mardi 2 avril 2013

Je suis dans la série des livres qui parlent de la vieillesse, de la maladie, du temps qui passe, des amours tardifs, des relations parents-enfants, de tout ce qui constitue la vie. Ce n'est pas volontaire, c'est juste que ces sujets éternels font quelquefois de la très bonne littérature, nous nous sentons tous concernés. Il y a de très bons écrivains qui savent faire naître en nous des émotions, des souvenirs que nous pensions effacés, ils peuvent aussi nous faire rêver, nous donner des regrets vite oubliés et c'est tant mieux, la vie avance.
J'ai lu une très jolie phrase sur internet ce matin :
"Tant qu'une phrase n'est pas finie, le dernier mot peut en changer le sens. Il en est de même pour la vie."
J'ai lu cette phrase dans un article qui parlait de la maladie, plus précisément du cancer. Je sortais de mon contrôle à l'hosto. Sur la toile il se passe la même chose que pour les livres, sans chercher, au hasard de mes pérégrinations, je tombe sur des sujets qui me concernent. Est-ce vraiment le hasard? Est-ce que sans le vouloir, mais en le voulant un peu sans m'en rendre compte, j'aboutis sur des pages qui m'intéressent ? J'ai du mal à répondre à mes interrogations.
Je suis pourtant du genre à dire : "Ne regardez pas sur internet les pages médicales, ça ne peut que vous inquiéter." Et c'est vrai, je ne regarde jamais la signification d'un mot médical compliqué, je demande à mon médecin, pas d'automédication, c'est dangereux, je dis plutôt "ça va passer.", ce n'est sans doute pas mieux.

Je suis donc aller à l'hosto ce matin, contrôle, tout va bien, les traces des traitements ne sont pas encore tout à fait effacées, la chimio et les rayons ne s'évacuent pas en quelques mois, j'aime bien récupérer mon rapport médical, je lis, j'ai la preuve concrète qu'il n'y a rien d'inquiétant. Je respire. Depuis quelques jours j'avais l'impression de vivre entre parenthèses, même pas irritable, je ne le suis plus, un détachement envers certains actes qui m'inquiète quelquefois, je n'ai plus envie de me révolter, plutôt pensive, en attente. Christian m'a accompagnée comme toujours, c'était un peu long ce matin, il trouvait le temps interminable, je l'ai retrouvé le visage crispé, un peu vert wasabi comme je disais à ma copine, l'œil interrogateur, j'ai affiché un large sourire pour le rassurer, ouf ! Je suis tombée sur une femme médecin très sympathique que je ne connaissais pas, elle me parlait des différentes façons d'aborder cette maladie et me disait qu'il fallait que je me donne le droit de dire que j'étais fatiguée certains jours, ne pas toujours protéger les autres au risque de ne pas se protéger soi-même, ça je commence à le comprendre, mais Christian a une intuition presque féminine, il sait.
 
Nous attendions le résumé des résultats et là un choc, deux gendarmes entouraient un gamin les menottes aux mains, je ne peux pas vous décrire ce que ça m'a fait, un jeune qui avait une allure correcte, mais un air arrogant, il regardait les gens effrontément. Je disais à Christian que la prison ne faisait même plus peur, ni honte, puisque nos politiques vont en prison pourquoi auraient-ils honte d'y aller à leur tour. Les mensonges des politiques ne sont pas là pour leur donner des leçons de morale, la droite, la gauche, tous nous déçoivent. Le goût du pouvoir fait perdre à certains hommes leur dignité, ils mentent en nous regardant dans les yeux. Pitoyable.


Comment interdire aux enfants de commettre des actes délictueux? Je ne sais pas ce qu'avait fait ce gamin, mais j'ai échafaudé des scénarios improbables jusqu'au passage des menottes aux poignets.








Et puis, un couple est arrivé, d'un âge certain, elle avait la jambe appareillée, lui la soutenait, ils étaient deux pour vivre ces moments. J'ai encore pensé combien il était important d'être deux dans cette situation, dans la vie d'un être humain il y a les parents qui nous donnent la vie, qui nous montrent le chemin pour la réussir, nous les quittons, je n'ai pas joué "Tanguy", j'ai quitté très tôt, il y a nos enfants qui ont leur vie, leurs soucis, leurs propres enfants, sur qui il ne faut surtout pas compter, et le compagnon ou la compagne qui est là pour nous soutenir, attentif, sans qui rien ne serait pareil, 52 ans dans une vie ce n'est pas rien, c'est presque toute ma vie.

