mercredi 28 février 2018

"La tresse" Laetitia Colombani



Premier roman. L'auteure s'était fait un nom dans le monde du cinéma, elle réussit son entrée dans le monde littéraire, magnifique premier roman.

J'aurais pu passer à côté de ce livre, nous ne pouvons pas tout lire, un livre voyageur, prêté par Anne à Michelle, il est chez moi. Je suis allée faire un tour au Furet, il était bien en vue sur l'étal, mais je ne l'avais pas remarqué à la Fnac.
La parabole du cheveu, un cheveu qui va relier trois femmes qui ne se connaissent pas, Smita vit en Inde, Giula en Sicile, Sarah au Canada.

Trois vies qui se tressent. Trois femmes qui ne se rencontreront jamais.

Smita est une Intouchable, caste maudite en Inde, vouée aux tâches les plus dégradantes, Smita est chargée d'évacuer les déjections humaines, il n'y a pas de tout à l'égout, son mari chasse les rats dans les champs pour protéger les récoltes, les rats seront mangés le soir, la petite fille de six ans Lalita observe ses parents mais Smita ne veut pas que sa vie ressemble à la sienne, elle tentera ce qui paraît impossible, soustraire sa fille à son destin. Vishnou leur Dieu doit les protéger, elles sacrifieront leur chevelure pour lui plaire, attirer ses grâces.

Giula, jeune fille sicilienne, 20 ans travaille dans l'atelier de son père, des cheveux ramassés chez les coiffeurs sont triés, teints pour être revendus sous forme de perruques, mais la matière première se fait de plus en plus rare, le père a un accident de Vespa, Giula ne peut que constater avec surprise que l'entreprise va fermer, elle se confie à Kamal, un Sikh rencontré dans une bibliothèque, Giula lit beaucoup, Kamal et Giula s'aimeront en secret, jusqu'au jour où tout s'écroule autour de la jeune fille, mais....

Sarah Cohen, divorcée deux fois, trois enfants, avocate de renom, ambitieuse, veut tout mener de front, son rôle de mère et son travail, jusqu'au jour où les médecins découvrent qu'elle a un cancer gros comme une mandarine, la malédiction des femmes ashkénazes, le BRCA2, son caractère de battante lui dicte encore une fois de tout mener de front, le traitement et son travail, elle perdra ses cheveux et décidera de porter une perruque...Elle perdra aussi son travail, mais....

Trois femmes éprises de liberté, trois femmes qui doivent se battre pour être reconnues.

J'ai aimé les trois mais pour des raison personnelles j'ai suivi Sarah dans son combat contre le cancer d'une façon plus attentive, les mots de l'auteure sont exacts, les sentiments de Sarah au cours de son traitement sont bien décrits, les effets secondaires aussi, tout correspond.
 La phrase "Tant qu'on en parle pas ça n'existe pas" est aussi vraie.
L'annonce de la maladie peut provoquer différentes réactions, j'ai très bien compris celles de Sarah..
 "Ne vous en faites pas, ça ira"

J'ai eu peur pour Smita et Lalita, Smita est incroyablement forte, pour sa fille elle brave tout.

Et comment ne pas aimer Giula, touchante, courageuse, amoureuse d'un homme qu'elle devra imposer, un homme  doux, si dissemblable des Siciliens. Un homme qui lui redonne confiance et qui l'aidera lorsqu'elle aura besoin de lui, un homme qui ne méprise pas les femmes.

J'ai refermé ce livre avec regret, je voudrais savoir si les trois femmes de ce roman sont arrivées à réaliser leurs rêves, je pense que oui, elles sont si fortes.

Il faut absolument lire ce roman, vous l'aimerez. Je compte sur vous ?

