lundi 30 décembre 2013

"Les débutantes" J.Courtney Sullivan.



Ma dernière lecture décrivait l'adolescence dans un lycée, "Les débutantes" raconte une histoire d'amitié entre quatre filles qui font connaissance dans une université américaine "Smith", école privée féminine.
J'avais acheté ce bouquin en poche après avoir lu "Maine" du même auteure, livre que j'avais beaucoup aimé, j'avais écrit une gazette au mois d'août, une histoire de femmes.
"Les débutantes" a été écrit avant "Maine", j'ai préféré ce dernier tout en ayant beaucoup de plaisir à lire "Les débutantes", j'ai une petite critique négative, ce livre aurait pu être moins long, il y a des longueurs, des répétitions, il m'est arrivé de sauter quelques passages qui n'avaient aucun intérêt et ma lecture n'a pas été perturbée, chose que je fais rarement en lisant.
J'entendais Pivot qui disait qu'il ne fallait jamais avoir honte de ne pas finir un livre si il ne nous plaisait pas, là j'ai un problème, je n'y arrive pas, je vais jusqu'à la fin, j'attends le petit miracle. Cela n'a pas été le cas de ce bouquin, je suis allée jusqu'au bout sans me forcer, j'ai même lu des heures entières sans me relever du canapé.

Célia, April, Bree et Sally font connaissance en arrivant à l'Université, elles vont habiter le même étage, quatre chambres où les portes resteront souvent ouvertes dans le cas où une des quatre aurait besoin de se confier. Une grande amitié va se développer tout au long des quatre années d'études, elles seront inséparables malgré leur différence d'origine et leur façon de concevoir la vie.
"Smith" est un haut lieu du féminisme, ses murs ont abrité des féministes célèbres, entre autres Gloria Steinem une journaliste qui a toujours défendu ses idées dans un journal.
"Smith" est aussi réputée pour sa communauté lesbienne, et Bree connaîtra l'amour avec Lara qu'elle rencontre sur le campus, une histoire compliquée pour elle, elle sait qu'elle pourrait aimer aussi un homme, elle n'est pas une pure lesbienne malgré son attirance pour Lara et ses relations avec ses parents l'attristent. Lara veut mettre leur relation au grand jour, Bree ne veut pas, elle ne sent pas prête à en parler avec ses collègues de travail, à l'imposer. Lara partira laissant Bree dans le désarroi.
Sally ne rêve que d'une chose créer une famille, avoir une belle histoire d'amour, à la grande surprise de ses copines qui elles veulent vivre librement, les hommes elles vont les collectionner sans jamais s'attacher.

April travaillera avec Ronnie qui lutte pour la condition féminine mais qui se sert d'elle pour accomplir le sale boulot. C'est April qui a eu ma préférence, elle se livre à fond dans son combat, la défense des femmes, c'est elle qui restera la plus fidèle à ses convictions. Elle est attendrissante dans sa recherche de l'absolu.

Célia travaillera à New-York dans l'édition tout en rêvant d'écrire son bouquin, seule dans son petit appartement. Il lui arrive de rêver d'un homme amoureux, d'enfants sans jamais concrétiser, elle a compté ses amants jusqu'à 10, elle espère juste ne pas arriver à 20.

Je n'aime pas les séries américaines qui décrivent la vie des femmes tels que "Sex and the city" ou autres, je ne regarde pas, je trouve que leur vie est tellement éloignée de la nôtre, ce livre aurait pu aussi me laisser indifférente,  mais j'ai bien aimé ce bouquin pour son histoire d'amitié indéfectible malgré les petits accrocs inévitables et pour la lutte des femmes qui essaient de rendre le monde moins macho, ce n'est pas gagné.
Une amitié solidement ancrée peut survivre toute une vie, même si les chemins se séparent à un moment donné.
J'ai toujours eu plein de copines lorsque j'étais plus jeune, et il y a des passages qui m'ont fait sourire, ça me rappelait les moments où nous habitions toutes au même endroit, le mari de l'une de nous s'absentait pour la soirée et aussitôt le téléphone sonnait "Vous venez me tenir compagnie un petit moment" nous accourions et nous avions des crises de fou-rire pour des riens, les hommes n'auraient pas compris.
J'ai la chance d'avoir un mari qui n'est pas  macho pour un sou, je  n'ai jamais eu à lutter pour mes idées ou pour mon indépendance, si je parais plus dépendante maintenant c'est moi qui ai fait le choix, ça me convient, la vie a voulu que le fait que l'on s'occupe de moi me rassure, me fasse du bien, et mon conjoint n'a jamais abusé de la situation, je n'ai donc rien à revendiquer.

Ce qui me met souvent en colère c'est le machisme dans le travail ou même dans une association, cette idée que seuls les hommes sont capables de diriger, de prendre des décisions en haut de la pyramide. Aux femmes les petites besognes, aux hommes la lumière, mais il y a des causes qui méritent notre investissement et d'autres qu'il vaut mieux ignorer pour ne pas se compliquer la vie, la majorité des femmes a toujours su aller directement aux priorités.
Je n'aurais jamais pu être celle qui prépare un café à son chef de bureau, comme on le voit souvent ! Je m'insurge dès que les hommes font des plaisanteries graveleuses sur les femmes, je ne supporte pas.
Pour autant je n'aime pas le féminisme radical, ce féminisme imite trop le machisme de certains hommes. Il faut juste se respecter.

Dans le bouquin il est aussi question du viol des femmes, bien plus important que nous le pensons, même les hommes qui paraissent très bien élevés sont capables du pire, le règne animal aussi connaît le viol sauf les bonobos, un extrait du livre :

"une anthropologue féministe (…) leur parla de ses recherches sur le viol dans le règne animal. D'après elle, il existait une forme de viol dans presque toutes les espèces, à part chez les bonobos, un groupe primates similaires aux chimpanzés. A un moment donné, les femelles bonobos décidèrent qu'elles n'allaient plus tolérer les violences sexuelles. Aussi, lorsqu'un mâle attaquait l'une d'entres elles, cette dernière émettait un son pour attirer l'attention sur elle. Les autres femelles bonobos arrêtaient ce qu'elles étaient en train de faire, se ruaient en direction du bruit et, toutes ensemble, elles dépeçaient le coupable. (…) Pourquoi est-ce que les femmes ne se comportaient pas plus comme cela ? "

Voilà mon avis sur ce bouquin. J'ai aimé ce livre qui semble facile mais qui est intelligent.
En le lisant j'ai repensé aux "Chroniques de San-Francisco" j'avais lu tous les bouquins parus à l'époque, très américains mais vraiment agréables.

J'ai acheté tout à l'heure celui se Khaled Hosseini "Ainsi résonne l'écho infini des montagnes." c'est l'auteur de "Les cerfs-volants de Kaboul" un des plus beaux livres lu ces dernières années, j'espère ne pas être déçue.

Petit signe à Michèle ma copine de scrabble, ne l'achète surtout pas, je l'ai. Elle a acheté "Vertiges" de Lionel Duroy, notre petit commerce continue...

Bye MClaire.



dimanche 22 décembre 2013

Soudain tout change -Gilles Legardinier.


JOYEUX NOEL - Si ce n'est pas trop tard une idée de cadeau pour un ado lecteur ou pour ses parents "Soudain tout change."



 

 

Je suis très ennuyée en commençant cette gazette, je ne sais pas si je dois conseiller ce livre pour une raison toute simple, je ne sais pas qui va lire cette gazette. Vous êtes ados, vous pouvez sans aucun doute, des parents d'ados vous pouvez, ça vous aidera peut être à comprendre ces enfants si versatiles, une mamie de grands ados, je ne sais pas, c'est mon cas. 

J'ai lu ce livre sans ennui mais sans passion, j'avais l'impression d'être une intruse dans un monde que je n'ai pas reconnu, mes années de lycée sont tellement éloignées de ce que raconte Camille l'héroïne du livre et je ne suis que la mamie de grands ados, ce n'est pas moi qui partage leurs problèmes de lycée, les anecdotes avec leurs copains, leurs petits secrets, leurs amourettes, ce sont les parents. Nous les gardions très souvent pendant les vacances, c'était un autre monde que le monde de l'école.
 
