dimanche 19 février 2017




 Gilles Marchand. Premier livre écrit en solo.


















J'ai fini ce bouquin hier et comme toujours j'enchaîne sur un autre, celui de Catherine Cusset "L'autre qu'on adorait." je ne suis pas allée très loin, je me suis arrêtée à l'introduction, un passage de Proust, ce passage aurait dû être cité au début de "Une bouche sans personne." Connaît-on vraiment l'autre, même celui que nous côtoyons tous les jours ?

"Une personne n'est pas, comme je l'avais cru, claire et immobile devant nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard (comme un jardin qu'on regarde, avec toutes ses plates-bandes, à travers une grille), mais est une ombre où ne nous pouvons jamais pénétrer, pour laquelle il n'existe pas de connaissance directe, au sujet de quoi nous nous nous faisons des croyances nombreuses à l'aide de paroles et même d'actions, lesquelles les unes et les autres ne nous donnent que des renseignements insuffisants et d'ailleurs contradictoires, une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer avec autant de vraisemblance que brillent la haine et l'amour."

Le narrateur est comptable, il a droit régulièrement à la question "Vous comptez quoi ?". Une vie bien réglée, faite d'habitudes, travail, bas du visage caché par une écharpe, arrêt au bistrot pour boire un café et un whisky avec ses potes, Thomas qui s'invente des enfants depuis son accident, des enfants qu'il n'a jamais eu  et Sam qui reçoit des lettres de sa mère morte, eux ne posent jamais de questions, il y a Lisa la serveuse, jolie Lisa, douce Lisa et les disques des Beatles.
Arrêt chez la boulangère qui parle toujours au futur et qui ne manque jamais de dire un mot sur la météo ou lorsqu'elle est pressée dit "Et avec ça vous prendrez ?". Rencontre avec une dame qui promène son petit chien mais qui évite de le regarder. La routine. La concierge est morte et personne ne la remplace, les poubelles s'entassent dans l'escalier, il faudra creuser un tunnel pour atteindre l'appartement, à condition qu'un orchestre tzigane n'encombre pas le palier.
Une mouche se promène sur les murs, un python se glissera dans l'escalier, c'est peut être "Gros câlin." sorti du roman de Romain Gary ?

Attention, le livre est tout sauf ennuyeux, touchant, original, très original, un peu loufoque mais profond, léger aussi.

Un jour, le narrateur renverse son café sur son écharpe, découvrant une cicatrice qu'il cachait et là ses amis qui ne connaissent rien de son histoire lui demandent de raconter sa vie. Thomas son ami lui dit : "On ne peut pas indéfiniment cacher ses cicatrices à sa famille." Deux pages magnifiques sur la solitude, Thomas raconte "Un matin, j'ai appris que mon père était mort.Je ne l'avais pas vu depuis deux ans. Éloignement, impression qu'on n'avait plus rien à se dire. Le temps qui passe et on laisse filer. "On aura toujours le temps." On remet à plus tard et on passe du plus tard au trop tard. J'ai eu des remords, j'ai eu de la peine. J'étais seul et je me rendais compte que je ne l'étais pas la veille au soir." Les gens du bistrot sont devenus ses amis, sa famille.

Le narrateur commence à raconter son histoire et chaque soir le public captivé est de plus en plus nombreux dans le bar...
Le grand-père Pierre-Jean tient une place essentielle dans sa vie, merveilleux grand-père qui a remplacé ses parents et qui sans cesse enjolive la vie avec des histoires.
"Il était un peu comme mon père, un peu comme mes frères..Il était tout ce qui me restait de ma famille. Il ne m'a jamais abandonné et a fait couler toutes les années de ma jeunesse et les enveloppant d'humour et d'amour."

Nous naviguerons entre le présent et le passé, l'histoire deviendra rocambolesque, un récit imaginaire et il faudra bien une fin, une fin bien réelle.J'ai pleuré...

J'ai beaucoup aimé ce livre, mais attention il faut aussi aimer l'absurde, le pouvoir de l'imaginaire, j'ai aimé cette histoire d'amitié qui fait oublier la solitude pourtant bien présente dans ce livre.

Bye MClaire.