Bye MClaire.






mardi 20 février 2018

Jean Teulé "Entrez dans la danse"








Jean Teulé, auteur de bandes dessinées, chroniqueur à la télé, scénariste, romancier et pour la petite histoire il est depuis quelques années, le compagnon très discret de la comédienne Miou-Miou 

J'ai lu quelques livres de J.Teulé, le premier "Darling" et deux ou trois autres, mon préfèré "Le Montespan" j'avais adoré l'histoire de ce cocu magnifique, la couverture du livre raconte l'histoire


Lire Jean Teulé c'est accepter de rentrer dans l'histoire sans être choqué, sinon il vaut mieux éviter, le langage est quelquefois cru, il n'aime pas les curés, une écriture originale. Une culture extraordinaire, on apprend beaucoup.

Pour écrire "Entrez dans la danse" il s'est inspiré d'une histoire vraie, la folie s'empare des habitants des quartiers pauvres, les gens dansent, se trémoussent sans arrêt dans les rues, nous sommes en 1518, la famine règne à Strasbourg, plus d'eau, Enneline noie son enfant tout juste né, elle n'a plus rien pour le nourrir, l'infanticide rentre chez elle complètement accablée et son mari lui dit :
"Enneline, en ces temps où le malheur et le poil poussent davantage que l'herbe, tu n'avais plus de lait. On n'aurait pas pu le nourrir. Et puis c'est mieux que de l'avoir mangé comme d'autres le font" Top, top, top, top...
"Enneline ne répond rien. Les fesses sur un banc, près d'une presse de graveur, elle  tapote longuement en rythme, du bout des ongles, le rebord de l'appareil à imprimer -top, top, top -puis se lève..."
La danse commence dans la rue, ils sont de plus en plus nombreux à danser jour et nuit, jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la mort.
Le maire de Strasbourg ne sait plus à quel saint se vouer, il demande à l'évêque d'ouvrir ses greniers, de ne plus s'enrichir sur le dos des pauvres, en vain..L'évêque est plein de morgue, méprisant, comme ces bourgeois bien gras qui ne supportent pas les affamés qui dansent.
"Allez-vous, vider vos couvents regorgeant de victuailles, bière, blé, et enfin les offrir pour assurer la subsistance de la population, Monseigneur ?"
Il raconte aussi l'arrivée de Luther, annonciateur du protestantisme, l'évêque ne veut pas y croire. 
Cinquante quatre-ans plus tard, c'était la Saint-Barthélémy.


La force de Teulé est de toujours mettre une touche d'humour dans le récit, de raconter cette "teuf" géante avec ses mots, sans que nous n'ayons jamais envie de refermer le livre. Un vrai talent de conteur pour nous faire revivre cette tragique période du début de la Renaissance. J'entendais les sabots battre les pavés de Strasbourg, top, top, top, top.

Enneline et Melchior sont vraiment émouvants, ils s'aiment, la dernière phrase de Melchior à la fin du livre :
"Plus de rythme Enneline. Je ne sais pas comment on va s'y prendre mais on s'en sortira"

Il a enfin plu sur Strasbourg.

J'ai aimé lire ce roman qui n'est pas tout à fait un roman, l'érudition de J.Teulé est éblouissante;
Je ne peux pas le conseiller, c'est à vous de juger, il peut vous irriter, vous pouvez ne pas y croire, c'est pourtant ce qui est arrivé aux habitants de Strasbourg en 1518.

Bye MClaire.

mardi 13 février 2018

"Les oubliés du dimanche" Valérie Perrin




Valérie Perin, photographe, dialoguiste, scénariste, compagne de Claude Lelouch, une jolie plume, son premier roman est une réussite, elle doit en publier un nouveau fin février, à suivre.

Nanou a prêté ce roman en me disant "Tu verras en le lisant tu penseras à ta petite fille qui travaille dans une maison de retraite" Points communs entre Laura et Justine l'héroïne du roman : la disponibilité, la gentillesse, la tendresse pour les personnes âgées, la bienveillance. Laura travaille aux "Magnolias" Justine aux "Hortensias" Laura rend visite à sa grand-mère Odette qui a l'Alzheimer et qui vit aux Magnolias, Justine a une tendresse particulière pour Hélène qui elle a toute sa tête..
Ce livre est tendre, mélancolique, drôle, j'ai eu beaucoup de plaisir en le lisant, l'écriture est moderne, Justine s'exprime comme tous les jeunes, elle a vingt-et-un ans, vit encore chez ses grands-parents avec son cousin Jules, leurs parents sont morts dans un accident de voiture, Christian et Alain étaient jumeaux, Annette la femme d'Alain était suédoise, elle était blonde, lumineuse et sans scrupules..Jules est son fils.

