir comme les autres et que nous ne pouvons pas refermer sans la foi en l'homme et sans y trouver un chemin apaisant.  On ne peut qu'être touché profondément.
A lire doucement, page après page en revenant même en arrière pour s'imprégner des mots.

 
Je me félicite chaque jour d'aimer autant lire, je ne passe pas à côté de moments merveilleux.  Bye MClaire.









mercredi 17 avril 2013

Il y a des jours, comme ça où vous pensez qu'il faut être heureuse, oublier ce monde qui nous angoisse, un jour où vous décidez que rien, ni personne ne viendra troubler votre décision d'être heureuse, aujourd'hui l'après- midi s'y prêtait, il faisait beau, le soleil un peu timide mais qui commençait à nous chauffer la peau, le jardin qui explose dès les premiers rayons, les azalées vont fleurir. J'ai remis mon transat en activité, comme a dit Christian "ça y est, c'est parti pour la saison".
J'avais pourtant essayé de désherber, mettre les mains dans la terre, mais très vite mon bras s'est rappelé à moi, j'ai abandonné en pestant un peu, alors j'ai semé la pelouse fleurie, ce n'est pas fatigant et cela me donne l'impression de participer, les fleurs seront sorties lorsque nous reviendrons après notre escapade. La première chose que je fais lorsque nous rentrons, sortir de la voiture et avant de rentrer dans la maison, je rends visite au jardin derrière la maison, le coin le plus agréable, tout a changé, lorsque la tondeuse est passée on se rend encore mieux compte du changement. J'ai 70 printemps et je suis toujours émerveillée par la nature, pas blasée du tout. En hiver j'aimerais habiter un appartement et dès les premiers beaux jours je me demande comment nous ferions si nous n'habitions pas une maison, nous nous priverions de beaux moments. Il faudrait avoir les deux, mais ce n'est qu'un rêve.
Christian a repeint le mur de la cabane, passé du désherbant dans les allées, mis du terreau pour des futures plantations et là il est en train de faire un essai sur un bout de mur pour nous débarrasser du lichen rouge qui envahit la façade ouest, celle qui est exposée à la pluie et au vent d'ouest. Une calamité pour les maisons en Bretagne. Prochaine étape la préparation de la caravane qui attend tout l'hiver que nous la fassions belle.

Puisque je ne peux rien faire pour aider, je me suis installée dans le transat pour finir "Du domaine des murmures" de Carole Martinez.
Longtemps "Le cœur cousu" est resté mon livre préféré, j'avais dégusté chaque mot et admiré l'imagination de l'auteure, "Du domaine des murmures" n'est pas décevant, différent mais tout aussi passionnant, un vocabulaire riche, l'imagination est aussi au rendez-vous.
Ce livre est une réussite. Un jour à la Fnac j'avais conseillé ce bouquin a des gens qui cherchaient un livre à offrir. Je ne l'avais pas lu mais j'étais certaine qu'il était beau, je suis rassurée.
L'histoire qui ressemble à un conte se passe au XIIème siècle, le moyen-âge, l'époque des mariages forcés, de la foi inconditionnelle en Dieu, des croisades.
Esclarmonde refuse de dire oui le jour de son mariage avec Lothaire, jeune homme qui court le guilledou et n'ayant aucune considération pour les femmes dont il se sert et qu'il rejette aussitôt, elle ne l'aime pas, dit non, se tranche l'oreille le jour de ses noces et décide de vivre recluse dans une "tombe" construite à côté de la chapelle de St-Agnés, seule une petite fenêtre avec des barreaux lui donnera accès au monde extérieur. Son père furieux fait construire la chapelle, la tombe. Le matin de son enfermement elle décide de respirer une dernière fois l'air de la forêt, un homme la viole, elle le reconnaît, décide de ne rien dire.
Elle devient une prêtresse, les pèlerins passent la voir, demandent des miracles. Un événement imprévu fait que sa décision de vivre recluse est ébranlée. Je ne vais pas vous dévoiler le livre.
A travers les yeux d'Esclarmonde nous participons aux croisades, aux souffrances de cette armée qui partait reconquérir le tombeau du Christ et qui arrivait à St-Jean-d'Acre, dont les murailles tombaient dans la mer,  en lambeaux, la maladie avait décimé de nombreux croisés, les chevaux avaient été mangés (rien à voir avec Spanghero), les sarrasins ne  craignaient même plus cette poignée d'hommes fous. Aidés par les mots de l'auteure, nous vivons le dernier moment de l'empereur Frédéric Barberousse, la construction du trébuchet qui devrait aider à gagner la bataille. Nous vivons avec eux dans ce pays saturé d'une odeur pestilentielle, à cause des cadavres, saturé d'un soleil meurtrier.
Il y a dans ce livre toutes les croyances populaires, les légendes du pays franc-comtois. C'est un livre riche et comme je suis scrabbleuse j'ai retenu quelques mots qui pourraient me servir. Lisez le bouquin et faites comme moi, mais vous chercherez sur l'ODS si ces mots sont toujours valables, ils ne le sont pas tous.

