dimanche 24 février 2019

"Changer l'eau des fleurs" Valérie Perrin.



J'avais lu "Les oubliés du dimanche" même auteure, beaucoup aimé, une gazette écrite ICI.

"Changer l'eau des fleurs" est bouleversant, j'ai souri, j'ai pleuré, j'ai aimé ce livre intensément, il parle d'amour mais il n'est jamais mièvre, jamais misérabiliste, l'auteure sait raconter des histoires.
Elle est scénariste, photographe, la femme de Claude Lelouch qui lui aussi a su nous passionner tout au long de sa carrière, j'ai adoré ses films. 

Ce sont des vies simples dans des histoires d'amour compliquées. Violette n'est pas née sous une bonne étoile, comme des centaines d'enfants, abandonnée, placée dans des familles d'accueil, Violette sait à peine lire, se débrouille comme elle peut, mignonne, elle ressemble à un garçon et surtout "ne jamais s'attacher" quelques aventures mais elle préfère l'amour dans les contes pour enfants, petite, personne ne lui racontait des histoires. Lorsque Philippe Toussaint fait irruption dans sa vie, son coeur fait boum, elle travaille dans une boîte où les autres dansent sur la piste, il est là, son regard s'est posé sur elle pour ne plus la lâcher.
Cette rencontre conditionnera toute sa vie, souvent pour le pire, rarement pour le meilleur. 
Ils seront les gardes-barrière, vivront dans la maisonnette, elle bossera, lui ira toujours faire un tour sur sa moto, il a compris qu'elle avait une peur bleue de l'abandon, qu'elle ne partirait jamais. Il lui a fait un enfant, il pouvait mener sa vie tranquillement. La petite fille s'appellera Léonine "Dés que Léo est arrivée dans ma vie, j'ai eu peur que l'on soit séparées, j'ai eu peur qu'elle m'abandonne. Et paradoxalement, j'ai eu envie qu'elle disparaisse, qu'elle revienne plus tard, quand je serais grande."

"Il n'y a rien de pire que de perdre un enfant."

J'allais oublier les parents Toussaint, imbuvables, surtout la mère.

Plus de barrières manuelles, elles deviennent automatiques, il faudra trouver du travail, une opportunité, le gardien du cimetière de Brancion-en-Chalon prend sa retraite, Violette posera sa candidature, elle sera celle qui le remplacera, Philippe Toussaint enfourchera sa moto de plus en plus souvent, jusqu'au jour où il ne rentrera pas, ne donnera plus de nouvelles.

La suite est à découvrir...

J'ai aimé :

Violette plus que tout, humaine, elle nous donne envie de nous attarder dans sa petite maison du cimetière où rien n'est triste, ses amis les fossoyeurs, les employés des Pompes Funèbres passent la voir, boivent un café, se racontent des histoires, le curé de la paroisse aussi. Elle est la confidente des visiteurs du cimetière, note tout dans un cahier, change l'eau des fleurs, cultive son jardin. Nous pensons tout connaître de Violette, non, une autre histoire surgit.
La fin n'est pas triste.

Je n'aime pas les cimetières mais j'ai aimé celui de Violette, plein de poésie, d'amours cachés,  de visiteurs surpris.
J'ai regretté de lire la dernière page, un très beau roman.

J'écris que je n'aime pas les cimetières mais j'ai beaucoup aimé accompagner mon arrière grand-mère jusqu'au cimetière de Berrouaghia en Algérie, pour changer l'eau des fleurs, là où se trouvait le caveau de notre famille, petite je récupérais les perles sur les gerbes pour en faire des colliers, je sautais de tombe en tombe, rien n'était triste, le ciel était bleu, il faisait bon sous les cyprès. Un cimetière qui a disparu, un supermarché à sa place, j'ai lu un reportage sur Match il y a quelques années en souhaitant que jamais ma mère le sache, sa mère avait été enterrée là à l'âge de 34 ans..Elle l'a appris. Violette aurait su la consoler, l'écouter.

Ce livre doit être vendu en poche. Ne vous privez pas de sa lecture.

Bye MClaire.






dimanche 17 février 2019

"Naissance d'un Goncourt" Yann Queffélec.



Nous le voyons régulièrement au salon du livre de Vannes, j'entends la voix et je le reconnais. J'ai lu un certain nombre de livres écrits par Yann Queffèlec, j'avais écrit une gazette pour donner mon avis après avoir lu "Désirable" le dernier lu.
http://gazettemarieclaire.blogspot.com/2014/07/la.html


Je n'ai pas vraiment aimé "Naissance d'un Goncourt" pour des raisons bien précises. Y. Queffèlec ne finira jamais de régler ses comptes avec son père, cet écrivain maritime qui avait un immense talent et qui ne croyait pas en son fils, il fallait toujours prouver...Il a quand même 69 ans, à cet âge l'ombre des parents ne doit plus peser ou a t-il besoin de ce père pour trouver son inspiration? 
Dans ce livre il nous raconte sa rencontre avec Françoise Verny, grande figure de l'édition, forte personnalité, personnage rabelaisien. La rencontre se fait le soir d'une tempête, sur le quai du port de Belle-île-en-Mer, le voilier de l'auteur a des avaries, parti pour des terres lointaines, le voyage sera écourté. Françoise Verny est en vacances, se balade le soir sous la pluie, en le voyant prendre pied sur le quai, elle lui dira :
-Toi chéri, tu as une gueule d'écrivain.