Justine s'occupe d'Hélène, une vieille dame qui a quatre fois son âge, elle lui raconte sa vie et Justine l'écrit dans un cahier bleu pour le faire lire à la famille d'Hélène lorsqu'elle ne sera plus là. Deux histoires cohabitent dans le roman, celle de Justine et celle d'Hélène.

Hélène : elle ne sait pas lire, personne n'avait jamais détecté sa dyslexie, elle sait coudre, confectionnera la robe de mariée d'Angèle, ira à son mariage et à cette occasion fera connaissance de Lucien qui tombera immédiatement amoureux de cette femme surprenante qui prie pour que Dieu lui apprenne à lire "LIRE, MOI, LIRE, MOI..A LIRE, APPRENDS-MOI A LIRE, APPRENDS-MOI A LIRE"
Lucien connaît l'écriture braille, son père est aveugle, il apprendra le braille à Hélène.Lucien est très amoureux, Hélène un peu moins mais elle lui est tellement reconnaissante de faire des efforts pour qu'elle apprenne à lire, elle lui donnera de la tendresse, ils vivront ensemble après un simulacre de mariage, ils n'auront pas d'enfant, tiendront un bistro à Milly (Bourgogne) jusqu'à la guerre...Leur monde explose, le monde explose.

Justine : Justine a sauté une case, elle a grandi avec le troisième âge, elle danse au "Paradis" la discothèque du coin, roule des pelles alcoolisées au sexe opposé, couche de temps en temps avec un garçon dont elle ne connaît pas le prénom, veut vivre insouciante, elle a perdu cette insouciance le jour où ses parents se sont tués sur la route.
Elle passe ses dimanches au cimetière du village pour mettre des fleurs propres sur les tombes.
Sa mémé s'occupe bien d'elle mais elle n'a jamais su montrer sa tendresse, fille de ferme, aînée de sept enfants, elle savait tout faire, tout sauf embrasser.
"Mais à la naissance de ses petits-enfants, quelque chose d'amoureux s'était passé, une certaine magie avait opérée. Pour un peu, elle les aurait caressés."
Et il y a Armand, le grand-père qui roule les R, taciturne, assis toujours à la même place lorsqu'il est à table, Armand qui a choisi Eugénie parce qu'elle était de ces femmes qui ne posent pas de questions, "De ces femmes qui n'emmerdent pas les hommes".
Dans les familles les plus simples se cachent quelquefois des lourds secrets, des secrets que Justine découvrira sans les révéler à Jules...
"Il faut toujours mettre de la vérité dans ses rêves ou le contraire"

Justine écoutera les doléances des anciens, les injures quelquefois, le réfectoire est une cour de récréation, c'est là que les résidents règlent leurs problèmes, le dimanche il y a ceux qui repartent dans leur chambre en attendant des visites ou pour ne pas rater Michel Drucker et il y a ceux qui n'ont jamais de visites, les oubliès du dimanche, jusqu'au jour où des mystérieux appels téléphoniques avertissent la famille que leur mère ou père est mort, mensonge, ils arrivent aussitôt et découvrent qu'il est bien vivant. Qui passe ces coups de téléphone ?

Justine attend la visite de Roman, le petit-fils d'Hélène, le beau Roman..

Je n'en raconte pas  plus...

