dimanche 17 novembre 2013

"La grâce des brigands" Véronique Ovaldé.


N'ayons pas peur d'être enthousiaste, ce roman est une pure merveille.

J'avais beaucoup, beaucoup aimé "Ce que je sais de Véra Candida", j'ai autant aimé celui-ci.
L'univers de V.Ovaldé me fait penser à celui de Carole Martinez (Le cœur cousu). La même imagination, la même poésie, la même envie de nous faire découvrir des femmes libres qui se débarrassent des chaînes de l'enfance, de parents étouffants.

Maria-Christina est la fille d'un couple mal assorti, ils semblent s'être mariés par ennui, le père imprimeur analphabète, un comble. Il est parti un jour de sa Laponie pour découvrir le monde, il voulait aller à Vancouver, il ne savait pas lire et s'est trompé de train, il est descendu à Lapérouse, un village construit sur la rive de l'Omoko ce fleuve est imaginaire. Un village qui porte très mal son nom, Lapèrouse ce navigateur aux multiples aventures, dans ce bourg il ne se passe rien, Maria-Christina et sa sœur mènent une vie austère, la mère est un peu foldingue, complètement obsédée par le Mal qui pourrait arriver à ses filles, le sexe est maudit, l'alcool interdit, le moindre goût du luxe est péché, on ne prononce jamais le mot Amour dans cette famille sauf en ce qui concerne le Seigneur. Marguerite Richaumont fait partie de l'Eglise de la Rédemption Lumineuse, une vraie dérive mystique. Tout acte d'amour est l'œuvre du Malin, le soir elle attache les mains de ses filles pour qu'elles ne se masturbent pas, sa hantise. M.Christina étouffe.
Un jour arrive l'accident, elle veut montrer à sa sœur au printemps la sortie par milliers des serpents jarretières à flancs rouges, sa sœur a une peur panique des serpents en reculant elle tombera dans un ravin et finira sa chute sur une pierre. Traumatisme crânien etc.. Elle restera toute sa vie une petite fille de 14 ans. M.Christina portera à jamais la culpabilité de l'accident.

Elle est douée pour les études et demandera une bourse avec l'accord du père qui se tait devant les divagations de sa femme mais qui comprend qu'elle veuille partir, elle ira donc à Los Angeles poursuivre ses études et là connaîtra tous les excès de cette ville, une ville dans un paysage de stuc. Elle adorait lire, se réfugiait dans la lecture pour fuir les crises mystiques de sa mère et adorerait écrire un roman, ce qu'elle fait sous la protection d'un écrivain qui rêve du Nobel, Rafael Claramunt a été un grand écrivain, mais il s'essouffle, consomme trop de drogue, il lui fera découvrir l'amour charnel a 17 ans et lui fera publier son premier bouquin "La vilaine sœur" livre où elle règle ses comptes avec sa famille et qui aura un immense succès. Un coup de téléphone viendra bouleverser sa vie, elle retournera sur les lieux de son enfance et reverra sa mère après tant d'années d'absence, une mère toujours aussi hystérique... la suite vous la découvrirez tout seul, si vous aimez lire vous devez l'acheter.

"Joanne lui demanda tout de suite, Mais tu veux faire quoi dans la vie toi ? et Maria Cristina répondit, Je veux écrire, et Joanne dit, Des poèmes, des chansons ? et Maria Cristina dit, Des romans, je veux écrire des histoires, je veux écrire des livres et Joanne dit, Tu ne peux pas écrire des livres, il ne t'est encore rien arrivé."

Je ne peux pas ouvrir un chapitre "Ce que je n'ai pas aimé" J'ai tout aimé.

J'ai aimé la narration, en lisant nous avons l'impression qu'elle nous raconte une fable, le langage imagé, toujours à la frontière de l'étrange, c'est très dense mais jamais barbant, l'écriture particulière de V.Ovaldé. Il y a de l'humour,  une étude acérée de notre société, des réflexions sur la célébrité, le snobisme des gens qui se pensent célèbres, elle étudie très bien chaque personnage de son livre, ils sont tous attachants à leur façon.
Il y aura des imposteurs, un imposteur "La grâce des brigands.", elle arrivera à se débarrasser de ces brigands qui ont pollué sa vie. L'émancipation féminine est un sujet récurrent chez cette auteure.

« Tu sais que ta notoriété a dépassé le stade de ta corporation à la façon dont ta présence exalte les gens et les contraint à garder un air parfaitement normal et blasé quand ils te parlent. C’est ça la vraie célébrité : elle se mesure à l’effort que produit chacun pour garder un air morose en ta présence tout en étant absolument électrisé ».

Les 50 dernières pages sont les plus émouvantes, la découverte de l'enfant qui viendra bouleverser sa vie, ce n'est pas le sien mais elle l'aimera très fort jusqu'à la fin...
Il faut toujours se méfier des gens qui disent "je ne veux pas d'enfant", ce sont les premiers à être bouleversés par l'arrivée d'un enfant dans leur vie, sans doute parce que justement ils pensaient être insensibles et se retrouvent surpris de sentir leur cœur battre très vite à la vue d'un petit être qui va chambouler toute leur vie bien ordonnée, ils se défendent et succombent, c'est ce qui arrivera à M.Christina.

Le dénouement du livre est surprenant mais reste plein d'espoir, j'aimerais bien que l'auteure écrive la suite, la vie du petit garçon Peeleete. V.Ovaldé a un sacré talent, il faut absolument se laisser embarquer dans ce récit, pour moi c'est un grand coup de cœur. 
 Véronique Ovaldé.
  Bye MClaire.



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