En général je n'achète pas les bouquins recommandés, je me fie à mon instinct et je me trompe rarement, un espèce de flair pour le livre qui me plaira. Je ne dis pas que je ne me suis jamais trompée, il est arrivé que je ne finisse pas un livre ou que je pousse un soupir de soulagement à la dernière page, mais c'est rare.
Cela faisait deux fois que Nicole de Douarnenez me disait "Lis danse noire, c'est extraordinaire.", je suis donc allée à la Fnac acheter "Danse noire" édité chez Actes Sud, j'aime bien la présentation des bouquins chez cet éditeur. Premier point positif.
Roman-film ou film-roman, comment décrire ce livre? J'étais très déstabilisée en lisant les premières pages de cette auteure canadienne que je ne connaissais pas du tout. J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'histoire pendant une vingtaine de pages;
Déjà l'écriture n'est pas ordinaire, la narration se fait souvent en anglais, traduction en bas de page dans un "parler" français mâtiné de québécois, il faut prendre la cadence, ne pas se laisser détourner de l'histoire. Cela m'a tout de même permis de constater que finalement j'arrivais encore à lire l'anglais, pas tout mais dans l'ensemble, j'allais tout de même voir la traduction, faut pas pousser, merci aussi à Facebook, les jeunes utilisent beaucoup l'anglais, ça peut nous faire des leçons de perfectionnement !
Au bout de vingt pages, j'ai commencé à prendre goût à la lecture de ce bouquin, je me suis laissée embarquer dans l'histoire et j'ai aimé ce roman-film.
Milo se meurt à l'hôpital, atteint du sida. Son ami, compagnon, amant depuis 20 ans, metteur en scène, veut écrire avec lui pour la dernière fois, l'histoire mouvementée de la vie de Milo au rythme de la capoeira. Milo est une enfant abandonné, sa mère prostituée indienne l'a eu avec Declan, fils d'un exilé irlandais, réfugié au Québec après les combats du Sinn Fee en 1916, Neil le père est avocat mais rêve de devenir un grand écrivain, son rêve ne se réalisera jamais puisqu'il épouse Marie-Jeanne, fille d'un fermier qui lui donnera 13 enfants dont Declan.
La jeunesse de Milo, et c'est là que le livre est le plus poignant, se déroulera dans des familles d'accueil, dans des placards noirs, jusqu'à ce que son grand-père Neil le retrouve et l'amène chez lui. Marie-Jeanne est morte après avoir mis au monde son treizième enfant et c'est M.Thérèse sa fille qui dirige la maisonnée d'une main de fer, sans sentiments, la vie est dure.
Neil le grand-père aimera beaucoup ce petit-fils qu'il devine brillant, l'enfant aussi s'attachera à ce grand-père qui lui fait partager ses lectures. Jusqu'au jour où Milo s'échappera de cette famille rustre en laissant Neil. Le plus grand chagrin de Milo, la mort de son chien Oscar, le chien l'aimait tant qu'il s'est laissé mourir de chagrin lorsque Milo est parti en pension. Milo est beau, très beau, des sangs mêlés, indien, irlandais, français.
"Dans la classe de Milo, à l'école, une fille lui sourit et lui lance des regards en biais [...] Il lève les yeux vers elle, un sourire géant sur le visage. (Tu n'as jamais eu besoin de poursuivre les femmes, Milo. Toujours ce sont elles qui t'ont poursuivi. Cela a dû contribuer à ton don exceptionnel pour l'inertie…)"
Neil ne deviendra jamais écrivain, il vivra presque toute sa vie au milieu de cette douzaine d'enfants morveux et qui gigotent, non désirés par lui. Une vie ratée, illuminée un instant par la présence de Milo.
Milo aura une vie mouvementée, amoureux tour à tour de filles et de Paul le metteur en scène, amoureux du Brésil où il pense retrouver des racines au rythme de cette danse issue de l'esclavage des noirs, la capoeira. Chaque chapitre du livre porte un thème de la danse,
Trois destins différents se révèlent dans le roman à des périodes différentes. Ce sont aussi les arrêts sur image qui rythment le bouquin, comme dans un film.
J'ai aussi aimé les passages où les québécois parlent de leurs ennemis depuis toujours les anglais. Si vous êtes allés au Québec vous n'avez certainement pas échappé aux discussions animées sur la domination anglaise et sur la prédominance de la langue anglaise. J'avais été étonnée de constater chez la copine de mon beau-frère autant de passion lorsqu'elle en parlait, elle refusait de répondre en anglais à une anglophone dans un hôtel, elle voulait l'obliger à parler français, nous avions assisté à la scène un peu interloqués, le comble, elle était prof d'anglais. Il y a donc les cultures diverses, la farouche indépendance de ce peuple.
C'est aussi le récit d'une histoire familiale.
Il y a de très beaux passages assez brefs sur l'exil. La mélancolie de l'exilé.
Mon résumé est sans doute un peu brouillon mais comment raconter l'élaboration d'un film, peut être d'un livre, le livre est dense, l'écriture peut déconcerter.
Vous ferez ce que vous voudrez, le lire ou pas, je n'ose pas vous dire de le lire absolument.
Ce livre est tellement original, il peut ne pas plaire à tout le monde.
"Mai 1914 : Une réunion des Volontaires Irlandais, quelque part à Dublin. Voix d'hommes, crispées par l'urgence de la colère. Dans l'assistance, Neil Kerrigan."
"Septembre, lumière rasante, érables en feu, beauté soufflante du paysage québécois à la brève saison automnale."
"Scène nocturne, éclairée par des flambeaux, sur le Torreiro de Jésus, ce grand square de la ville haute de Salvador de Bahia, bordé de cafés et de vieilles églises : de jeunes Noirs en pantalon blanc ont commencé une roda de rue et y attirent des passants."
Bye MClaire.