C'est l'histoire d'une femme libre dans sa tête dans un corps enfermé, mais qui nous fait voyager aux delà des frontières. Magnifique conte, mystique, sensuel, poétique.

Je vais lire "Profanes" et j'ai très envie de lire "Annabel" de Kathleen Bourgeois, un livre sur l'intersexualité, un enfant qui nait, ni garçon, ni fille, il paraît que ce roman est bouleversant.

Bye MClaire.


lundi 8 avril 2013

Le samedi soir lorsque je peux, à condition qu'il n'y ait pas un tournoi de scrabble le lendemain, je regarde Ruquier sur la 2 "On n'est pas couché", oui il ne faut pas compter s'endormir tôt si nous voulons tout écouter. Les invités étant présentés au début, je décide de regarder ou pas, mais j'attends toujours le moment du fauteuil pour l'homme politique ou l'écrivain, j'éteins à 1h du matin.
Samedi soir j'ai écouté Edouard Martin, ce syndicaliste de Florange qui vient d'écrire un bouquin aidé par une journaliste "On ne me dira jamais plus de me taire", ses origines, sa vie, sa lutte pour défendre les emplois. Il est né en Andalousie, son père espagnol a travaillé dans l'acier en Lorraine avant que sa famille le rejoigne. C'était très intéressant, ce type est intelligent, si un jour il se retrouve au chômage et ça en prend le chemin, il pourra
jouer son rôle dans un film qui retrace l'histoire de ces hauts fourneaux, il a une "gueule" d'acteur, de la présence.
Mittal ce géant de l'acier mais surtout de la finance était le sujet de l'interview, 60 millions d'euros pour marier sa fille à Versailles et à Vaux-Le-Vicomte et pas un kopek pour investir dans les sites français. Il y a de quoi être en colère. A mon avis la cause est perdue, mais Edouard Martin n'aura rien à se reprocher.

Je regardais d'autant plus intéressée puisque j'étais en train de lire le bouquin de Jeanne Benameur "Les insurrections singulières". Un pur hasard, Jeanne Benameur avant d'écrire ce livre avait passé du temps chez Arcelor-Mittal à Montataire, Mittal investissait massivement au Brésil et des lignes d'ateliers fermaient en France.

L'enfance d'Edouard Martin a été marquée par l'humiliation, petit espagnol il faisait une rentrée scolaire à plus de 7 ans, ne parlant pas français, habillé par sa maman comme un petit andalou, il était la cible des moqueries et ça lui a donné de la hargne, les blessures de l'enfance donnent deux résultats, où on rentre dans un trou de souris pour ne pas se faire remarquer, on se fait oublier où on décide d'être plus fort et ils verront ce qu'ils verront.. Pour lui nous connaissons la suite. Embauché à l'usine ses parents lui disaient "Tu écoutes bien le chef." Il a été obéissant pendant deux ans.
J'écoutais aussi un soir Patrick Timsit, fils de juifs pieds-noir, lui est arrivé à Paris à l'âge de deux ans mais ses parents avaient tout un passé en Algérie, il disait que lorsqu'il avait une dizaine d'années il avait honte de son père lorsqu'ils étaient sur une plage, il parlait très fort comme tous les pieds-noirs, il souffrait et disait à son père de parler plus bas, c'était presque une humiliation, maintenant il regrette d'avoir eu honte de son père.
Je n'ai pas été vraiment humiliée on ne peut pas dire ça, mais en arrivant d'Algérie, la haine des pieds-noirs étaient tellement forte, je n'osais pas dire d'où je venais, bon ça s'entendait, mais nous en avons tous un peu souffert. Nous n'étions pas des immigrés, juste des français qui vivaient en Algérie et notre patrie c'était la France.
Tous les enfants d'immigrés souffrent de cette absence de reconnaissance sociale, ils veulent réussir leur insertion et si ça ne marche pas ressentent une sorte d'inutilité dans la vie du pays et on voit ce que cela donne dans les cités, il y a ceux qui sont bien décidés à se faire entendre comme Edouard Martin, mais lui a commencé à travailler dans un pays où l'industrialisation était encore forte, il a appris sur le terrain, la tête haute et il n'est pas prêt de se taire. Quant aux autres ???
Beau moment de cette émission du samedi soir.