"Le sourire étrusque." Mon livre de la semaine.

"Les gens courageux n'existent pas, il y a seulement ceux qui acceptent de marcher coude à coude avec leur peur" Luis Sepulveda.

Un livre sur la dernière partie de la vie d'un homme. Je vous disais qu'en ce moment toutes mes lectures tournaient autour de ce thème. Un livre magnifique, initiatique et de transmission, d'apprentissage aussi, l'art d'être grand-père, d'être Nonno comme dit Salvatore.
Il a été écrit en 1985 par un espagnol José Luis Sampedro, cet écrivain avait 68 ans lorsqu'il a publié ce bouquin, l'âge du personnage principal de son livre. Un espagnol qui décrit tellement bien l'Italie du Sud, ses parfums, ses coutumes, la vie dure des habitants de la Calabre.
Salvatore est veuf, atteint d'un cancer à la prostate, baptisé "La rusca", il doit se rendre à Milan, l'Italie du Nord détestée par ceux du sud, son fils, sa belle-fille Andréa et son petit fils qu'il ne connaît pas habitent Milan, cette ville grise, triste à ses yeux. Son fils vient le
chercher et il s'arrête à Rome pour régler une affaire, tout à fait fortuitement son père visite un musée et là il est subjugué par une sculpture en terre cuite, des Etrusques sur un sarcophage, le sourire du couple, l'amour charnel qui semble irradier de cette sculpture.
En arrivant chez son fils il découvre son petit-fils Bruno, c'est la révélation, à partir de ce moment là toute sa vie se résumera à protéger et à aimer cet enfant, à le protéger comme pendant ses années de guerre dans la résistance.
La description de son opposition à sa belle-fille est savoureuse, elle élève cet enfant avec les conseils d'un pédiatre et dans les livres. Lui qui ne c'est jamais occupé de ses propres enfants, laissant ça aux femmes, lui s'insurge en donnant des conseils. Il regarde Andréa avec un air borné, presque méchant, se réjouissant de ses absences pour retrouver son fils en tête à tête. La scène où les deux hommes se serrent dans les bras est pleine d'émotion. Le père et le fils osent enfin se dire qu'ils s'aiment.

 "Il perçoit dans le petit corps une tension — "cet enfant comprend!" — qui se communique à lui et le fait frissonner. Il n’est pas capable de penser et encore moins de s’exprimer, mais de vivre, oui, de vivre à fond ce moment sans frontière entre leurs deux chairs, cet échange mystérieux où il reçoit un regain de vie du rameau vert dans ses bras tandis qu’il transmet sa sécurité de vieux tronc enraciné dans la terre éternelle."

Il y a la rencontre avec Hortensia sur un trottoir de Milan, Hortensia et son sourire, elle est originaire d'Amalfi, l'Italie du Sud, elle sera le dernier amour de sa vie, un amour qui survivra comme celui des Etrusques. La dernière partie de sa vie sera pleine de sérénité, il faut dire que son ennemi de Roccasera son village de Calabre est mort avant lui, il y tenait, une terrible haine l'aidait à vivre, avant que Bruno et Hortensia fassent leur entrée dans sa vie.

Les morsures de la "rusca" se feront de plus en plus douloureuses, la fin est proche, il confie Brunettino à Hortensia. Il meurt avec le sourire étrusque sur le visage, mais avant il aura entendu son petit-fils lui dire "Nonno". L'enfant a reconnu cette filiation magique.

J'ai adoré ce bouquin pour la description de l'Italie du Sud face à celle du Nord, pour cet amour immense qui lie un grand-père à son petit fils, pour le processus d'évolution d'un vieil homme dur, un peu rustre qui finit par offrir des fleurs à une femme et qui découvrira les richesses de sa vie alors que tout est presque fini.
Je pense que nous devrions tous lire ce livre à un certain moment de notre vie. Pour moi c'est un chef d'œuvre.   Bye MClaire.