J'avais beaucoup aimé "Demain j'arrête" du même auteur, beaucoup ri, j'ai acheté celui là certaine que j'allais encore avoir des grands éclats de rire. J'ai souri souvent parce qu'il y a certains personnages qui sont très drôles, j'ai lu avec intérêt les passages qui mettent en scène le prof d'éco, sympathique, il dit des choses tellement vraies assez profondes, un prof comme nous les aimons lorsque nous fréquentons l'école. Je n'ai pas réussi à ressentir une vraie émotion en lisant les aventures de ces jeunes, il y a la maladie de Léa qui peut nous attrister, mais là encore moi qui ai la larme facile en lisant, presque rien.
Je ne veux pas oublier l'écriture de Gilles Legardinier, elle est toujours aussi agréable, fluide, facile à lire, ce n'est pas ça qui me fait regretter l'achat de ce livre, c'est juste qu'il n'était pas fait pour moi, mais encore une fois si vous n'avez pas mon âge ne vous privez pas du plaisir de le lire.
 
L'histoire :
 
Camille et ses copains vivent leur dernière année de lycéen, il y a Léa sa meilleure amie, presque sa sœur. Nous avons tous eu une meilleure amie au lycée, celle avec qui nous partagions tous.
Il y a les parents avec quelquefois des vies un peu compliquées, le choix de l'après bac, Alex celui qui a les faveurs des deux copines, pour ne pas briser leur précieuse amitié elles décident de ne jamais avoir une aventure avec lui.
Tibor l'élève un peu déjanté, incollable en maths mais qui se livre à des actes un peu fous.
Monsieur Rossi, le prof d'éco.
Je me répète, j'ai beaucoup aimé ce prof qui leur apprend la vie avec des mots qui touchent. Il va même inventer le nom d'un économiste indien pour intéresser les enfants, partant du principe que les étudiants sont beaucoup plus intéressés lorsqu'on leur apprend quelque chose venant d'une autre personne plutôt que les idées d'un prof qui ne passionnent pas vraiment les élèves. Ce sont les passages que j'ai beaucoup aimés.
Il y a la maladie de Léa, maladie grave du cœur et toute la solidarité qui se met en place autour d'elle. Maladie qui leur fera perdre leur insouciance.
 
C'est toute l'histoire de ces ados. Une adolescence qui ne ressemble pas du tout à la mienne, nous étions moins intrépides, l'éducation beaucoup plus rigide, les profs plus inaccessibles, plus respectés. J'ai une anecdote pour vous donner une idée de l'ambiance :
Avec Christian nous étions allés danser dans un bal de la Croix-Rouge ou autre chose je ne sais plus, nous étions amoureux comme le sont les jeunes, nous dansions un slow qui facilitait le rapprochement et d'un seul coup je sens une main sur mon épaule, c'était ma prof qui dansait aussi et qui m'a dit d'un ton réprobateur "Marie-Claire, essaie de tenir un peu mieux." Je ne faisais rien d'illégal pourtant, même à l'extérieur l'école avait un œil sur nous ! Je n'allais pas danser un slow les bras tendus à un mètre de mon cavalier, pas question, j'ai fait comme si je n'avais rien compris, elle outrepassait son rôle.
 
Je n'ai même pas reconnu l'adolescence de mes enfants, il y a donc un monde entre les années 1980-85 et celles que nous vivons. J'avais pourtant l'impression que mes enfants ados étaient très différents de mon monde à moi, il arrivait que nous ayons de la peine à comprendre leurs réactions, mais nous ne savions sans doute pas tout.
 
Faîtes ce qui vous semble bon, achetez ce livre si vous pensez qu'il est pour vous.
 
Bye MClaire.  

 


vendredi 13 décembre 2013

Sorj Chalandon - Une promesse


Après avoir lu "Le quatrième mur" du même auteur, je craignais d'être un peu déçue. Les écrivains peuvent écrire un chef-d'oeuvre et d'autres bouquins plus inégaux, le talent n'est pas quelque chose qu'ils possèdent à vie, il faut sans cesse se remettre en question, ça doit être assez stressant et même paralysant. Je regardais une émission sur Françoise Sagan l'autre soir "Bonjour tristesse" a été son plus grand succès et c'était le premier, on se rappelle de ce titre mais les autres, Est-ce que vous pourriez citer cinq titres de Sagan? Honnêtement moi non, en m'aidant de Wiki il me reviendrait à l'esprit quelques histoires racontées par elle, c'est tout.

"Une promesse" a été publié en 2007, prix Médicis, écrit bien avant "Retour à Killybegs" qui paraît-il est un de ses très bons bouquins, je vais le lire, je me suis entichée de cet auteur.

J'ai commencé à le lire tranquillement, l'histoire semblait belle, prenante, j'ai fini le bouquin en larmes, mais vraiment en larmes, pas de simples larmes de tristesse vite effacées le long de la joue. Je me pose toujours la question "Pourquoi est ce que je pleure si facilement en regardant un film, en lisant en livre et pas lorsque j'ai un vrai chagrin, les larmes sont bloquées, le chagrin m'étouffe mais ne s'exprime pas, ce n'est que quelques jours plus tard que tout se déverse, et il faut un déclencheur?" Je remarque une attitude qui me blesse profondément, je ne dis rien, je ne pleure pas et un jour ce sont les chutes du Niagara, c'est comme ça.

J'ai aussi la chance de rire, de beaucoup rire, heureusement. Je suis une vraie méditerranéenne, souvent excessive mais spontanée, vivante.

J'ai essuyé mes larmes, je peux vous raconter ce qui m'a tant plu dans ce livre.

Il ne se passe pas grand chose dans ce roman, très peu d'action, que des sentiments décrits avec un talent fou.

C'est une histoire d'amitié et d'un amour profond, un vieux couple qui s'aime jusqu'à la mort, ils mourront ensemble, parce que lui ne peut pas imaginer vivre sans elle.

Etienne et Lucien sont les deux fils d'un marin mort au large de Penmarch, la mère décide de quitter le bord de mer pour éviter à un de ces enfants de mourir en mer, elle part s'installer dans les terres, en Mayenne. Les enfants se font des amis qui resteront toujours dans ce petit village, des vraies amitiés d'enfance, il y aura un amour d'enfance qui se transformera en amour de toute une vie, Fauvette et Etienne qui se sont tenus la main petits et qui se la tiendront jusqu'à la fin. Il y aura aussi des amis qui viendront se greffer au groupe et tous fréquenteront avec assiduité le bistro de Lucien "Le bosco", le lieu de rencontre, là où ils boiront le vin de "la promesse".

La promesse est qu'après la mort de Fauvette et d'Etienne, Lucien le "petit" frère d'Etienne fait promettre à leurs sept amis de continuer à faire vivre la maison "Ker Ael", chacun sa tâche et chacun son jour. Ils ouvrent les volets, mettent le couvert, des fleurs fraîches dans les vases, font exactement comme si Fauvette et Etienne étaient toujours là. C'est presque écrit comme un conte, il y a une lampe qui prend beaucoup de place dans l'histoire, une lampe magique?.
Ce livre est une réflexion sur la mort, sur l'oubli de ceux qui sont partis, parce qu'à un moment du récit il y a la lassitude qui s'installe, certains ne veulent plus accomplir le rite.
La fin est bouleversante, elle ne peut pas ne pas nous toucher.

Les vieux couples sont toujours touchants si toute leur vie ils se sont aimés. Comment admettre de laisser l'autre seul si l'un des deux doit partir? Je crois que la solitude est plus dure à supporter pour un homme, les femmes arrivent toujours à surmonter sans pour autant oublier, l'autre est toujours présent, il manque toujours terriblement.
Lorsque j'ai été très malade, sauvée de justesse après une septicémie avant d'être opérée du cancer,  je ne pensais qu'à ça, ne pas laisser Christian seul, je m'accrochais. C'est sans doute ce qui a provoqué mes larmes hier, trop de souvenirs, mais comme chez nous la tristesse ne s'impose jamais j'ai dit "Finalement, tu te serais peut être très bien débrouillé, je me fais sans doute des illusions" et nous avons éclaté de rire avec un beau regard de tendresse. Christian a ajouté "Tiens, j'aurais peut être même perdu la carte bleue, elle ne me manquerait pas" Il a dit ça parce que pendant mon séjour à l'hosto, les débits de CB étaient presque inexistants, j'étais stupéfaite, il se nourrissait comment ? C'est bien de parler des petites choses sans importance de la vie, de rire, ça dédramatise tout et c'est ce que feront les amis lorsqu'ils fermeront les volets de "Ker Ael", ils voulaient retarder le deuil, ils l'ont fait pendant quelques mois. La vie continue.

C'est un très joli roman, un livre plein de tendresse. Il est en poche.
J'ai commencé celui de Gille Legardinier "Et soudain tout change" là je suis certaine de ne pas pleurer, ou pleurer de rire. J'avais beaucoup aimé "Demain j'arrête", beaucoup ri aussi;

  Bye MClaire.



jeudi 5 décembre 2013

Le journal intime d'un arbre -Didier Van Cauwelaert.