J'ai donc fini "Les insurrections singulières", j'ai lu ce livre sans pouvoir m'arrêter, vous commencez et vous êtes cuit, vous ne pensez qu'à avancer dans cette lecture parce que l'histoire de ce jeune homme est passionnante.
Antoine est le fils d'un ouvrier d'aciérie, sa mère vend sur les marchés, Loic son frère est une élève brillant qui rompra la fatalité, ouvrier de père en fils, il sera prof. Antoine n'aime pas l'école, à 8 ans c'est déjà un enfant en colère qui un soir s'enfuit de chez lui sans que ses parents s'en aperçoivent, il a couru au hasard des rues, seul le passage à niveau baissé et un train qui passe lui font prendre conscience qu'il faut rentrer à la maison.
Il étouffe déjà dans cet univers, il sait qu'il ne pourra pas vivre comme ses parents et pourtant il rentre à son tour à l'aciérie, comme son père, tombe amoureux d'une prof Karima, fous amoureux au début, Karima se lasse, Antoine ne trouve pas les mots qu'elle voudrait entendre, ces mots sont les siens ceux du dedans qu'il n'arrive pas exprimer. Karima lui demande de partir, il retourne chez ses parents dans sa chambre d'ado, 'lusine" les repas avec ses parents, sa moto et Marcel le voisin qui vend des livres anciens sur le marché, Marcel sera celui avec qui il pourra parler et qui lui fera découvrir la lecture. Ce livre est une apologie de la lecture.
Antoine qui milite dans son usine, qui fait grève pour qu'une ligne de fabrication ne ferme pas, Antoine découvrira dans les livres que Jean de Monlevade a créé la première aciérie au Brésil, le pays où Mittal délocalise. Las de son travail, las des luttes syndicales, il partira pour Monlevade, Brésil, essayant de mieux comprendre la mondialisation Il ne partira pas seul, Marcel qui a 80 ans l'accompagnera, merveilleux compagnon de route. Il parlera avec Marcel des nuits entières, les mots, ces fameux mots qui restaient bloqués sortiront. Au Brésil, il trouvera sa place avec Thaïs, il commencera à écrire.
"On n'a pas l'éternité devant nous, juste la vie.". Il se retrouve, lui qui avait si peur de se perdre de vue.
Très émouvant le passage où il lit enfin le petit carnet noir de son père, où il découvre jour après jour toute la vie de son père, de ses parents qu'il aime mais il n'a pas voulu vivre leur vie "Comment être content tous les jours de partir le matin, dire au revoir aux enfants, embrasser sa femme, retrouver les autres à l'usine, le travail et recommencer le lendemain.."
Antoine n'a pas d'enfant, c'est toute la différence, là j'avais envie de lui parler "Comment faire lorsqu'on a des enfants à faire vivre, à éduquer, un loyer ou une maison à payer? Peut-on les embarquer dans une histoire improbable?"

Ce livre est un véritable coup de cœur, je me suis laissée embarquer dans l'histoire d'Antoine, cherchant avec lui son chemin, j'avais l'impression d'être Antoine, sans doute parce que je trouve le parcours d'Antoine exemplaire pour une jeunesse qui se cherche et qui ne trouve pas son chemin. Si vous avez entre trente et quarante ans et que votre vie ne vous satisfait pas il faut lire ce livre, tout est possible.
J'avais refermé le livre, toujours pensive et Christian est arrivé en me demandant de venir voir le boulot effectué dans le jardin, j'ai dit "Pas la peine de continuer, nous partons pour un pays ou une région où le soleil brille" J'avais envie d'oser faire comme Antoine, pas pour les mêmes raisons, mais très vite la réalité a repris le dessus, c'était juste un rêve, et je sais très bien que Christian est aussi prêt à partir, il ne faudrait pas que j'insiste trop. Partir à nos âges me semble compliqué, pour plein de raisons, pourtant Marcel a 80 ans lorsqu'il accompagne Antoine, alors tout est possible.
Il faut aussi accepter les "temps morts de la vie" comme le dit l'auteure :
"Ah...soupire Marcel, savoir attendre, c'est une drôle d'affaire, ça s'apprend, supporter le "temps mort", c'est tout un art... Tu vois, moi j'ai des passions, les livres, ça me sauve..je traverse mes temps morts avec des gens qui ont œuvré pour ça, ceux qui ont écrit, je les aime, et je leur suis infiniment reconnaissant."
Oui, on sent que le temps passe, le vie passe et nous avons l'impression de n'en rien faire.
J'aime aussi les gens un peu fous, un peu en décalage, comme Antoine.