J'ai aimé cette histoire pleine d'humanité, sensible, j'ai aimé l'humour de Justine lorsqu'elle se moque gentiment de sa grand-mère, une maison surchauffée où les toasts de Noël qu'ils devraient manger froids sont chauds etc...
Les anecdotes des Magnolias
"Ce qui me désole, c'est quand je les vois s'entasser à l'accueil dès 10 heures du matin et fixer les deux portes principales de l'entrée qui s'ouvrent et se referment.
Ils attendent." C'est vrai.

J'ai essayé de comprendre Armand, sans l'aimer vraiment.
-Elle était lumineuse.. J'aulais pu m'en selvil pour m'éclailer..Elle aimait les gens qui font des phlases coultes."

J'ai aimé Hélène et sa mouette, Lucien qui a perdu la mémoire à la guerre mais qui continuera à l'adorer "comme si une sous-couche émotionnelle de son cerveau l'avait gardée en mémoire"

Je sus sûre que vous aimerez ce bouquin qui est publié en poche, un très beau moment de lecture.

Bye MClaire.


lundi 5 février 2018

Anne Bert "Le tout dernier été"


J'ai lu le nom d'Anne Bert pour la première fois sur Internet, elle venait de mourir en Belgique, elle avait choisi le jour de sa mort, Atteinte de la maladie de Charcot, maladie inguérissable, tous les jours la maladie emmurait son corps un peu plus, elle voulait mourir dignement, la Belgique autorise l'euthanasie, des "passeurs" s'occupent de vous quelques mois avant la date choisie, vous téléphonent régulièrement pour vous dire que vous avez toujours la liberté de changer d'avis, ils vous accompagnent jusque la fin.
" Je viens de rencontrer mes passeurs. Ces hommes qui font désormais partie de ma vie puisqu’ils vont m’aider à la quitter.
Je les ai sentis rigoureux, exigeants, prudents. Et engagés à me tendre doucement la main. Une autre médecine qui, quand elle ne peut plus soigner le corps, se décide à soigner l’âme. »
Je connaissais très peu cette maladie, jusqu'au jour où une joueuse de mon club a annoncé que son mari était atteint, j'ai appris au cours des mois tous les ravages qu'elle provoquait jusqu'à l'issue finale. Une maladie terrible qui vous rend complètement dépendant des autres.

En lisant ce livre l'émotion nous étreint sans cesse mais Anne Bert paraît tellement sereine, ce n'est pas du tout larmoyant, tout nous amène à nous poser des questions sur la fin qui est inéluctable, faut-il nous faire soigner sans espoir? Faut-il autoriser la médecine décider à notre place?

Anne Bert a juste voulu nous faire partager ses derniers mois, ses dernières joies, une femme qui adorait la vie, aimait l'amour, ceux qui l'entouraient, son mari, ses enfants, ses amis, la douceur de la Charente Maritime, sa ville, Saintes. Elle décrit merveilleusement la nature, les petits matins, Ce n'est pas une sainte, il lui arrive d'être très en colère intérieurement lorsqu'elle voit les autres bouger, jouer au ping-pong, faire du vélo, elle a des impatiences. Le goût des dernières fois
Elle sait qu'après elle tout continuera d'exister, nous disparaissons, mais rien ne disparaît.
Le passage où elle décrit "le grand ménage" dans son bureau, dans sa chambre, est très émouvant, elle ne veut pas obliger ses proches à le faire, rentrer dans son intimité "elle prépare un voyage sans valise"

"Je n'ai pas pu me payer le luxe de me gaver de vie. Mes incapacités et ma dépendance me bouffent. Mon corps me boulotte...
Alors je baisse les bras, au propre comme au figuré, et ma douleur existentielle est indicible."

Elle restera digne jusqu'à la fin, à aucun moment elle ne critique la législation française qui interdit l'euthanasie. Nous pouvons militer pour le droit de mourir dans la dignité, nous pouvons choisir un pays qui l'autorise.

Un très beau livre lu en quelques heures mais qui restera longtemps présent dans notre mémoire. J'avais le ventre noué en le refermant. J'ai écouté "Anne wants to dance", je ne connaissais pas, elle l'écoutait en boucle.

Bye MClaire.