Après "Le quatrième mur" il fallait absolument que je lise quelque chose de plus léger, j'ai même eu du mal à me remettre à lire. En général je ferme un bouquin et j'en ouvre un autre aussitôt, là non, je devais digérer le livre puissant de Sorj Chalandon.

J'aime beaucoup Didier Van Cauwelaert, c'est un de mes auteurs chouchous. Ce livre était en poche, je l'ai acheté, certaine de ne pas être déçue. Je l'ai lu lentement comme on suce un bonbon, il faut le déguster. Je ne suis pas d'accord avec Léon qui écrit un blog et qui me disait que lire Didier Van Cauwelaert était une récréation, sans doute léger comme un soda. Léon est un homme et je suis une femme, c'est toute la différence.

La lecture de ce livre peut vous faire porter un autre regard sur la nature lorsque vous êtes citadins, ce n'est pas mon cas, j'ai toujours respecté les plantes, les arbres, il m'arrive même de parler à mes fleurs, de les caresser lorsque j'arrose l'été, je les flatte. J'ai eu beaucoup de peine le mois dernier lorsque en ouvrant les volets j'ai vu le prunier cassé, il fallait le tronçonner et il me manque, il n'est plus là. Il y a deux chênes devant la maison et même s'ils sont encombrants, je ne peux pas imaginer de ne plus les voir. Je rouspète en automne lorsque leurs feuilles volent partout et pendant longtemps, les chênes sont en feuilles très tard dans la saison, j'entends le bruit des glands qui éclatent lorsque Christian passe la tondeuse, mais ils nourrissent les écureuils et les lapins. Un été les chenilles processionnaires les avaient attaqués, des gros nids, on peut imaginer qu'il souffraient d'urticaire comme nous, mais je ne les ai pas vus se tortiller sous l'effet des brûlures, nous avons vite fait ce qu'il fallait.

L'auteur a imaginé la vie d'un poirier tri-centenaire appelé Tristan, c'est donc Tristan qui raconte son histoire. Une histoire d'amour entre un vieux médecin qui le bichonne, lui parle, lui raconte ses chagrins, ses joies comme l'ont fait les autres propriétaires de la maison avant le docteur Lannes. Tristan a vu des amoureux s'étreindre sous ses branches, une sorcière brûlée avec son bois, des religieux pendus à ses branches sous la révolution, le fils du docteur Lannes sera abattu par les les allemands contre son tronc,  une petite fille qui a vécu l'inceste murée dans son silence viendra lui rendre visite la nuit, sculptera son écorce avant de devenir une artiste reconnue qui se fera appeler Tristane. 
Il résistera à la grande tempête du siècle mais chutera sous l'effet d'un simple coup de vent, laissant sa voisine Isolde qui est aussi un poirier, seule. Ceci juste au moment ou Yannis Karras allait le faire classer, un très beau jeune homme qui est en train de reconstituer toute l'histoire de Tristan.
Isolde sert à supporter l'antenne de la télé. Le docteur Lannes ne pouvait pas capter la télé
"Ce système qui remplace chez les humains la transmission de pensée."

Que deviendra Tristan lorsqu'il sera tronçonné? Continuera t-il à vivre? Tristane-Manon sculptera dans une de ses bûches une statuette qui lui permettra de voir encore l'humanité. Il est fatigué mais il a encore envie de ce contact avec les hommes, il aime les hommes qui se sont ressourcés en serrant son tronc, il donnait de l'énergie. Cet arbre n'est qu'amour, il veut que tous les gens qu'il connaît soient heureux.

"Le déstockage humain qui aura marqué la fin du XXIè siècle, en lieu et place du réchauffement climatique et de l’hiver nucléaire que prédisaient vos experts, n’est pas le Jugement dernier, mais c’est votre chance ultime. Car beaucoup d’entre vous, du coup, développent des gènes résistants à la dépression suicidaire. Ceux qui savent que le but de la présence sur terre, pour toutes les formes de vie, est l’accroissement de la connaissance à travers l’empathie, et que cette fonction ne peut s’accomplir dans la haine, l’aveuglement égoïste ou le désespoir.
Contre toute attente, la sélection naturelle qui est en train de s’opérer au sein de votre espèce est donc celle de l’amour, de l’intelligence et de la joie de vivre. »

J'ai tout aimé dans ce livre, la fin nous fait prendre conscience, si ce n'est déjà fait, que l'humanité ne peut pas vivre sans la nature, sans le pollen des fleurs et si la nature se rebiffait contre les hommes qui la détruisent? Il y a des petites anecdotes sur le fonctionnement de la nature qui sont vraiment intéressantes. Les arbres libèrent des hormones.
Ce bouquin est plein de poésie, d'amour, de philosophie, il y a certes quelques petits passages un peu moins intéressants mais quand même nous apprenons. En le refermant je pensais que si nous pouvions vivre tous en harmonie nous pourrions être heureux, Tristan donne une leçon de vie.

"Les arbres souffrent, et leurs maux ne sont pas toujours physiques. Il y a, chez eux, plus de souffrance morale que nous ne le soupçonnons, et ce sont les hommes, presque toujours, qui les contaminent, qui leur communiquent leur douleur. Car les hommes, si égoïstes dans leur joie, ont besoin de faire participer la nature toute entière aux malaises de leur coeur et de leur esprit."
"J'ai vu des arbres empoisonnés par des hommes qui vivaient dans leur voisinage. Ils dépérissaient lentement, comme si leur substance vitale s'épuisait."

François Mitterrand plantait inlassablement des arbres dans sa propriété de Latche, il adorait les chênes, Giono aimait les arbres.
Une peinture de Mondrian :


C'est un petit livre 184 pages. Tristan a été le passage entre les deux livres de Chalandon, je vais commencer "La promesse."

Bye MClaire.





dimanche 24 novembre 2013

Sorj Chalandon "Le quatrième mur"








Presque systématiquement chaque année je lis le Goncourt des lycéens, je suis allée acheter "Le quatrième mur" de Sorj Chalandon pour ne pas faillir à mes habitudes et surtout parce qu'un autre lecteur m'avait recommandé ses bouquins.
J'ai dû lire plus d'un millier de bouquins depuis que je sais lire, je n'ai jamais compté, mais aucun ne m'a autant bouleversée, on ne peut pas sortir intacte lorsqu'on a tourné la dernière page de ce livre. Je suis à peu près certaine que ce roman restera à jamais gravé dans ma mémoire.
J'ai lu des livres passionnants, d'autres un peu moins, il m'arrive de saisir un livre à l'occasion d'un rangement et de me dire "Tiens, il parlait de quoi celui-là?" Je lis la quatrième de couverture ou quelques lignes et l'histoire apparaît, mais il n'a pas laissé de traces.
Autant vous avertir tout de suite, âmes sensibles s'abstenir. Ce "roman", enfin je n'arrive pas à intégrer l'idée que c'est un roman, tout à l'air tellement vrai, tout est vrai, le massacre de Chatila est vrai, la guerre du Liban est vraie, la folie des hommes est vraie.

Sorj Chalandon a mis son expérience de grand reporter au service de son roman. Il a couvert la guerre du Liban de 1981 à 1987, il a vu un jour de septembre 1982 le massacre de Chatila, une nuit couché sur le toit d'un immeuble il voyait les balles traçantes et il trouvait ça beau, là il a pris la décision d'arrêter parce qu'il ne pouvait plus vivre avec de telles images, sa raison était en train de vaciller. Georges le personnage principal du livre prend la relève du reporter, lui ira jusqu'à la fin, jusqu'au moment où il n'y a plus de limite, où la guerre prend possession de l'homme jusqu'à ce qu'elle lui paraisse indispensable à sa vie, jusqu'au point de sacrifier les personnes qu'il aime le plus au monde sa femme et sa fille restées en France dans leur petit confort qu'il ne supporte plus.

L'histoire imaginée par Chalandon : Sam un juif de Thessalonique a fui le régime des colonels en Grèce, il a fait la connaissance de Georges lors des combats d'étudiants d'extrême gauche et d'extrême droite. Sam est metteur en scène, adepte de la non violence, "La violence est une faiblesse" avait dit Sam après une embuscade tendue à des étudiants d'extrême droite, il ne supportait pas les coups et le slogan "CRS SS", un jour il avait pris Georges par le bras et s'était campé devant les CRS en disant :
"Alois Brunner (tortionnaire nazi) n'était pas là Georges. Ni aucun autre SS. Ni leurs chiens, ni leurs fouets. Alors ne balance plus jamais ce genre de conneries, d'accord ?"