De cette rencontre naîtra l'écrivain qui obtiendra le Goncourt 1985 en écrivant "Les noces barbares" (très beau livre).
L'auteur nous raconte tous les tourments d'un écrivain.

Yann Quéffelec nous raconte les années de son amitié avec F.Verny. Comment a t-il pu supporter une femme qui le traite de connard, lui balance de la nourriture à travers la table etc.?
Pour être édité? Elle adorait le whisky, en abusait, mais ce n'était pas une raison pour tout lui pardonner. Elle humiliait les gens consciente de son pouvoir, de son talent pour dénicher les bons écrivains. Elle lui disait :
"Ecoute, chéri, je lirai ton livre quand tu auras plaqué ta connasse, elle a un nez stupide, alors tu changes de femme ou elle change de nez."
A cette époque l'auteur était marié avec la pianiste Brigitte Engerer.

J'ai posé le bouquin avec l'intention de l'abandonner et un peu plus tard je l'ai rouvert pour lire quelques pages, celles où il raconte son voyage en Concorde, un voyage qui avait failli très mal finir.
Yann Queffélec a du vocabulaire, toutes ses émotions sont très bien décrites, très bien écrites. Il faut aussi lui reconnaître le sens de l'autodérision, mais cela n'a pas suffi à me faire aimer le livre. 
Je n'ai sans doute pas compris ses relations avec Françoise Verny, c'est possible. Il avait besoin de son avis, de ses critiques pour avancer? 

Bye MClaire.




samedi 9 février 2019

"ça raconte Sarah" Pauline Delabroy-Allard.



Ce livre est un prêt de Michelle "tu verras, c'est pas mal". Je ne l'aurais sans doute jamais acheté, je n'avais jamais entendu parler du bouquin, j'ai vu sur Internet qu'il avait été souvent cité pour les prix de l'automne 2018.

Une histoire de passion amoureuse dévastatrice entre deux femmes. Elle est professeure, a une petite fille, un compagnon. Sarah est musicienne, violoniste, fait partie d'un quatuor. Elles se rencontrent chez des amis le soir d'un réveillon.
"Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d'une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes...'
Le mot qui revient le plus souvent "vivante", elle est vivante, fantasque, n'a jamais eu d'aventure amoureuse avec une femme, mais ce soir là elle est exaltée, animée, passionnée.
L'autre est en état de latence, vit une relation où tous les jours se ressemblent "Je m'applique à vivre la vie. Je ne la vis pas vraiment. Mais je suis bonne élève."
A partir de ce soir là Sarah s'introduira dans la vie de l'autre, des lettres, quelques mots puis une invitation pour aller écouter un concert, voir un film, une pièce de théâtre, elles se voient de plus en plus jusqu'au jour où Sarah lui dit "Je crois que je suis amoureuse de toi."  Une tempête.
Je ne raconte plus rien...

Finalement, ce livre n'est pas vraiment un bouquin sur l'homosexualité de ces deux femmes, c'est surtout un roman qui raconte la passion qui détruit tout, que cela soit entre un homme et une femme ou entre deux êtres du même sexe.
Sarah dévore l'autre, une obsession, Sarah est le feu, l'autre finit par ne plus pouvoir vivre sans la violence de Sarah. La passion se termine souvent souvent très mal, comment vivre un amour tranquille après la passion? 
Les mots sont vibrants d'amour et se transforment au fur et à mesure de la lecture, Sarah ne veut plus aimer, Sarah est malade..L'autre souffre, l'autre veut fuir... Cela tourne presque à la folie. Le style d'écriture est très beau. 
J'ai aimé la première partie du livre qui ne nous laisse pas un moment de répit, la seconde partie est plus dérangeante, comment peut-on fuir l'être aimé, son teint cireux, son crâne entièrement chauve? Tout ça est contradictoire, lorsqu'on aime nous devons aider l'autre à ramasser ses cheveux dans une baignoire, se décider à lui raser la tête pour éviter de retrouver des poignées de cheveux sur un oreiller, ne pas la laisser seule face à la maladie qui détruit son corps.
La passion ne supporte sans doute pas les faiblesses d'un corps.
Comment peut-on laisser son enfant ?
La fin du roman se déroule à Trieste, la bora souffle, un vent qui peut vous faire chuter, l'autre ne bougera plus, allongée dans le lit de la chambre rose.. Et Sarah? 
Et il y a la musique omniprésente, je ne pouvais pas m'empêcher d'aller sur Youtube pour écouter les morceaux cités, la magie de la musique, elle magnifie le musicien.
"Dans le silence étourdissant. L'octuor de Mendelssohn et elle premier violon. Huit corps, trente-deux cordes, tout est immobile. Plus rien ne bouge. La vie est figée.ça va durer cent ans, comme dans les contes. Mais non. Son mouvement de menton et tout bouillonne. Elle est une flamme qui déferle, dans tout l'allegro"

