samedi 30 mars 2019

"Mon Père" Grégoire Delacourt.



Grégoire Delacourt, je l'avais rencontré à Vannes, salon du livre, il est sympathique et j'aime beaucoup le lire, nous connaissons tous "La liste de mes envies".

"Mon Père". Je l'ai acheté tout en sachant qu'il était écrit dans un registre complètement différent, je savais qu'il allait me bouleverser mais pas à ce point. En le refermant j'ai éclaté en sanglots. Le livre a été écrit avant que tous les scandales parus dans la presse éclaboussent l'Eglise.

Alors comment écrire des commentaires sur cette histoire, je n'y arrive pas, trop de laideur, d'horreur, trop d'actualités sur ce sujet si sensible, l'abus sexuel sur des enfants. Un prêtre pédophile. Un livre choc.
J'ai trouvé sur Internet cet article d'une journaliste, je crois qu'il dit tout ce que je ne saurais pas écrire sur ce huit-clos étouffant entre un Père et un père. Un père qui a été élevé par une mère très pieuse qui refuse la vérité et qui préférera se couper du monde. Il ne la reverra plus.


Un clic sur l'article pour l'agrandir.

Lisez ce livre si bien écrit. Une question me taraude, Grégoire Delacourt a t-il entendu cette histoire dans son environnement ou a t-il complètement inventé ce roman?

Bye MClaire.


samedi 23 mars 2019

Nicolas Mathieu "Leurs enfants après eux."




"Le livre se passe dans un sentiment de fatalité. Les personnages sont pris entre un destin qu'ils ne veulent pas, et des structures qui les poussent à reproduire la vie de leurs parents. Et ils vont essayer de jouer leur part de liberté. Quand on écrit un roman, on fait vivre des personnages. À partir de ce moment, il se passe des choses qui nous échappent."
"Je ne sais pas si c'est la sexualité qui est émancipatrice, c'est plutôt le mélange de l'amour et de la sexualité. [...] La morale de ce roman, c'est la restitution, rendre le réel. Donc, pour la description du sexe aussi, j'ai essayé d'appeler un chat, un chat, et de susciter chez le lecteur des choses qui pouvaient se passer dans le corps des personnages."

En lisant ce roman j'ai compris pourquoi ce Goncourt avait créé la surprise. C'est direct, quelquefois assez cru et j'imaginais les membres du jury qui ont majoritairement un âge respectable en train de lire ces passages. Le sexe chez les adolescents. Le livre n'est pas que ça..

Un roman admirable et tragique.

Une région autrefois prospère, les hauts fourneaux, l'industrie de l'acier, les Wendel, leur paternalisme, les travailleurs étrangers, arabes en majorité, des immigrés qui vivent entre deux pays, des déracinés qui ne parlent pas toujours français et un jour tout s'arrête, les hauts fourneaux s'éteignent, reste une petite ville Heillange, cette ville n'existe pas mais elle existe certainement sous un autre nom. Des pères désoeuvrés, souvent alcooliques, les mères qui subissent et des enfants qui ont pour seul horizon les frontières de cette vallée, le lac en été, le cul des filles qui se baignent, en rentrant chez eux ils observent leur famille déglinguée, ferme la porte de leur chambre pour fumer un pet' sous les posters punaisés au mur. Ils quittent l'enfance pour rentrer dans l'adolescence et le chemin n'est pas facile. Ils ne veulent surtout pas reproduire les mêmes erreurs que leurs parents et pourtant..

Antony rêve d'un ailleurs, mais le seul fait d'être seul à Paris pour une soirée le panique, il n'ose même pas prendre une chambre d'hôtel, comment faire? Il ne sait pas, il a peur. Il a vingt ans. Il finira par se résigner et accepter cette vie monotone, celle de son père. Il voulait exister, il n'acceptait pas sa condition et lui même finira par être entraîné dans cette malédiction.
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Hacine, Coralie, Nath', le cousin, Steph petite bourgeoise qui s'encanaille, tous les personnages sont attachants.
Ils boivent, fument des pet's, pour passer le temps ou pour oublier. Un peu de trafic au pied des immeubles, la moto qui pétarade, le quotidien de ces jeunes et le riche Luxembourg, là tout près.
"Au travail comme ailleurs, les idées reçues gouvernaient, qui ne servaient qu'à enrober, s'intoxiquer de bonheur pour ne pas crever de l'évidence des faits."

Une France oubliée, une France en friche, le naufrage d'une France. Une partie de la France d'aujourd'hui?