Sam a une passion le théâtre et le rêve de faire jouer Antigone au Liban par des acteurs de tous les camps, Palestiniens, Chiites, chrétien Libanais, Druzes, phalangistes.., il a trouvé le lieu qui servira de théâtre, sur la ligne de démarcation. L'Antigone de Anouilh pas celle de Sophocle, Antigone la petite maigre qui tient tête à Créon, un symbole de liberté. une résistante. Il a recruté tous les acteurs, préparé minutieusement la mise à scène mais il tombe gravement malade, un cancer du poumon qui s'est généralisé, il va mourir mais ne veut pas abandonner son rêve, il demande à Georges de continuer ce qu'il a commencé. Georges est surpris, hésite et accepte, il n'a pas la force de lui refuser ça.
Il partira au Liban pour quelques semaines, il essaiera de porter à bout de bras cette utopie, aller jusqu'au terme de cette histoire, mais la guerre n'est pas du théâtre...

Il y a aussi la façon dont chaque acteur s'attribue leur rôle, chacun reporte dans le personnage ses propres croyances, la plus émouvante est la Palestienne, la belle Imane qui devra interpréter Antigone. Georges en tombera même un peu amoureux.
Créon est un chrétien, il se veut le garant de l'ordre, il impose sa loi. Eurydice sera jouée par une Chiite, mais elle ne veut pas se suicider à la fin, sa religion lui interdit ce geste, il faudra que Georges trahisse le texte d'Anouilh pour lui faire adopter son rôle. L'Arménienne sera Ismène. Hémon est Druze.

C'est une plongée bouleversante dans la folie des hommes. Je n'ai jamais lu des pages aussi fortes. Les pages décrivant la tuerie de Chatila sont terribles. La folie des hommes contaminera Georges, il sera lui aussi poussé à la folie.

J'ai aussi beaucoup aimé le personnage de Marwan le chauffeur de taxi Druze.

Je ne peux pas penser qu'il vaut mieux vivre une guerre plutôt qu'une autre, la guerre est tellement laide, mais je n'ai pas pu m'empêcher de dire "Au moins en Algérie, il n'y avait que deux camps, la France contre le FLN, on savait qui était en face." Au Liban c'est presque impossible, les alliances se font et se défont, les snippers sont au coin des rues.

J'ai une belle sœur qui est chrétienne libanaise, hier je l'ai appelée pour lui demander la date exacte de son arrivée en France, en 1976 pour suivre ses études en fac de pharmacie, elle ne pouvait pas étudier sérieusement au Liban, la situation était trop tendue. Le Liban est en guerre depuis presque 40 ans. Ce pays est fait d'alliances, il est aussi un refuge pour les émigrés qui fuient les conflits, leur grand problème en ce moment est l'arrivée des Syriens. Trop de communautés, comment arriver à s'entendre?

Lisez ce livre sublime, il vous bouleversera, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que Sorj Chalandon avait écrit une partie de sa propre histoire, il est Georges jusqu'à un certain moment où la fiction prend le relais. Je n'arrivais pas à m'endormir hier soir, ce livre me hantait.
Jusqu'à aujourd'hui mon livre préféré de l'année 2013 était "La cuisinière d'Himmler" "Le quatrième mur" est venu le concurrencer.
J'ai un autre de ses bouquins qui attend "La promesse" mais avant je vais lire quelque chose de plus léger "Journal intime d'un arbre" de Didier Van Cauwelaert, en poche.


Bye MClaire.

dimanche 17 novembre 2013

"La grâce des brigands" Véronique Ovaldé.


N'ayons pas peur d'être enthousiaste, ce roman est une pure merveille.

J'avais beaucoup, beaucoup aimé "Ce que je sais de Véra Candida", j'ai autant aimé celui-ci.
L'univers de V.Ovaldé me fait penser à celui de Carole Martinez (Le cœur cousu). La même imagination, la même poésie, la même envie de nous faire découvrir des femmes libres qui se débarrassent des chaînes de l'enfance, de parents étouffants.

Maria-Christina est la fille d'un couple mal assorti, ils semblent s'être mariés par ennui, le père imprimeur analphabète, un comble. Il est parti un jour de sa Laponie pour découvrir le monde, il voulait aller à Vancouver, il ne savait pas lire et s'est trompé de train, il est descendu à Lapérouse, un village construit sur la rive de l'Omoko ce fleuve est imaginaire. Un village qui porte très mal son nom, Lapèrouse ce navigateur aux multiples aventures, dans ce bourg il ne se passe rien, Maria-Christina et sa sœur mènent une vie austère, la mère est un peu foldingue, complètement obsédée par le Mal qui pourrait arriver à ses filles, le sexe est maudit, l'alcool interdit, le moindre goût du luxe est péché, on ne prononce jamais le mot Amour dans cette famille sauf en ce qui concerne le Seigneur. Marguerite Richaumont fait partie de l'Eglise de la Rédemption Lumineuse, une vraie dérive mystique. Tout acte d'amour est l'œuvre du Malin, le soir elle attache les mains de ses filles pour qu'elles ne se masturbent pas, sa hantise. M.Christina étouffe.
Un jour arrive l'accident, elle veut montrer à sa sœur au printemps la sortie par milliers des serpents jarretières à flancs rouges, sa sœur a une peur panique des serpents en reculant elle tombera dans un ravin et finira sa chute sur une pierre. Traumatisme crânien etc.. Elle restera toute sa vie une petite fille de 14 ans. M.Christina portera à jamais la culpabilité de l'accident.

Elle est douée pour les études et demandera une bourse avec l'accord du père qui se tait devant les divagations de sa femme mais qui comprend qu'elle veuille partir, elle ira donc à Los Angeles poursuivre ses études et là connaîtra tous les excès de cette ville, une ville dans un paysage de stuc. Elle adorait lire, se réfugiait dans la lecture pour fuir les crises mystiques de sa mère et adorerait écrire un roman, ce qu'elle fait sous la protection d'un écrivain qui rêve du Nobel, Rafael Claramunt a été un grand écrivain, mais il s'essouffle, consomme trop de drogue, il lui fera découvrir l'amour charnel a 17 ans et lui fera publier son premier bouquin "La vilaine sœur" livre où elle règle ses comptes avec sa famille et qui aura un immense succès. Un coup de téléphone viendra bouleverser sa vie, elle retournera sur les lieux de son enfance et reverra sa mère après tant d'années d'absence, une mère toujours aussi hystérique... la suite vous la découvrirez tout seul, si vous aimez lire vous devez l'acheter.

"Joanne lui demanda tout de suite, Mais tu veux faire quoi dans la vie toi ? et Maria Cristina répondit, Je veux écrire, et Joanne dit, Des poèmes, des chansons ? et Maria Cristina dit, Des romans, je veux écrire des histoires, je veux écrire des livres et Joanne dit, Tu ne peux pas écrire des livres, il ne t'est encore rien arrivé."

Je ne peux pas ouvrir un chapitre "Ce que je n'ai pas aimé" J'ai tout aimé.

J'ai aimé la narration, en lisant nous avons l'impression qu'elle nous raconte une fable, le langage imagé, toujours à la frontière de l'étrange, c'est très dense mais jamais barbant, l'écriture particulière de V.Ovaldé. Il y a de l'humour,  une étude acérée de notre société, des réflexions sur la célébrité, le snobisme des gens qui se pensent célèbres, elle étudie très bien chaque personnage de son livre, ils sont tous attachants à leur façon.
Il y aura des imposteurs, un imposteur "La grâce des brigands.", elle arrivera à se débarrasser de ces brigands qui ont pollué sa vie. L'émancipation féminine est un sujet récurrent chez cette auteure.

« Tu sais que ta notoriété a dépassé le stade de ta corporation à la façon dont ta présence exalte les gens et les contraint à garder un air parfaitement normal et blasé quand ils te parlent. C’est ça la vraie célébrité : elle se mesure à l’effort que produit chacun pour garder un air morose en ta présence tout en étant absolument électrisé ».

Les 50 dernières pages sont les plus émouvantes, la découverte de l'enfant qui viendra bouleverser sa vie, ce n'est pas le sien mais elle l'aimera très fort jusqu'à la fin...
Il faut toujours se méfier des gens qui disent "je ne veux pas d'enfant", ce sont les premiers à être bouleversés par l'arrivée d'un enfant dans leur vie, sans doute parce que justement ils pensaient être insensibles et se retrouvent surpris de sentir leur cœur battre très vite à la vue d'un petit être qui va chambouler toute leur vie bien ordonnée, ils se défendent et succombent, c'est ce qui arrivera à M.Christina.