Lisez ce livre. Quant à moi je vais me précipiter sur les bouquins de Jeanne Benameur qui écrit si bien, des mots justes, de la poésie, une écriture fluide, ça coule, je vous avais déjà dit que l'Algérie avait vu naître de beaux écrivains, c'est la confirmation.  Bye MClaire.


 

mardi 2 avril 2013

Je suis dans la série des livres qui parlent de la vieillesse, de la maladie, du temps qui passe, des amours tardifs, des relations parents-enfants, de tout ce qui constitue la vie. Ce n'est pas volontaire, c'est juste que ces sujets éternels font quelquefois de la très bonne littérature, nous nous sentons tous concernés. Il y a de très bons écrivains qui savent faire naître en nous des émotions, des souvenirs que nous pensions effacés, ils peuvent aussi nous faire rêver, nous donner des regrets vite oubliés et c'est tant mieux, la vie avance.
J'ai lu une très jolie phrase sur internet ce matin :
"Tant qu'une phrase n'est pas finie, le dernier mot peut en changer le sens. Il en est de même pour la vie."
J'ai lu cette phrase dans un article qui parlait de la maladie, plus précisément du cancer. Je sortais de mon contrôle à l'hosto. Sur la toile il se passe la même chose que pour les livres, sans chercher, au hasard de mes pérégrinations, je tombe sur des sujets qui me concernent. Est-ce vraiment le hasard? Est-ce que sans le vouloir, mais en le voulant un peu sans m'en rendre compte, j'aboutis sur des pages qui m'intéressent ? J'ai du mal à répondre à mes interrogations.
Je suis pourtant du genre à dire : "Ne regardez pas sur internet les pages médicales, ça ne peut que vous inquiéter." Et c'est vrai, je ne regarde jamais la signification d'un mot médical compliqué, je demande à mon médecin, pas d'automédication, c'est dangereux, je dis plutôt "ça va passer.", ce n'est sans doute pas mieux.

Je suis donc aller à l'hosto ce matin, contrôle, tout va bien, les traces des traitements ne sont pas encore tout à fait effacées, la chimio et les rayons ne s'évacuent pas en quelques mois, j'aime bien récupérer mon rapport médical, je lis, j'ai la preuve concrète qu'il n'y a rien d'inquiétant. Je respire. Depuis quelques jours j'avais l'impression de vivre entre parenthèses, même pas irritable, je ne le suis plus, un détachement envers certains actes qui m'inquiète quelquefois, je n'ai plus envie de me révolter, plutôt pensive, en attente. Christian m'a accompagnée comme toujours, c'était un peu long ce matin, il trouvait le temps interminable, je l'ai retrouvé le visage crispé, un peu vert wasabi comme je disais à ma copine, l'œil interrogateur, j'ai affiché un large sourire pour le rassurer, ouf ! Je suis tombée sur une femme médecin très sympathique que je ne connaissais pas, elle me parlait des différentes façons d'aborder cette maladie et me disait qu'il fallait que je me donne le droit de dire que j'étais fatiguée certains jours, ne pas toujours protéger les autres au risque de ne pas se protéger soi-même, ça je commence à le comprendre, mais Christian a une intuition presque féminine, il sait.
 
Nous attendions le résumé des résultats et là un choc, deux gendarmes entouraient un gamin les menottes aux mains, je ne peux pas vous décrire ce que ça m'a fait, un jeune qui avait une allure correcte, mais un air arrogant, il regardait les gens effrontément. Je disais à Christian que la prison ne faisait même plus peur, ni honte, puisque nos politiques vont en prison pourquoi auraient-ils honte d'y aller à leur tour. Les mensonges des politiques ne sont pas là pour leur donner des leçons de morale, la droite, la gauche, tous nous déçoivent. Le goût du pouvoir fait perdre à certains hommes leur dignité, ils mentent en nous regardant dans les yeux. Pitoyable.


Comment interdire aux enfants de commettre des actes délictueux? Je ne sais pas ce qu'avait fait ce gamin, mais j'ai échafaudé des scénarios improbables jusqu'au passage des menottes aux poignets.








