vendredi 25 octobre 2013

"Les évaporés" de Thomas B.Reverdy.


 
Ce bouquin est un prêt de Michèle, je n'aurais sans doute pas eu l'idée de l'acheter. Il vient de sortir et je n'avais rien lu des critiques. Si je l'avais vu en librairie, j'aurais lu la quatrième de couverture,  je l'aurais reposé, pas inspirée du tout et j'aurais eu tort.

Encore une fois, comme pour celui de Nancy Huston, on peut ne pas aimer du tout, personnellement j'ai beaucoup aimé parce que j'ai voyagé dans un pays inconnu et qui nous est tellement étranger le Japon.
Lorsque j'avais quinze ou seize ans je rêvais d'aller dans ce pays, il y avait une raison, un feuilleton passait à la télé et je trouvais le héros qui était japonais terriblement séduisant, évidemment, en dehors de Christian que je connaissais déjà! Les temps changent, je trouve George Clooney terriblement séduisant dans la pub Nespresso  et je n'ai pas envie d'aller à Hollywood, c'est l'âge ma bonne dame !

Revenons à nos moutons. Ce roman est la quête d'un homme disparu, un évaporé, un johatsu, c'est comme ça qu'on appelle les gens qui disparaissent volontairement au Japon. Personne ne les recherche, ils n'ont pas commis de crime, et pour la famille c'est un tel déshonneur qu'elle préfère ne pas savoir.
L'histoire se déroule après le tsunami, après Fukushima, dans un Japon en crise.  Kaze le chef de famille se fait licencier brusquement, sans aucune raison en apparence, il veut savoir pourquoi et pendant le mois qui lui reste à travailler cherche ce qui a pu occasionner ce licenciement, il finit par trouver les malversations au sein de son entreprise, il était cadre et avait accès à certains dossiers, son directeur pensait qu'il avait deviné, il fallait l'éjecter de son fauteuil. Kaze décide donc de s'évaporer parce qu'il sait qu'il est menacé par la mafia locale, les yakuzas omniprésents au Japon, les politiques font preuve d'une grande inertie. Kaze veut se protéger et protéger sa femme. Il veut fuir une réalité qui le bouscule, suivre un chemin qu'il n'aurait jamais pu prendre sans ce licenciement, vivre de peu, caché.

Sa fille Yukiko vit aux Etats-Unis, elle fait appel à son ancien amant Richard B. qui est détective pour l'accompagner au Japon et retrouver son père. Richard est toujours très amoureux de Yukiko, il partira avec elle et découvrira un pays surprenant qui lui fera comprendre pourquoi Yukiko l'a quitté. La disparition de son père permettra t'elle à Yukiko de renouer avec sa famille, avec son pays?

J'ai beaucoup aimé le personnage de l'enfant Akainu qui pense avoir perdu ses parents dans le tsunami, je trouve que les plus belles pages du livre sont celles où il apparaît.
 
Nous irons dans des quartiers très pauvres où règnent la mafia qui fait la pluie et le beau temps, nous irons jusqu'aux côtes ravagées par le tsunami où travaillent des hommes qui déblaient les monceaux de ruines sans être vraiment protégés des radiations de la centrale nucléaire, là où une économie parallèle s'est mise en place, là où la corruption règne.
Le Japon n'est plus ce qu'il était, triomphant, il change, la jeunesse veut imiter l'Occident, malheureusement. Ce pays est englué dans la corruption, mais ne jugeons pas, il n'est pas le seul.
Le comportement des japonais peut être une énigme pour nous occidentaux.

Thomas Reverdy a vécu quelques mois au Japon, il a voulu s'imprégner des coutumes de ce pays mais cela ne l'empêche pas de céder aux clichés, la geisha, les yakuzas, toutes les images que l'on connait de ce pays. Il y a des pages magnifiques qui font oublier les clichés, elles sont puissantes, bien écrites. Des pages cauchemardesques lorsque nous voyons tous ces fantômes qui rôdent autour de Fukushima, tous les laissés- pour- compte de cette société.

Ce bouquin est aussi celui de la renaissance de ses héros, Akainu aidé par Kaze partira à la recherche de ses parents,  Yukiko restera dans son pays, Kaze essaiera de retrouver une autre vie,  Richard repartira seul mais tous les espoirs ne sont pas perdus.
"Après tout, on n'est pas obligé de savoir comment ça finit." Oui c'est vrai, nous n'avons jamais le contrôle de notre vie. Certains des lecteurs de ce livre ont peut être aussi eu envie de prendre la fuite un jour..

J'ai beaucoup aimé, je ne dis pas que je suis subjuguée comme après avoir lu certains bouquins, mais j'ai appris à connaître un pays, je ne me suis pas ennuyée en lisant, pas du tout. Pour l'instant c'est toujours "La cuisinière d'Himmler" qui reste le livre inoubliable de l'année 2013.

Nous prenons conscience que la vie n'est pas que cette vie de consommation, ce besoin effréné de posséder, il y a eu l'après Fukushima.. Décidément en ce moment je réfléchis beaucoup sur le fait de consommer, je regardais hier soir "Complément d'enquête" sur la 2, le bonheur sans posséder, je suis d'accord sur le fait de ne rien posséder, il va falloir que je réfléchisse encore sur le fait de consommer. On peut être heureux autrement.

"Tu es une Japonaise de la douceur de vivre et de la délicatesse, comme moi je suis un Américain des grands espaces et de la pêche à la truite. Nos pays n'existent plus."

"La misère est une denrée renouvelable."

"Les hommes ici se conduisent comme des cons, mais ce sont aussi des pauvres types qui travaillent comme des dingues pour ramener un argent dont ils ne profitent pas. De leur côté, les nanas sont des potiches bafoues, mais elles règnent sur la maison, elles se vengent à leur façons, c’est elles qui donnent à leurs maris, tous les matins, l’argent liquide dont ils ont besoin, y compris celui qu’il va dépenser, le soir, avec des filles. C’est la névrose à tous les étages."

"Un johatsu dans une maison, c'est comme un suicide. Vous ne la relouez pas si facilement. Les gens du quartier le savent. Ce n'est pas comme une maison hantée, mais il y a un peu de ça : Le malheur porte malheur."

Bye MClaire.