Le dénouement du livre est surprenant mais reste plein d'espoir, j'aimerais bien que l'auteure écrive la suite, la vie du petit garçon Peeleete. V.Ovaldé a un sacré talent, il faut absolument se laisser embarquer dans ce récit, pour moi c'est un grand coup de cœur. 
 Véronique Ovaldé.
  Bye MClaire.



.


samedi 9 novembre 2013

Douglas Kennedy "Cinq jours"

Après une petite marche jusqu'au golfe sous un très agréable soleil d'automne, je m'installe devant mon ordi pour écrire une gazette, donner mes impressions sur le dernier Kennedy "Cinq jours".

Je lis toujours les bouquins de Kennedy en étant presque certaine qu'ils ne me décevront pas, il sait captiver le lecteur, il y a des livres que j'ai beaucoup aimés, d'autres un peu moins, mais je n'ai jamais reposé le roman en décidant de ne pas aller jusqu'à la fin.


Pour celui-ci mes sentiments sont partagés, j'ai aimé parce que l'histoire est toujours agréable à lire, j'ai moins aimé certains passages, un peu trop fleur bleue à mon avis. Si vous voulez de l'action ce n'est pas celui là qu'il faut acheter, rien à voir avec "L'homme qui voulait vivre sa vie." ou "Les désarrois de Ned Allen.".

Kennedy analyse la vie conjugale à la loupe, j'ai eu l'impression que c'était du vécu, un mariage qui s'étiole, morne, Laura n'en peut plus de sa vie rythmée par son travail, ses deux grands enfants qu'elle adore mais qui prennent leur envol, un mari licencié qui ne retrouve pas de travail et qui devient de plus en plus irascible. Elle est technicienne en radiologie, elle fait des scanners à longueur de journée, découvre des cancers ou pas, elle est de plus en plus perturbée par ces malades qui attendent une bonne nouvelle ou pas. Elle avait réussi à se forger une solide carapace devant le malheur et la carapace se fendille, preuve de son mal-être, les larmes au bord des paupières lorsqu'elle sait que le médecin devra annoncer le pire aux parents d'un enfant ou à une famille.
J'ai appris qu'un médecin ne viendra jamais vous voir après un scanner qui révèle une tumeur, s'il vient vous parler c'est que les résultats ne sont pas inquiétants, en principe. C'est vrai, je m'en souviens, ils ne veulent pas que nous leur posions des questions auxquelles ils ne pourraient pas répondre franchement, ils laissent ça aux médecins traitants ou aux médecins du service dans lequel vous êtes transportée et le médecin du service laisse ça au chirurgien qui viendra vous dire d'un seul coup "C'est un cancer", il le fait parce qu'il a bien compris que vous pouviez recevoir la nouvelle sans broncher, vous aviez deviné, vous faisiez face, vous étiez prête à entendre. Dans le livre ça donne lieu à de très beaux passages, assez émouvants, surtout dans le dernier chapitre.

Une bouffée d'oxygène pour Laura, on lui propose un week-end à Boston pour assister à un congrès de radiologie, elle accepte, heureuse de laisser derrière elle pendant quelques jours son mari et leurs soucis financiers. Le congrès se passe dans un hôtel sans charme et à l'accueil elle entame une conversation avec un homme disons banal physiquement mais qui sait parler, cette rencontre va bouleverser sa vie, les deux héros de ce bouquin se découvrent plein de points communs, surtout littéraires et plus puisqu'il y aura des affinités, cinq jours hors du temps. Chacun se laisse aller à des confidences, ils se racontent leur vie et découvrent qu'ils sont faits l'un pour l'autre...Ils vivent tous les deux dans le Maine, cet état magnifique mais où les commérages vont bon train, tout se sait. L'Amérique puritaine est bien décrite.

Je vais commencer par ce que je n'ai pas aimé :

Les chapitres où ils sont amoureux, un amour tout neuf qui m'a fait penser à la découverte des sentiments amoureux lorsque nous sommes ados, c'est un peu cucu dans la bouche de ces gens qui ont plus de 40 ans. Les citations littéraires à tout instant surtout lorsqu'ils sont dans leur chambre d'hôtel, ce n'était peut être pas tout à fait le moment. Là les dialogues étaient, oui comment dire, dignes des livres de Barbara Cartland ou de la collection Arlequin.
Finalement je me demandais si ce Richard était vraiment fait pour elle, il manquait un peu de fantaisie, trop englué dans ses propres problèmes familiaux. Richard est vendeur de contrats d'assurances, je n'ai rien contre les assureurs mais ce n'est certainement pas un métier qui vous permet d'être fantaisiste tous les jours, les clients seraient surpris, et comble de malchance son fils est interné en psychiatrie, il est bipolaire, il cumule les malheurs. Je préférais le commerçant qui vendait des couleurs pour les peintres, bien plus bohème, plus apte à la rendre heureuse à mon avis. Elle aurait parlé littérature, lui de peinture, cela aurait été moins lassant, ils se seraient enrichis mutuellement, mais peut être que..... Je ne vais pas tout raconter.

Ce que j'ai aimé :

L'histoire dans son ensemble, j'ai lu à tous les moments de la journée, 364 pages, c'est un signe. Je ne me suis pas ennuyée, c'est bien ce que l'on demande à un bouquin et ça fait du bien de temps en temps de lire un livre qui ne demande pas trop de concentration.
J'ai aimé cette femme qui finalement prendra la responsabilité de briser son couple pour vivre plus sereinement, loin d'un mari qui ne sait pas lui prouver son affection, un peu goujat, avec qui elle ne partage rien. Elle a à un peu plus de 40 ans, c'est maintenant ou jamais, elle le fera malgré toutes les conséquences. Elle a décidé de ne plus s'enliser dans cette vie qui ne lui convient plus, il lui faudra du courage. Pas facile de tout abandonner, mais il doit arriver un moment dans ces situations où il faut penser à soi avant qu'il ne soit trop tard. Cela nous fait apprécier d'autant plus une vie heureuse, un mari attentif, il va lire ma gazette j'en suis certaine, qu'est-ce qu'il va être heureux !
Il y a juste une chose qui m'énerve, il me contrarie lorsque j'indique le chemin à quelqu'un, il interrompt la conversation en disant "Attention, ma femme confond sa droite et sa gauche". Comme je parle beaucoup avec les mains, la personne avait bien dû comprendre non ?

Puisque nous jouons au scrabble c'est que nous aimons les mots et dans le bouquin, les mots rares ne manquent pas, normal puisque les héros aiment les mots. Je ne pense pas que nous pourrons les poser sur une grille, exemple : amphigourique, se dit du style d'un écrivain embrouillé et obscur.

Encore une fois, je ne sais pas si je dois vous recommander ce bouquin qui se lit avec plaisir mais qui est quelquefois décevant, ce n'est pas le meilleur Kennedy, ni le plus bouleversant comme le dit la quatrième de couverture. Lisez-le si l'occasion se présente. Il ne sera pas inoubliable, ce n'est pas non plus tout à fait un roman de gare, il y a de très bons passages.
Le livre de Kennedy que j'ai adoré "Au-delà des pyramides." Un récit de voyage, du grand Kennedy. Si vous avez l'occasion de le lire, foncez.

J'aime bien cette photo, ce n'est pas chez moi. Je pourrais faire la même, des piles de livres et un café brûlant.


Du coup je n'ai pas encore lu celui de Véronique Ovaldé, je vais m'y mettre, plus tard j'achèterai celui de Lionel Duroy "Vertiges.".  Bye MClaire.



vendredi 1 novembre 2013

"Les nymphéas noirs" Michel Bussi.


La pluie, la pluie, il fait sombre, le vent recommence à souffler, pour oublier tout ça il faut se plonger dans un livre, j'ai pu finir "Les nymphéas noirs." pelotonnée dans mon fauteuil. Lorsqu'il fait soleil, ce fauteuil est bien placé, il est inondé de lumière.
J'ai fini ce bouquin, livre papier pas sur une tablette électronique. Je vous dis ça parce qu'hier soir j'ai regardé le reportage sur la 2, la mort des librairies, elles ferment les unes après les autres, à cause de la liseuse mais aussi d'Amazon.
Je suis certaine que je ne pourrais pas lire un roman sur une liseuse, j'aime trop le toucher, l'odeur du papier, c'est comme si vous alliez acheter une baguette sur votre tablette et que vous fassiez semblant de la manger, vous auriez toujours faim, là c'est pareil, j'aurais l'impression de ne pas avoir lu le vrai bouquin, un fac-similé, j'aurais toujours faim.