Presque trente ans ont passés depuis le début de l'histoire du roman, à notre époque les ados sont toujours aussi perturbés en rentrant dans l'âge adulte, l'avenir, quel avenir pour ceux qui n'ont pas suivi les filières nobles, celles qui leur permettront de "briguer des bonnes places, et mener plus tard des vies trépidantes et respectées, porter un tailleur couture et des talons qui coûtent un bras. Il ne suffisait pas d'être cool et bien née. Il fallait faire ses devoirs." Pas de salut pour les autres qui n'ont aucune qualification. Que des espoirs qui se fracassent sur la réalité.

Il fait toujours chaud dans ce roman, les étés du Nord, quatre étés, quatre années. La chaleur exacerbe les sens.

J'ai trouvé ce roman formidable, plein de tendresse malgré tout. Je vous conseille cette lecture.

Bye MClaire.




dimanche 17 mars 2019

Nicolas Fargues "J'étais derrière toi."


Beau gosse, est-ce son histoire?


Un livre de 2006 qui existe aussi en poche chez Folio. J'avais acheté l'original chez Easy-Cash 0 euro 49, ce n'était pas une folie. Il était au milieu d'une pile de livres, il était temps que je le lise.

"C'est dans la trentaine que la vie m'a sauté à la figure. J'ai alors cessé de me prendre pour le roi du monde et je suis devenu adulte comme les autres.....Pour me mettre comme tout le monde, à la recherche du bonheur."

L'auteur a fait un choix de narration, il s'adresse au lecteur, c'est habile, vous ne pouvez pas interrompre une personne qui vous raconte sa vie, ses malheurs, ses états d'âme, ce n'est pas poli, alors vous écoutez, plus exactement vous lisez sans vous arrêter. Le livre n'est pas épais, il peut vous occuper un après-midi. 
L'histoire :

Le narrateur est marié à Alexandrine, une belle femme africaine, intelligente, dominatrice, ils ont des enfants et le couple ne va pas très bien. L'homme s'offre une petite escapade, assez gentillette, juste un flirt, des baisers, des caresses, rien de plus mais il fait une grosse bêtise, il avoue à sa femme ce petit moment d'égarement et à partir de là l'enfer s'invite à la maison, le soupçon, la jalousie, Alex part seule, le trompe aussi pour se venger et avec le téléphone portable rien ne reste secret, il l'apprend, décide de partir en Italie à Romanze, quelques jours chez son père. Un repas dans un restaurant, 
"C'est le serveur qui m'a apporté une petite carte à la fin du repas, avec l'addition. Tu sais, ces bristols avec écrits dessus le nom, le logo et les coordonnées du restaurant. En Italie, je ne sais pas si tu as remarqué, mais c'est toujours très bien fait, ces trucs-là, c'est toujours imprimé proprement, avec un beau papier, une illustration raffinée, une jolie typo : c'est toujours très personnalisé, ils sont beaucoup plus attentifs que nous à ces choses-là."
Sur le bristol : Ero dietro di te, en français "J'étais derrière toi"
et un numéro de téléphone.

Je vous laisse découvrir la suite de son histoire avec Alice ou avec Alex.

Cela pourrait être un roman à l'eau de rose, pas du tout, les relations dans un couple à la dérive sont très bien décrites, les hésitations à quitter l'autre, les possibilités d'une vie nouvelle avec une jeune femme qui l'entraîne dans un monde tellement différent du sien, loin de la fureur d'Alex, des violentes scènes conjugales. Alice est douce, elle ne l'agresse pas, elle lui fait du bien.
Alex le dominait, Alice lui fait du bien, voilà. Il n'est plus soumis. C'est une histoire de soumission.

Et il ne faut pas oublier l'Italie, l'auteur raconte les arbres italiens, les champs italiens, les routes italiennes, le chauffeur de taxi italien, la tchatche, la nourriture italienne.
Si cela ne vous donne pas l'envie de faire une valise et de partir, je ne comprends plus rien. Depuis la lecture du livre, je rêve de retourner en Italie, en Toscane ou dans les Pouilles.
Je me souviens d'un retour de voyage en voiture, un pays où la nourriture était un peu répétitive, nous passions en Italie, nous nous étions régalés dans un resto, c'est sans doute la meilleure cuisine du monde.

Un bouquin qui fait passer un bon moment mais qui ne restera pas inoubliable.

