samedi 2 mars 2019

"Grégoire et le vieux libraire" Marc Roger.



Un chat sur la couverture mais il n'est jamais question d'un chat dans ce livre, je suppose que Marc Roger aime les livres et les chats.
L'auteur de ce roman est lecteur public, né au Mali, il parcourt le monde pour lire à voix haute dans les médiathèques, théâtres, centres culturels, etc. Ce lecteur insatiable est un passeur de livres.
J'ai relevé un beau texte écrit par lui sur internet :

""Un livre n’existe qu’à l’instant où quelqu’un se décide à l’ouvrir. En dehors de ce temps, il n’est rien qu’un sommeil dont il ne sort qu’au toucher délicat que pose sur lui l’éveilleur.
Il y a l’éveilleur silencieux. Tout se passe dans sa tête. Pour lui seul, il compose une voix qui ne regarde que ses yeux ; et l’auteur, d’aussi loin qu’il se trouve depuis qu’il a écrit ce livre, perçoit cette onde infime que la pupille au centre de l'oeil diffuse par cercles successifs. L’éveilleur silencieux force l’admiration de tous, il donne un sens aux profondeurs par un simple phénomène de surface : la lecture silencieuse. Mais tous ne peuvent accéder au silence éveilleur.
Pour bon nombre, nécessité de son s’impose afin que du sens s’ajoute. Le petit qui ânonne ou l’adulte butant sur un texte difficile a besoin d’expulser mot à mot par dehors l’écriture pour qu’émergent du livre la musique et le sens.
Et point de hiérarchie entre ces deux pratiques. La lecture silencieuse est certes plus rapide, plus efficace, elle va plus vite au sens que la lecture à voix haute, mais doit-on forcément se presser pour goûter aux bonnes choses ?"

J'ai acheté ce roman chez Carrefour, je ne l'ai même pas ouvert, je l'ai caressé, j'ai su qu'il allait me plaire, comment résister à un vieux libraire et qui sait, dans la pâte à papier il y avait peut être un peu de lui !!

En parlant d'achat, avant que j'oublie, le prix des livres n'augmente pas, un livre de 2004 coûtait 21 euros, celui-ci 
18 euros. Les gros vendeurs de livres gagnent leur vie, peuvent en vivre, les autres non. Bon, ce n'était pas le sujet..

L'histoire :

Grégoire 20 ans, travaille dans un EHPAD, en cuisine, il est un des rares qui n'a pas eu son bac, mauvais élève. Sa mère est couturière, le père absent depuis sa naissance, Grégoire aime les arbres, le conseiller lui a parlé des Eaux et Forêts, bac série S alors qu'il ne comprend rien aux maths. Il doit gagner sa vie pour soulager sa mère, il sera donc ASTFF, il a inventé "Apprenti sans technique à tout faire".
Monsieur Picquier, le vieux libraire, souffre de la maladie de Parkinson, il a dû se résoudre à vendre sa librairie "L'itinéraire bis" pour  occuper une chambre dans l'EHPAD, une petite chambre, les murs de sa chambre sont tapissés de livres, 3.000 bouquins "Pauca meae", cela veut dire "Le peu qu'il me reste d'elle."
Grégoire lui sert ses repas dans sa chambre et peu à peu s'installe une amitié, des confidences, Grégoire lui dira "Les livres, chez moi, y'en a zéro !"
"Monsieur Picquier, vous dites toujours qu'une journée sans lecture ne vaut rien, mais depuis que je vous connais, je ne vous vois jamais lire."
Et pour cause, ses mains tremblent et ses yeux l'ont lâché. Le glaucome a gagné. La lecture c'est fini, il lui reste la musique.
Et quelques jours plus tard Grégoire lui proposera de lui faire la lecture avec la permission de la directrice, une heure de moins en cuisine, un soulagement pour Grégoire.

Vous avez envie de connaître la suite, achetez le bouquin ou faites le vous prêter....

J'ai adoré Grégoire, son langage direct, son humour, sa disponibilité et cet amour de la lecture qui peu à peu s'empare de lui. Monsieur Picquier vit par procuration ce qui lui est défendu et Grégoire pas dupe s'y prête volontiers.

Evidemment, j'ai aussi beaucoup aimé Monsieur Picquier, une belle histoire de transmission. Il a su me faire rire, parle quelquefois crûment, un poète. Un très beau personnage de roman.

Le livre est parsemé de citations jamais pesantes. Du Rabelais "Quart livre" "Seigneur, ne vous effrayez de rien. Nous sommes au bord de la mer glaciale, sur laquelle au commencement de l'hiver dernier il y eut une grande et cruelle bataille entre les Arismapiens et les Néphélibates. Alors gelèrent en l'air les paroles.."
J'ai ouvert Google pour chercher le mot Arismapiens...

Des passages tellement émouvants sur les maisons de retraite, la mort lente de ses pensionnaires.
"Chambre 24. Fin du mois de mars. Opération désinfection après décès. Mme Morel n'a pas de descendance, ni de famille à laquelle confier le peu d'affaires qu'elle laisse derrière elle, vêtements, bibelots que nous devons jeter sans états d'âme..."
Toute une vie dans un sac poubelle..

La fin est belle, surprenante.

C'est fini, faites moi plaisir, lisez ce livre.

Bye MClaire.