samedi 23 mars 2019

Nicolas Mathieu "Leurs enfants après eux."




"Le livre se passe dans un sentiment de fatalité. Les personnages sont pris entre un destin qu'ils ne veulent pas, et des structures qui les poussent à reproduire la vie de leurs parents. Et ils vont essayer de jouer leur part de liberté. Quand on écrit un roman, on fait vivre des personnages. À partir de ce moment, il se passe des choses qui nous échappent."
"Je ne sais pas si c'est la sexualité qui est émancipatrice, c'est plutôt le mélange de l'amour et de la sexualité. [...] La morale de ce roman, c'est la restitution, rendre le réel. Donc, pour la description du sexe aussi, j'ai essayé d'appeler un chat, un chat, et de susciter chez le lecteur des choses qui pouvaient se passer dans le corps des personnages."

En lisant ce roman j'ai compris pourquoi ce Goncourt avait créé la surprise. C'est direct, quelquefois assez cru et j'imaginais les membres du jury qui ont majoritairement un âge respectable en train de lire ces passages. Le sexe chez les adolescents. Le livre n'est pas que ça..

Un roman admirable et tragique.

Une région autrefois prospère, les hauts fourneaux, l'industrie de l'acier, les Wendel, leur paternalisme, les travailleurs étrangers, arabes en majorité, des immigrés qui vivent entre deux pays, des déracinés qui ne parlent pas toujours français et un jour tout s'arrête, les hauts fourneaux s'éteignent, reste une petite ville Heillange, cette ville n'existe pas mais elle existe certainement sous un autre nom. Des pères désoeuvrés, souvent alcooliques, les mères qui subissent et des enfants qui ont pour seul horizon les frontières de cette vallée, le lac en été, le cul des filles qui se baignent, en rentrant chez eux ils observent leur famille déglinguée, ferme la porte de leur chambre pour fumer un pet' sous les posters punaisés au mur. Ils quittent l'enfance pour rentrer dans l'adolescence et le chemin n'est pas facile. Ils ne veulent surtout pas reproduire les mêmes erreurs que leurs parents et pourtant..

Antony rêve d'un ailleurs, mais le seul fait d'être seul à Paris pour une soirée le panique, il n'ose même pas prendre une chambre d'hôtel, comment faire? Il ne sait pas, il a peur. Il a vingt ans. Il finira par se résigner et accepter cette vie monotone, celle de son père. Il voulait exister, il n'acceptait pas sa condition et lui même finira par être entraîné dans cette malédiction.
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Hacine, Coralie, Nath', le cousin, Steph petite bourgeoise qui s'encanaille, tous les personnages sont attachants.
Ils boivent, fument des pet's, pour passer le temps ou pour oublier. Un peu de trafic au pied des immeubles, la moto qui pétarade, le quotidien de ces jeunes et le riche Luxembourg, là tout près.
"Au travail comme ailleurs, les idées reçues gouvernaient, qui ne servaient qu'à enrober, s'intoxiquer de bonheur pour ne pas crever de l'évidence des faits."

Une France oubliée, une France en friche, le naufrage d'une France. Une partie de la France d'aujourd'hui?

Presque trente ans ont passés depuis le début de l'histoire du roman, à notre époque les ados sont toujours aussi perturbés en rentrant dans l'âge adulte, l'avenir, quel avenir pour ceux qui n'ont pas suivi les filières nobles, celles qui leur permettront de "briguer des bonnes places, et mener plus tard des vies trépidantes et respectées, porter un tailleur couture et des talons qui coûtent un bras. Il ne suffisait pas d'être cool et bien née. Il fallait faire ses devoirs." Pas de salut pour les autres qui n'ont aucune qualification. Que des espoirs qui se fracassent sur la réalité.

Il fait toujours chaud dans ce roman, les étés du Nord, quatre étés, quatre années. La chaleur exacerbe les sens.

J'ai trouvé ce roman formidable, plein de tendresse malgré tout. Je vous conseille cette lecture.

Bye MClaire.