Bye MClaire. 





dimanche 10 mars 2019

"De toutes les couleurs" Angela Huth





Un livre prêté par Roland et Géraldine Perrot, Roland m'avait fait connaître il y a quelques années Sorj Chalandon que je n'avais jamais lu, il avait eu raison, j'aime beaucoup cet auteur. 

"De toutes les couleurs" est complètement différent, vraiment différent, le style très anglais d'Angela Huth, l'histoire qui se déroule dans la bourgeoisie anglaise, une famille très classique, Dan et Isabelle s'aiment, Sylvie leur fille est en rébellion ouverte contre sa mère, rien de plus normal chez une ado. Dan essaie d'écrire des pièces de théâtre en dehors de son travail, Isabelle crée des masques magnifiques dans son atelier qui se situe au dernier étage de la maison, ce qui lui permet de laisser Gwen la femme de ménage faire son boulot tranquille. Rien de très folichon, la vie s'écoule tranquille jusqu'au moment ou Bert l'ami de Dan annonce son retour, il quitte New-York pour revenir à Londres. Dîner et pour équilibrer la table Carlotta l'amie d'Isabelle sera invitée, Carlotta est fantasque, célibataire, belle femme, elle pourrait plaire à Bert.
Isabelle est jolie, lumineuse, discrète, légèrement égoïste, et Bert n'aura d'yeux que pour elle, mais il est l'ami de Dan..
Carlotta admire Dan, mais elle est l'amie d'Isabelle..Elle jalouse son amie qui a réussi à construire une famille, fera t-elle tout pour séduire Dan? Un baiser peut-il tout changer dans cet ordre bien établi ?

Chaque chapitre porte le nom d'un personnage du roman, chacun raconte sa propre histoire.
J'ai bien aimé les femmes, Carlotta est vraiment marrante, un peu peste. Elle ose tout.
Isabelle la secrète ne dit jamais tout ce qui lui passe par la tête mais je la soupçonne de bien vilaines pensées, elle n'ose jamais tout bousculer. Je l'ai quand même trouvé un peu nunuche de temps en temps.
Il faut dire que les femmes entre elles sont souvent plus drôles que les hommes.

Tout le monde hésite dans ce roman.

Les hommes sont plus ternes.

Et Gwen ? Je me pose la question, que vient-elle faire dans ce roman, elle n'est même pas amoureuse de Bert ou de Dan !!!

J'ai beaucoup aimé les pages qui décrivent le Norfolk, Bert retrouve son village de naissance. Je ne connais pas l'Angleterre, une invitation au voyage.
La petite maison de Rosie est charmante malgré son délabrement, le jardin, Rosie, je me doutais bien que Bert finirait par l'acheter.

La morale de l'histoire "Doit-on tout bousculer pour une petit moment d'égarement, pour un geste ou un baiser?" Chacun aura sa réponse.

Un moment de lecture plaisant, j'aurais pu lire ce bouquin dans le vieux fauteuil de Bert dans une ambiance très feutrée. Je l'ai lu sans ennui.
J'avais lu "Invitation à la vie conjugale" du même auteure, toujours une histoire de couple, le couple est toujours en équilibre précaire, il faut inventer sans cesse pour éviter l'usure. Nous allons fêter nos 58 ans de mariage, ils sont passés sans que je m'en rende compte, nous aimons rire tous les deux et affronter les mauvais moments ensemble, ce n'est pas une recette, je précise.

J'allais oublier mais qu'est-ce qu'ils picolent ces anglais, des bouteilles vides sur la table, du vin encore du vin qui tourne les têtes et peut faire dire des choses qui devaient rester secrètes.

Bye MClaire.




samedi 2 mars 2019

"Grégoire et le vieux libraire" Marc Roger.



Un chat sur la couverture mais il n'est jamais question d'un chat dans ce livre, je suppose que Marc Roger aime les livres et les chats.
L'auteur de ce roman est lecteur public, né au Mali, il parcourt le monde pour lire à voix haute dans les médiathèques, théâtres, centres culturels, etc. Ce lecteur insatiable est un passeur de livres.
J'ai relevé un beau texte écrit par lui sur internet :