Il y a des libraires qui font preuve d'imagination pour maintenir leur boutique ouverte, installer un salon de thé ou un restaurant qui compose des plats à base de recettes des livres de cuisine vendus. Évidemment, nous ne pouvons pas empêcher la société d'évoluer, de changer, mais c'est triste de voir une librairie disparaître, on ne tient pas une librairie par accident, ce n'est pas un métier comme un autre, il faut beaucoup aimer les livres, faire partager sa passion, connaître les auteurs, c'est un beau métier.


«Trois femmes vivaient dans un village. La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste. Elles possédaient pourtant un point commun, un secret en quelque sorte : toutes les trois rêvaient de fuir… »
Ce livre commence comme un conte.

J'avais lu "Un avion sans elle" de Michel Bussi, j'avais beaucoup aimé. Autant le dire tout de suite, j'ai bien aimé "Les nymphéas noirs" mais pas autant, lorsqu'un bouquin me passionne, je lis sans arrêt, la moindre petite minute disponible et je lis une page, là non j'ai lu tranquillement, avec intérêt mais sans passion.
Ce livre est un hommage à Monet, à Giverny où a vécu le peintre, niché dans un méandre de la Seine, tout petit village qui est très visité chaque année par des touristes du monde entier. Il y a la maison de Monet, le jardin de Monet et dans le roman il y a des meurtres. Une vieille femme très inquiétante qui épie à longueur de journée ce qu'il se passe dans les deux rues de ce village, elle habite un moulin 'Le moulin de la sorcière".
Il y a Fanette, Vincent, Paul, Mary, Camille, les élèves de la très belle institutrice Stéphanie qui est mariée à Jacques. Pour élucider le premier meurtre arrive un bel inspecteur et son adjoint. Laurenç Séverac l'inspecteur tombera amoureux de Stéphanie, l'instit qui a des yeux de la couleur des nymphéas, mais....
Fanette a un don, elle a 11 ans et peint admirablement bien, elle a du talent, James un américain peint aussi avec elle, lui donne des conseils, mais un jour James est assassiné, meurtre mystérieux, Fanette et sa maman ne retrouve pas le cadavre sur le lieu du crime, est-ce que Fanette a inventé James?
Quels liens entre cette vieille femme et les autres? Il y a aussi un chien Neptune qui traîne toute la journée dans le village, le chien de la vieille dame, il sait tout Neptune mais il ne peut pas parler.
 

Bien sûr les peintures de Monet sont très présentes, surtout les nymphéas peints à longueur de vie, 272 tableaux des nymphéas peints par Monet, un seul tableau s'est vendu 25 millions de livres dernièrement. Est-ce qu'il y aurait un tableau non répertorié ? Est-ce qu'il existerait quelque part un tableau "Nymphéas noirs."? La rumeur dit que des toiles seraient toujours cachées dans la maison de Monet, mais ce n'est qu'une rumeur.

Michel Bussi a su décrire Giverny, à la manière d'un peintre, par petites touches. L'épilogue du bouquin est surprenant, mais en même temps j'avais un peu deviné, je savais qui avait tué, cela n'a pas été une surprise pour moi, la surprise vient de l'explication de la vieille dame. Si nous sommes un peu attentives lorsque nous lisons les prénoms des enfants il y a un lien avec des peintres célèbres.
J'ai toujours eu envie d'aller à Giverny, ça ne s'est jamais fait, pour quelle raison? Alors est-ce qu'après avoir lu ce livre mon envie est encore plus forte? Je ne crois pas. J'irai sans aucun doute, un jour. J'irai aussi au musée de Vernon. Michel Bussi décrit tous ces cars de touristes qui déferlent sur Giverny, les queues interminables pour entrer dans la maison, il faudrait savoir quel jour est le plus approprié pour visiter sans cette foule. Pour la saison hélas! le choix n'est pas trop étendu si nous voulons voir le jardin dans toute sa splendeur cela doit être le printemps et l'automne. Je crois. En octobre j'aimerais bien, lorsque la pluie fait revivre la nature, que le feuillage flamboie et surtout que la queue pour visiter s'amenuise. En visitant la cuisine on peut même imaginer l'odeur des confitures, c'est ce qu'il se passait lorsque je visitais Nohant tout près de La Châtre, la cuisine de George Sand. J'aime ces grandes cuisines où les cuivres brillent sur les murs.

Une citation :
"Ce que je tiens tant à retrouver, c’est un carton, un simple carton de la taille d’une boîte à chaussures, rempli de vieilles photos. Vous voyez, ce n’est guère original. Il parait que maintenant, j’au lu ça, toute une vie de photos peut tenir dans une clé USB de la taille d’un briquet. Moi, en attendant, je cherche ma boîte à chaussures. Vous, à plus de quatre-vingts ans, vous chercherez dans votre fourbi un minuscule briquet. Bon courage. Ça doit être le progrès."

J'aime beaucoup la peinture des impressionnistes, c'est celle que je préfère, si j'étais Liliane Bettencourt il y aurait des Monet pendus chez moi, c'est certain, mais je ne suis pas Liliane, je n'ai pas 400 millions de revenus chaque année, je dois me contenter de regarder ceux qui sont suspendus dans les musées.

Je me répète, j'ai bien aimé ce bouquin qui décrit des destins croisés, vous aimerez encore plus si vous aimez les polars, ma retenue vient sans doute du fait que je n'aime pas beaucoup les polars, j'en lis très peu, Michel Bussi a écrit un polar mais aussi un livre sur Monet, ce n'est pas tout à fait un policier, c'est sans doute pour ça que je suis allée jusqu'à la fin sans ennui. Je crois que pour aimer, il faut accepter de rentrer dans l'imaginaire du romancier.
Il est vendu en poche.

Je vais attaquer celui de Véronique Ovaldé "La grâce des brigands.". Bye MClaire.

vendredi 25 octobre 2013

"Les évaporés" de Thomas B.Reverdy.


 
Ce bouquin est un prêt de Michèle, je n'aurais sans doute pas eu l'idée de l'acheter. Il vient de sortir et je n'avais rien lu des critiques. Si je l'avais vu en librairie, j'aurais lu la quatrième de couverture,  je l'aurais reposé, pas inspirée du tout et j'aurais eu tort.

Encore une fois, comme pour celui de Nancy Huston, on peut ne pas aimer du tout, personnellement j'ai beaucoup aimé parce que j'ai voyagé dans un pays inconnu et qui nous est tellement étranger le Japon.
Lorsque j'avais quinze ou seize ans je rêvais d'aller dans ce pays, il y avait une raison, un feuilleton passait à la télé et je trouvais le héros qui était japonais terriblement séduisant, évidemment, en dehors de Christian que je connaissais déjà! Les temps changent, je trouve George Clooney terriblement séduisant dans la pub Nespresso  et je n'ai pas envie d'aller à Hollywood, c'est l'âge ma bonne dame !

Revenons à nos moutons. Ce roman est la quête d'un homme disparu, un évaporé, un johatsu, c'est comme ça qu'on appelle les gens qui disparaissent volontairement au Japon. Personne ne les recherche, ils n'ont pas commis de crime, et pour la famille c'est un tel déshonneur qu'elle préfère ne pas savoir.
L'histoire se déroule après le tsunami, après Fukushima, dans un Japon en crise.  Kaze le chef de famille se fait licencier brusquement, sans aucune raison en apparence, il veut savoir pourquoi et pendant le mois qui lui reste à travailler cherche ce qui a pu occasionner ce licenciement, il finit par trouver les malversations au sein de son entreprise, il était cadre et avait accès à certains dossiers, son directeur pensait qu'il avait deviné, il fallait l'éjecter de son fauteuil. Kaze décide donc de s'évaporer parce qu'il sait qu'il est menacé par la mafia locale, les yakuzas omniprésents au Japon, les politiques font preuve d'une grande inertie. Kaze veut se protéger et protéger sa femme. Il veut fuir une réalité qui le bouscule, suivre un chemin qu'il n'aurait jamais pu prendre sans ce licenciement, vivre de peu, caché.

Sa fille Yukiko vit aux Etats-Unis, elle fait appel à son ancien amant Richard B. qui est détective pour l'accompagner au Japon et retrouver son père. Richard est toujours très amoureux de Yukiko, il partira avec elle et découvrira un pays surprenant qui lui fera comprendre pourquoi Yukiko l'a quitté. La disparition de son père permettra t'elle à Yukiko de renouer avec sa famille, avec son pays?

