jeudi 5 décembre 2013

Le journal intime d'un arbre -Didier Van Cauwelaert.



Après "Le quatrième mur" il fallait absolument que je lise quelque chose de plus léger, j'ai même eu du mal à me remettre à lire. En général je ferme un bouquin et j'en ouvre un autre aussitôt, là non, je devais digérer le livre puissant de Sorj Chalandon.

J'aime beaucoup Didier Van Cauwelaert, c'est un de mes auteurs chouchous. Ce livre était en poche, je l'ai acheté, certaine de ne pas être déçue. Je l'ai lu lentement comme on suce un bonbon, il faut le déguster. Je ne suis pas d'accord avec Léon qui écrit un blog et qui me disait que lire Didier Van Cauwelaert était une récréation, sans doute léger comme un soda. Léon est un homme et je suis une femme, c'est toute la différence.

La lecture de ce livre peut vous faire porter un autre regard sur la nature lorsque vous êtes citadins, ce n'est pas mon cas, j'ai toujours respecté les plantes, les arbres, il m'arrive même de parler à mes fleurs, de les caresser lorsque j'arrose l'été, je les flatte. J'ai eu beaucoup de peine le mois dernier lorsque en ouvrant les volets j'ai vu le prunier cassé, il fallait le tronçonner et il me manque, il n'est plus là. Il y a deux chênes devant la maison et même s'ils sont encombrants, je ne peux pas imaginer de ne plus les voir. Je rouspète en automne lorsque leurs feuilles volent partout et pendant longtemps, les chênes sont en feuilles très tard dans la saison, j'entends le bruit des glands qui éclatent lorsque Christian passe la tondeuse, mais ils nourrissent les écureuils et les lapins. Un été les chenilles processionnaires les avaient attaqués, des gros nids, on peut imaginer qu'il souffraient d'urticaire comme nous, mais je ne les ai pas vus se tortiller sous l'effet des brûlures, nous avons vite fait ce qu'il fallait.

L'auteur a imaginé la vie d'un poirier tri-centenaire appelé Tristan, c'est donc Tristan qui raconte son histoire. Une histoire d'amour entre un vieux médecin qui le bichonne, lui parle, lui raconte ses chagrins, ses joies comme l'ont fait les autres propriétaires de la maison avant le docteur Lannes. Tristan a vu des amoureux s'étreindre sous ses branches, une sorcière brûlée avec son bois, des religieux pendus à ses branches sous la révolution, le fils du docteur Lannes sera abattu par les les allemands contre son tronc,  une petite fille qui a vécu l'inceste murée dans son silence viendra lui rendre visite la nuit, sculptera son écorce avant de devenir une artiste reconnue qui se fera appeler Tristane. 
Il résistera à la grande tempête du siècle mais chutera sous l'effet d'un simple coup de vent, laissant sa voisine Isolde qui est aussi un poirier, seule. Ceci juste au moment ou Yannis Karras allait le faire classer, un très beau jeune homme qui est en train de reconstituer toute l'histoire de Tristan.
Isolde sert à supporter l'antenne de la télé. Le docteur Lannes ne pouvait pas capter la télé
"Ce système qui remplace chez les humains la transmission de pensée."

Que deviendra Tristan lorsqu'il sera tronçonné? Continuera t-il à vivre? Tristane-Manon sculptera dans une de ses bûches une statuette qui lui permettra de voir encore l'humanité. Il est fatigué mais il a encore envie de ce contact avec les hommes, il aime les hommes qui se sont ressourcés en serrant son tronc, il donnait de l'énergie. Cet arbre n'est qu'amour, il veut que tous les gens qu'il connaît soient heureux.

"Le déstockage humain qui aura marqué la fin du XXIè siècle, en lieu et place du réchauffement climatique et de l’hiver nucléaire que prédisaient vos experts, n’est pas le Jugement dernier, mais c’est votre chance ultime. Car beaucoup d’entre vous, du coup, développent des gènes résistants à la dépression suicidaire. Ceux qui savent que le but de la présence sur terre, pour toutes les formes de vie, est l’accroissement de la connaissance à travers l’empathie, et que cette fonction ne peut s’accomplir dans la haine, l’aveuglement égoïste ou le désespoir.
Contre toute attente, la sélection naturelle qui est en train de s’opérer au sein de votre espèce est donc celle de l’amour, de l’intelligence et de la joie de vivre. »

J'ai tout aimé dans ce livre, la fin nous fait prendre conscience, si ce n'est déjà fait, que l'humanité ne peut pas vivre sans la nature, sans le pollen des fleurs et si la nature se rebiffait contre les hommes qui la détruisent? Il y a des petites anecdotes sur le fonctionnement de la nature qui sont vraiment intéressantes. Les arbres libèrent des hormones.
Ce bouquin est plein de poésie, d'amour, de philosophie, il y a certes quelques petits passages un peu moins intéressants mais quand même nous apprenons. En le refermant je pensais que si nous pouvions vivre tous en harmonie nous pourrions être heureux, Tristan donne une leçon de vie.

"Les arbres souffrent, et leurs maux ne sont pas toujours physiques. Il y a, chez eux, plus de souffrance morale que nous ne le soupçonnons, et ce sont les hommes, presque toujours, qui les contaminent, qui leur communiquent leur douleur. Car les hommes, si égoïstes dans leur joie, ont besoin de faire participer la nature toute entière aux malaises de leur coeur et de leur esprit."
"J'ai vu des arbres empoisonnés par des hommes qui vivaient dans leur voisinage. Ils dépérissaient lentement, comme si leur substance vitale s'épuisait."

François Mitterrand plantait inlassablement des arbres dans sa propriété de Latche, il adorait les chênes, Giono aimait les arbres.
Une peinture de Mondrian :


C'est un petit livre 184 pages. Tristan a été le passage entre les deux livres de Chalandon, je vais commencer "La promesse."

Bye MClaire.