""Un livre n’existe qu’à l’instant où quelqu’un se décide à l’ouvrir. En dehors de ce temps, il n’est rien qu’un sommeil dont il ne sort qu’au toucher délicat que pose sur lui l’éveilleur.
Il y a l’éveilleur silencieux. Tout se passe dans sa tête. Pour lui seul, il compose une voix qui ne regarde que ses yeux ; et l’auteur, d’aussi loin qu’il se trouve depuis qu’il a écrit ce livre, perçoit cette onde infime que la pupille au centre de l'oeil diffuse par cercles successifs. L’éveilleur silencieux force l’admiration de tous, il donne un sens aux profondeurs par un simple phénomène de surface : la lecture silencieuse. Mais tous ne peuvent accéder au silence éveilleur.
Pour bon nombre, nécessité de son s’impose afin que du sens s’ajoute. Le petit qui ânonne ou l’adulte butant sur un texte difficile a besoin d’expulser mot à mot par dehors l’écriture pour qu’émergent du livre la musique et le sens.
Et point de hiérarchie entre ces deux pratiques. La lecture silencieuse est certes plus rapide, plus efficace, elle va plus vite au sens que la lecture à voix haute, mais doit-on forcément se presser pour goûter aux bonnes choses ?"

J'ai acheté ce roman chez Carrefour, je ne l'ai même pas ouvert, je l'ai caressé, j'ai su qu'il allait me plaire, comment résister à un vieux libraire et qui sait, dans la pâte à papier il y avait peut être un peu de lui !!

En parlant d'achat, avant que j'oublie, le prix des livres n'augmente pas, un livre de 2004 coûtait 21 euros, celui-ci 
18 euros. Les gros vendeurs de livres gagnent leur vie, peuvent en vivre, les autres non. Bon, ce n'était pas le sujet..

L'histoire :

Grégoire 20 ans, travaille dans un EHPAD, en cuisine, il est un des rares qui n'a pas eu son bac, mauvais élève. Sa mère est couturière, le père absent depuis sa naissance, Grégoire aime les arbres, le conseiller lui a parlé des Eaux et Forêts, bac série S alors qu'il ne comprend rien aux maths. Il doit gagner sa vie pour soulager sa mère, il sera donc ASTFF, il a inventé "Apprenti sans technique à tout faire".
Monsieur Picquier, le vieux libraire, souffre de la maladie de Parkinson, il a dû se résoudre à vendre sa librairie "L'itinéraire bis" pour  occuper une chambre dans l'EHPAD, une petite chambre, les murs de sa chambre sont tapissés de livres, 3.000 bouquins "Pauca meae", cela veut dire "Le peu qu'il me reste d'elle."
Grégoire lui sert ses repas dans sa chambre et peu à peu s'installe une amitié, des confidences, Grégoire lui dira "Les livres, chez moi, y'en a zéro !"
"Monsieur Picquier, vous dites toujours qu'une journée sans lecture ne vaut rien, mais depuis que je vous connais, je ne vous vois jamais lire."
Et pour cause, ses mains tremblent et ses yeux l'ont lâché. Le glaucome a gagné. La lecture c'est fini, il lui reste la musique.
Et quelques jours plus tard Grégoire lui proposera de lui faire la lecture avec la permission de la directrice, une heure de moins en cuisine, un soulagement pour Grégoire.

Vous avez envie de connaître la suite, achetez le bouquin ou faites le vous prêter....

J'ai adoré Grégoire, son langage direct, son humour, sa disponibilité et cet amour de la lecture qui peu à peu s'empare de lui. Monsieur Picquier vit par procuration ce qui lui est défendu et Grégoire pas dupe s'y prête volontiers.

Evidemment, j'ai aussi beaucoup aimé Monsieur Picquier, une belle histoire de transmission. Il a su me faire rire, parle quelquefois crûment, un poète. Un très beau personnage de roman.

Le livre est parsemé de citations jamais pesantes. Du Rabelais "Quart livre" "Seigneur, ne vous effrayez de rien. Nous sommes au bord de la mer glaciale, sur laquelle au commencement de l'hiver dernier il y eut une grande et cruelle bataille entre les Arismapiens et les Néphélibates. Alors gelèrent en l'air les paroles.."
J'ai ouvert Google pour chercher le mot Arismapiens...

Des passages tellement émouvants sur les maisons de retraite, la mort lente de ses pensionnaires.
"Chambre 24. Fin du mois de mars. Opération désinfection après décès. Mme Morel n'a pas de descendance, ni de famille à laquelle confier le peu d'affaires qu'elle laisse derrière elle, vêtements, bibelots que nous devons jeter sans états d'âme..."
Toute une vie dans un sac poubelle..

La fin est belle, surprenante.

C'est fini, faites moi plaisir, lisez ce livre.

Bye MClaire.