J'ai beaucoup aimé le personnage de l'enfant Akainu qui pense avoir perdu ses parents dans le tsunami, je trouve que les plus belles pages du livre sont celles où il apparaît.
 
Nous irons dans des quartiers très pauvres où règnent la mafia qui fait la pluie et le beau temps, nous irons jusqu'aux côtes ravagées par le tsunami où travaillent des hommes qui déblaient les monceaux de ruines sans être vraiment protégés des radiations de la centrale nucléaire, là où une économie parallèle s'est mise en place, là où la corruption règne.
Le Japon n'est plus ce qu'il était, triomphant, il change, la jeunesse veut imiter l'Occident, malheureusement. Ce pays est englué dans la corruption, mais ne jugeons pas, il n'est pas le seul.
Le comportement des japonais peut être une énigme pour nous occidentaux.

Thomas Reverdy a vécu quelques mois au Japon, il a voulu s'imprégner des coutumes de ce pays mais cela ne l'empêche pas de céder aux clichés, la geisha, les yakuzas, toutes les images que l'on connait de ce pays. Il y a des pages magnifiques qui font oublier les clichés, elles sont puissantes, bien écrites. Des pages cauchemardesques lorsque nous voyons tous ces fantômes qui rôdent autour de Fukushima, tous les laissés- pour- compte de cette société.

Ce bouquin est aussi celui de la renaissance de ses héros, Akainu aidé par Kaze partira à la recherche de ses parents,  Yukiko restera dans son pays, Kaze essaiera de retrouver une autre vie,  Richard repartira seul mais tous les espoirs ne sont pas perdus.
"Après tout, on n'est pas obligé de savoir comment ça finit." Oui c'est vrai, nous n'avons jamais le contrôle de notre vie. Certains des lecteurs de ce livre ont peut être aussi eu envie de prendre la fuite un jour..

J'ai beaucoup aimé, je ne dis pas que je suis subjuguée comme après avoir lu certains bouquins, mais j'ai appris à connaître un pays, je ne me suis pas ennuyée en lisant, pas du tout. Pour l'instant c'est toujours "La cuisinière d'Himmler" qui reste le livre inoubliable de l'année 2013.

Nous prenons conscience que la vie n'est pas que cette vie de consommation, ce besoin effréné de posséder, il y a eu l'après Fukushima.. Décidément en ce moment je réfléchis beaucoup sur le fait de consommer, je regardais hier soir "Complément d'enquête" sur la 2, le bonheur sans posséder, je suis d'accord sur le fait de ne rien posséder, il va falloir que je réfléchisse encore sur le fait de consommer. On peut être heureux autrement.

"Tu es une Japonaise de la douceur de vivre et de la délicatesse, comme moi je suis un Américain des grands espaces et de la pêche à la truite. Nos pays n'existent plus."

"La misère est une denrée renouvelable."

"Les hommes ici se conduisent comme des cons, mais ce sont aussi des pauvres types qui travaillent comme des dingues pour ramener un argent dont ils ne profitent pas. De leur côté, les nanas sont des potiches bafoues, mais elles règnent sur la maison, elles se vengent à leur façons, c’est elles qui donnent à leurs maris, tous les matins, l’argent liquide dont ils ont besoin, y compris celui qu’il va dépenser, le soir, avec des filles. C’est la névrose à tous les étages."

"Un johatsu dans une maison, c'est comme un suicide. Vous ne la relouez pas si facilement. Les gens du quartier le savent. Ce n'est pas comme une maison hantée, mais il y a un peu de ça : Le malheur porte malheur."

Bye MClaire.





vendredi 18 octobre 2013

Danse noire de Nancy Huston.


 
-Eh ben, tu vois Milo, de façon générale les gens ne veulent pas qu'on leur dise la vérité, ils veulent qu'on les rassure. Souvent, si tu leur dis la vérité, ils se mettront en colère et te le feront payer.

En général je n'achète pas les bouquins recommandés, je me fie à mon instinct et je me trompe rarement, un espèce de flair pour le livre qui me plaira. Je ne dis pas que je ne me suis jamais trompée, il est arrivé que je ne finisse pas un livre ou que je pousse un soupir de soulagement à la dernière page, mais c'est rare.
Cela faisait deux fois que Nicole de Douarnenez me disait "Lis danse noire, c'est extraordinaire.", je suis donc allée à la Fnac acheter "Danse noire" édité chez Actes Sud, j'aime bien la présentation des bouquins chez cet éditeur. Premier point positif.
Roman-film ou film-roman, comment décrire ce livre? J'étais très déstabilisée en lisant les premières pages de cette auteure canadienne que je ne connaissais pas du tout. J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'histoire pendant une vingtaine de pages;
Déjà l'écriture n'est pas ordinaire, la narration se fait souvent en anglais, traduction en bas de page dans un "parler" français mâtiné de québécois, il faut prendre la cadence, ne pas se laisser détourner de l'histoire. Cela m'a tout de même permis de constater que finalement j'arrivais encore à lire l'anglais, pas tout mais dans l'ensemble, j'allais tout de même voir la traduction, faut pas pousser, merci aussi à Facebook, les jeunes utilisent beaucoup l'anglais, ça peut nous faire des leçons de perfectionnement !

Au bout de vingt pages, j'ai commencé à prendre goût à la lecture de ce bouquin, je me suis laissée embarquer dans l'histoire et j'ai aimé ce roman-film.
Milo se meurt à l'hôpital, atteint du sida. Son ami, compagnon, amant depuis 20 ans, metteur en scène, veut écrire avec lui pour la dernière fois, l'histoire mouvementée de la vie de Milo au rythme de la capoeira. Milo est une enfant abandonné, sa mère prostituée indienne l'a eu avec Declan, fils d'un exilé irlandais, réfugié au Québec après les combats du Sinn Fee en 1916, Neil le père est avocat mais rêve de devenir un grand écrivain, son rêve ne se réalisera jamais puisqu'il épouse Marie-Jeanne, fille d'un fermier qui lui donnera 13 enfants dont Declan.

La jeunesse de Milo, et c'est là que le livre est le plus poignant, se déroulera dans des familles d'accueil, dans des placards noirs, jusqu'à ce que son grand-père Neil le retrouve et l'amène chez lui. Marie-Jeanne est morte après avoir mis au monde son treizième enfant et c'est M.Thérèse sa fille qui dirige la maisonnée d'une main de fer, sans sentiments,  la vie est dure.
Neil le grand-père aimera beaucoup ce petit-fils qu'il devine brillant, l'enfant aussi s'attachera à ce grand-père qui lui fait partager ses lectures. Jusqu'au jour où Milo s'échappera de cette famille rustre en laissant Neil. Le plus grand chagrin de Milo, la mort de son chien Oscar, le chien l'aimait tant qu'il s'est laissé mourir de chagrin lorsque Milo est parti en pension. Milo est beau, très beau, des sangs mêlés, indien, irlandais, français.

"Dans la classe de Milo, à l'école, une fille lui sourit et lui lance des regards en biais [...] Il lève les yeux vers elle, un sourire géant sur le visage. (Tu n'as jamais eu besoin de poursuivre les femmes, Milo. Toujours ce sont elles qui t'ont poursuivi. Cela a dû contribuer à ton don exceptionnel pour l'inertie…)"
Neil ne deviendra jamais écrivain, il vivra presque toute sa vie au milieu de cette douzaine d'enfants morveux et qui gigotent, non désirés par lui. Une vie ratée, illuminée un instant par la présence de Milo.

Milo aura une vie mouvementée, amoureux tour à tour de filles et de Paul le metteur en scène, amoureux du Brésil où il pense retrouver des racines au rythme de cette danse issue de l'esclavage des noirs, la capoeira. Chaque chapitre du livre porte un thème de la danse,
Trois destins différents se révèlent dans le roman à des périodes différentes. Ce sont aussi les arrêts sur image qui rythment le bouquin, comme dans un film.

J'ai aussi aimé les passages où les québécois parlent de leurs ennemis depuis toujours les anglais. Si vous êtes allés au Québec vous n'avez certainement pas échappé aux discussions animées sur la domination anglaise et sur la prédominance de la langue anglaise. J'avais été étonnée de constater chez la copine de mon beau-frère autant de passion lorsqu'elle en parlait, elle refusait de répondre en anglais à une anglophone dans un hôtel, elle voulait l'obliger à parler français, nous avions assisté à la scène un peu interloqués, le comble, elle était prof d'anglais. Il y a donc les cultures diverses, la farouche indépendance de ce peuple.