Voilà, ce livre qui n'est pas parfait est avant tout le récit d'une passion dévastatrice, à vous de décider de le lire ou pas.

Bye MClaire.

















dimanche 3 février 2019

David Diop "Frère d'âme"



"Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé."
Proverbe peul.

Une histoire fabuleuse, éblouissante, émouvante, écrite avec des mots qui chantent. 
Je me suis assise dans mon canapé et je n'ai plus lâché le livre, lu en quelques heures. 174 pages, des gros caractères, une histoire dense et fascinante.

L'auteur nous transporte dans les tranchées de la Grande Guerre, des tirailleurs sénégalais et parmi eux Alfa Ndiaye et Mademba Diop, amis depuis toujours.
Lorsque le capitaine Armand siffle, les deux amis se précipitent hors de la tranchée, Mademba le premier, il veut prouver qu'il est courageux, le capitaine ne manque pas de mots pour qu'ils s'élancent, ce sont des grands guerriers "ils rivalisent entre eux de folie."
Mademba sera touché, le fusil dans la main gauche et le coupe-coupe dans la main droite. Il suppliera son ami de l'achever, lui qui a les tripes dehors, Alfa le laissera hurler jusqu'à son dernier râle :
"Quand tu es mort, les mains enfin immobiles, enfin apaisé, enfin sauvé de la sale souffrance par ton dernier souffle, j'ai seulement pensé que je n'aurais pas dû attendre. J'ai compris trop tard d'un souffle que j'aurais dû t'égorger dès que tu me l'as demandé, alors que tu avais encore les yeux secs et la main gauche serrée dans la mienne.."
Il le transportera dans ses bras jusqu'à la tranchée et là il se transformera, ne ressemblera plus à celui qui obéissait à ceux qui l'empêchaient de penser "Ce que je pense, c'est qu'on veut que je ne pense pas.." Il sombrera dans la folie et sera évacué à l'arrière, les soldats ne supportaient plus sa folie sanguinaire, ils l'appelaient "Le dévoreur du dedans des gens."

La suite du récit ne sera qu'un long cri, entrecoupé de passages très poétiques, ses souvenirs dans son village, son père qui vieillira d'un seul coup après le départ de sa femme peule, une mère qu'il ne reverra jamais et toujours Mademba qui sera là pour le consoler, Fary celle qu'il aimera dans la petite forêt d'ébéniers :
"Fary m'a offert le plus beau cadeau qu'une jeune femme puisse faire à un jeune homme à la veille de son départ à la guerre. Mourir sans avoir connu toutes les joies du corps, ce n'est pas juste......Quand la rumeur de la guerre est arrivée au village, Fary a bien compris que la France et son armée m'enlèveraient à elle."

Comment ne pas s'insurger en dévorant ce bouquin, les tirailleurs sénégalais étaient de la chair à canon, ils devaient se sacrifier pour sauver une Patrie qu'ils ne connaissaient pas. La plus grande boucherie de l'histoire.
Je n'avais pas aimé "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaître, sans doute la seule à ne pas aimer, j'ai adoré "Frère d'âme" qui est aussi une histoire d'amour et d'amitié.

Mon père a fait la guerre de 40 dans la compagnie des zouaves, il devait côtoyer des tirailleurs sénégalais, il ne racontait jamais cette guerre.
Seul souvenir, une photo de lui en zouave accrochée sur un mur, ma mère détestait cette photo, elle l'enlevait régulièrement et lui la raccrochait. Cette photo a dû rester dans une cantine de leur déménagement qui n'est jamais arrivé en France après leur départ d'Algérie. Il s'était battu pour que la France soit libre, lui qui n'avait jamais mis les pieds sur le sol de sa Patrie. 

Lisez ce livre magnifique, les lycéens ont toujours raison lorsqu'ils attribuent leur Goncourt. Ce livre a obtenu le Goncourt de la Tunisie, je ne savais pas que ce prix existait.

J'avais commencé à lire le dernier L.Gounelle et j'ai abandonné à quelques pages de la fin, je ne pouvais plus m'obliger à lire un bouquin qui ne me plaisait pas, en général j'aime L.Gounelle, là rien ne se passait.

Bye MClaire.