Et puis, un couple est arrivé, d'un âge certain, elle avait la jambe appareillée, lui la soutenait, ils étaient deux pour vivre ces moments. J'ai encore pensé combien il était important d'être deux dans cette situation, dans la vie d'un être humain il y a les parents qui nous donnent la vie, qui nous montrent le chemin pour la réussir, nous les quittons, je n'ai pas joué "Tanguy", j'ai quitté très tôt, il y a nos enfants qui ont leur vie, leurs soucis, leurs propres enfants, sur qui il ne faut surtout pas compter, et le compagnon ou la compagne qui est là pour nous soutenir, attentif, sans qui rien ne serait pareil, 52 ans dans une vie ce n'est pas rien, c'est presque toute ma vie.

"Le sourire étrusque." Mon livre de la semaine.

"Les gens courageux n'existent pas, il y a seulement ceux qui acceptent de marcher coude à coude avec leur peur" Luis Sepulveda.

Un livre sur la dernière partie de la vie d'un homme. Je vous disais qu'en ce moment toutes mes lectures tournaient autour de ce thème. Un livre magnifique, initiatique et de transmission, d'apprentissage aussi, l'art d'être grand-père, d'être Nonno comme dit Salvatore.
Il a été écrit en 1985 par un espagnol José Luis Sampedro, cet écrivain avait 68 ans lorsqu'il a publié ce bouquin, l'âge du personnage principal de son livre. Un espagnol qui décrit tellement bien l'Italie du Sud, ses parfums, ses coutumes, la vie dure des habitants de la Calabre.
Salvatore est veuf, atteint d'un cancer à la prostate, baptisé "La rusca", il doit se rendre à Milan, l'Italie du Nord détestée par ceux du sud, son fils, sa belle-fille Andréa et son petit fils qu'il ne connaît pas habitent Milan, cette ville grise, triste à ses yeux. Son fils vient le
chercher et il s'arrête à Rome pour régler une affaire, tout à fait fortuitement son père visite un musée et là il est subjugué par une sculpture en terre cuite, des Etrusques sur un sarcophage, le sourire du couple, l'amour charnel qui semble irradier de cette sculpture.
En arrivant chez son fils il découvre son petit-fils Bruno, c'est la révélation, à partir de ce moment là toute sa vie se résumera à protéger et à aimer cet enfant, à le protéger comme pendant ses années de guerre dans la résistance.
La description de son opposition à sa belle-fille est savoureuse, elle élève cet enfant avec les conseils d'un pédiatre et dans les livres. Lui qui ne c'est jamais occupé de ses propres enfants, laissant ça aux femmes, lui s'insurge en donnant des conseils. Il regarde Andréa avec un air borné, presque méchant, se réjouissant de ses absences pour retrouver son fils en tête à tête. La scène où les deux hommes se serrent dans les bras est pleine d'émotion. Le père et le fils osent enfin se dire qu'ils s'aiment.

 "Il perçoit dans le petit corps une tension — "cet enfant comprend!" — qui se communique à lui et le fait frissonner. Il n’est pas capable de penser et encore moins de s’exprimer, mais de vivre, oui, de vivre à fond ce moment sans frontière entre leurs deux chairs, cet échange mystérieux où il reçoit un regain de vie du rameau vert dans ses bras tandis qu’il transmet sa sécurité de vieux tronc enraciné dans la terre éternelle."

Il y a la rencontre avec Hortensia sur un trottoir de Milan, Hortensia et son sourire, elle est originaire d'Amalfi, l'Italie du Sud, elle sera le dernier amour de sa vie, un amour qui survivra comme celui des Etrusques. La dernière partie de sa vie sera pleine de sérénité, il faut dire que son ennemi de Roccasera son village de Calabre est mort avant lui, il y tenait, une terrible haine l'aidait à vivre, avant que Bruno et Hortensia fassent leur entrée dans sa vie.

Les morsures de la "rusca" se feront de plus en plus douloureuses, la fin est proche, il confie Brunettino à Hortensia. Il meurt avec le sourire étrusque sur le visage, mais avant il aura entendu son petit-fils lui dire "Nonno". L'enfant a reconnu cette filiation magique.

J'ai adoré ce bouquin pour la description de l'Italie du Sud face à celle du Nord, pour cet amour immense qui lie un grand-père à son petit fils, pour le processus d'évolution d'un vieil homme dur, un peu rustre qui finit par offrir des fleurs à une femme et qui découvrira les richesses de sa vie alors que tout est presque fini.
Je pense que nous devrions tous lire ce livre à un certain moment de notre vie. Pour moi c'est un chef d'œuvre.   Bye MClaire.