C'est aussi le récit d'une histoire familiale.

Il y a de très beaux passages assez brefs sur l'exil. La mélancolie de l'exilé.

Mon résumé est sans doute un peu brouillon mais comment raconter l'élaboration d'un film, peut être d'un livre, le livre est dense, l'écriture peut déconcerter.
Vous ferez ce que vous voudrez, le lire ou pas, je n'ose pas vous dire de le lire absolument.
Ce livre est tellement original, il peut ne pas plaire à tout le monde.


 "Mai 1914 : Une réunion des Volontaires Irlandais, quelque part à Dublin. Voix d'hommes, crispées par l'urgence de la colère. Dans l'assistance, Neil Kerrigan."

"Septembre, lumière rasante, érables en feu, beauté soufflante du paysage québécois à  la brève saison automnale."

"Scène nocturne, éclairée par des flambeaux, sur le Torreiro de Jésus, ce grand square de la ville haute de Salvador de Bahia, bordé de cafés et de vieilles églises : de jeunes Noirs en pantalon blanc ont commencé une roda de rue et y attirent des passants."

Bye MClaire.






mercredi 9 octobre 2013

Le premier homme de Camus.


C'est vraiment un pur hasard, lire Khadra et Camus en suivant, deux écrivains nés en Algérie qui ne peuvent pas me laisser indifférente.


Albert Camus aurait eu 100 ans cette année, le 7 novembre, il aurait pu avoir 100 ans mais il est mort en 1960 dans un accident de voiture en laissant dans la carcasse broyée une sacoche avec un manuscrit inachevé qui est devenu un livre "Le premier homme". Il est édité en poche, je l'ai acheté. Une copine me disait que j'avais une sensibilité développée avec cette auteur à cause de nos origines communes, l'Algérie.
C'est sans doute vrai, même certainement vrai, mais il y a aussi l'écriture de Camus, cette façon d'écrire, très claire, je pense que n'importe quel lecteur peut lire ses bouquins, ce n'est jamais imperméable au grand nombre, il m'arrive quand même de relire un paragraphe pour mieux comprendre, on ne peut pas lire en diagonale si on veut bien assimiler ses romans. 
"Le premier homme" est un livre inabouti, autobiographique en grande partie, le manuscrit était annoté, nous avons un aperçu de la façon de travailler de l'écrivain, il y a tout de même une grande cohérence dans le roman, j'ai lu avec un grand intérêt la vie de ce gamin très pauvre qui allait devenir prix Nobel de littérature.
J'avais souvent les larmes au bord des yeux parce que toute mon enfance surgissait dans certains chapitres. La vie des petits-blancs d'Alger ressemblait beaucoup à la vie de la famille de ma mère, à celle de mon arrière grand-mère près de Médéa, et j'ai tout à coup compris que nous avions vécu sur une terre sans aïeux. Faire un arbre généalogique est impossible.
Mon père a vécu toute son enfance à Alger dans une cité populaire, moins pauvre que le quartier où vivait Camus, mais les rares souvenirs qu'il évoquait m'ont fait penser à ceux écrits par l'auteur, la rue, la plage avec ses nombreux frères (ils étaient 10 garçons et une fille chez mon père) Mon père racontait très peu, je ne sais presque rien de mes grands-parents.
"Oui, il avait vécu ainsi dans les jeux de la mer, du vent, de la rue, sous le poids de l'été et des lourdes pluies du bref hiver.."
J'ai aussi repensé à une photo, celle de mon père habillé en zouave pour aller faire la guerre dans un pays qu'il ne connaissait pas, cette photo était régulièrement affichée sur le mur et aussi régulièrement elle disparaissait, mon père l'aimait et ma mère ne l'aimait pas, elle le trouvait trop maigre et il avait des yeux immenses qui lui mangeaient le visage. J'entendais les réflexions à chaque fois que la photo disparaissait. Personne ne voulait céder.
"Beau costume rouge et bleu à culottes bouffantes du régiment des zouaves, suant sur la laine épaisse dans la chaleur de juillet, le canotier à la main, parce qu'il n'y avait ni chéchia, ni casque, après avoir quitté clandestinement le dépôt sous les voutes des quais, et couru pour venir embrasser ses enfants et sa femme, avant l'embarquement du soir pour la France qu'il n'avait jamais vue, sur la mer qui ne l'avait jamais porté.."
Le père de Camus partait faire la guerre de 14, j'imagine la même scène vécue par mes parents pour partir à la guerre en 40. Là encore pas de souvenirs, la guerre avait été une parenthèse dans sa vie, jamais je n'ai entendu mon père parler de ce qu'il avait vécu, les hommes racontent rarement la guerre, trop de souffrances physiques et psychiques.

La cuisson des beignets ronds qui rissolaient dans l'huile m'a fait venir l'eau à la bouche, j'adorais ces beignets arabes. Le départ des hirondelles à la fin de l'été, j'avais oublié.
Nous qui connaissions que le soleil brûlant et les brefs hivers, nous devions apprendre ou lire des textes où des enfants encapuchonnés, avec des grosses chaussures de neige, marchaient sur les chemins envahis par la neige, la cheminée fumait sur les images, mais chez nous pas de chauffage, seul un petit Mirus dispensait un peu de chaleur. Notre patrie était tellement loin, ça pouvait nous faire rêver. Les enfants riches partaient en vacances en Métropole, j'ai connu la France j'avais 16 ans à l'occasion de nos premières vacances, grande découverte, mais nous n'étions pas du tout malheureux, nous avions la mer chaude, la montagne, un ciel magnifique, nous étions les rois du monde.
Camus raconte ses baignades avec son oncle qui l'amenait au large, il se tenait à ses épaules et se laissait porter, j'ai en tête exactement la même scène avec un habitant d'Herbillon, Basile, j'avais 9 ans, je nageais toute la journée et lui m'amenait au loin, là où je n'avais pas le droit d'aller seule, je me retenais à lui et d'un seul coup je lui disais "J'ai peur, il faut retourner." Il me ramenait en riant.
Les siestes que nous étions obligés de faire, ma mère ne disait pas "A benidor." comme la grand-mère de Camus, l'espagnol était rarement parlé dans notre famille, des mots quelquefois, pour que les enfants ne comprennent pas.

J'ai appris que sur 600 colons envoyés, mon arrière grand-père paternel devait en faire partie puisque j'ai vu sur internet qu'une concession avait été donnée à Victor Crabos, il arrivait du Béarn, sur ces 600 colons 150 meurent sous les tentes. Le grand nombre d'orphelinats en Algérie tient à ça. La quinine était avalé comme une consommation courante, le paludisme faisait des ravages. Avant de devenir des terres cultivées il n'y avait souvent que des marais.
Le Maréchal Bugeaud mariait ces colons à Toulon à de vigoureuses fiancées pour les accompagner dans leur conquête de l'Algérie.

Le livre de Camus est presque entièrement consacré à la recherche du père, disparu alors qu'il n'avait qu'un an. Parti faire la guerre de 14 dans les tranchées, mort d'un éclat d'obus et enterré à St-Brieuc, Camus ira sur sa tombe à l'âge de 40 ans, là il prendra conscience de l'absence et surtout que son père était beaucoup plus jeune que lui lorsqu'il est mort. Un choc.
Tout au long du bouquin Camus se pose la question "Qui suis-je."
Un homme l'aidera à comprendre, son instituteur si important dans sa vie. Il le nommera lorsqu'il fera son discours à Stockholm, en recevant son prix Nobel.
Sa grand-mère si autoritaire est aussi très présente, mais rien ne dépassera l'amour qu'il a toujours porté à sa mère, en partie sourde, analphabète, il dira un jour :
 "J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice."
Il vénérait sa mère.
Il y avait chez cet homme une passion de vivre, je suis admirative devant son parcours de vie. Il y a certainement des zones d'ombre, comme chez tous les êtres humains, nul n'est parfait, mais quelle vie. Comment aurait-il vieilli ? J'ai toujours trouvé qu'il avait une "gueule" à faire du cinéma, un peu à la Humphrey Bogart.

Un livre profondément humain et qui nous amène à nous poser des questions sur nos racines, notre filiation, pour nous français d'Algérie les questions restent souvent sans réponses. Les dernières pages de ce bouquin sont magnifiques.

Si vous n'avez jamais lu Albert Camus, lisez ce livre, il devrait vous plaire, pour ceux qui n'ont jamais connu l'histoire de la colonisation, il peut être très instructif.
Chaque homme est "un premier homme."

Bye MClaire.




"