mercredi 11 juin 2014



Après le scrabble à un rythme soutenu, le temps de lire est revenu. Je n’ai pas ouvert mon jeu depuis Vichy, je lis pendant les heures très chaudes de la journée.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt « Petites scènes capitales » de Sylvie Germain.

Je ne connaissais pas cette auteure qui a pourtant beaucoup écrit  J’ai découvert une femme qui avait une écriture vraiment agréable, un vocabulaire riche, une écriture empreinte d’une certaine mélancolie. Nous ne pouvons pas lire ce bouquin très vite, il faut sans cesse s’attarder sur les phrases, les mots, chaque mot à son importance. J’ai beaucoup aimé ce livre. L’action se situe après la guerre.

Des petites scènes capitales qui peuvent être les grands moments d’une vie, en apparence un geste, une parole, un acte peuvent être insignifiants et pourtant ils peuvent aussi bouleverser une vie. Le projet d’une photo sur un petit pont de bois peut disloquer une famille. 

Lili est une petite fille élevée par son père, elle essaie sans cesse d’attirer son attention, ses moments de bonheur elle les trouve auprès de grand-mère pendant les vacances. Une grand-mère avec qui elle joue « C’est qui, là ? » Une fausse devinette devant un cadre en bois où est exposée une photo en noir et blanc, une mère qui porte son bébé au creux de son coude, elle ne demande pas qui est la femme, elle le sait. Sa mère est partie alors qu’elle avait onze mois, elle a abandonné son mari et son enfant, trois ans plus tard elle s’est noyée, son corps n’a jamais été retrouvé.

Lorsque l’enfant apprend la mort de sa mère, une maman qu’elle ne connaîtra jamais, elle s’enfuit dans le jardin, monte dans la balançoire qu’elle fait voltiger avec rage. Tous les enfants réagissent de cette façon, à l’annonce d’une mauvaise nouvelle ils ne montrent pas leur chagrin mais font une grosse bêtise ou se cachent.

Sa grand-mère disparaît à son tour, son père lui apprend qu’il va se remarier avec Viviane un ancien mannequin de chez Patou qui a quatre enfants, une famille se recompose et Lili doit accepter de partager sa chambre, son père.

Viendra le temps des interrogations, des question métaphysiques « D’où vient-on, qu’est-ce que la mort, pourquoi dit-on monter au ciel alors que le corps est enterré ? » Les réponses n’arrivent pas. Lili apprendra aussi qu’elle ne s’appelle pas Lili mais Barbara, l’école lui attribue son vrai prénom, un bouleversement pour la petite fille. 

Arrivera le temps d’une série de deuils, Lili aura toujours les mêmes interrogations face à la mort, face à la vie, elle restera toujours ce bébé que sa mère a abandonné, on ne peut pas se remettre d’un abandon, on se sent rejeté et son père n’a pas su comprendre qu’elle demandait de l’attention, de l’amour, ses relations avec lui seront celles d’une femme tourmentée et d’un homme un peu en retrait.

Lili s’essaiera à la peinture, elle a du talent mais s’inspire trop des autres, d’Yves Klein en particulier ; un soir après une exposition elle découpera toutes ses toiles et renoncera à la peinture.  

« Elle n’a jamais mené à terme ses histoires d’amour ; ou peut-être que si, elle a simplement su chaque fois les arrêter à temps ». 

Des secrets seront dévoilés mais Lili-Barbara qui aimerait tant savoir ce que sa mère est vraiment devenue n’aura jamais la réponse, elle a tant espéré qu’elle reviendrait, que sa mort n’était qu’un mensonge.

« Dans les papiers de son père, elle n’a trouvé aucun document, aucun journal intime, aucune lettre, pas même une photo dévoilant un quelconque secret ». 

Viendra le temps de l’apaisement à l’âge mûr, un nouvel amour, la découverte que la maison de ses vacances n’existe plus, engloutie dans les eaux d’un barrage. La page est tournée, Lili-Barbara pourra enfin se reposer, s’ouvrir à un autre monde. 

J’ai aimé ce livre pour cette histoire qui sonne juste, les enfants abandonnés existent, leurs interrogations existent et les adultes ne savent pas toujours répondre à leurs questions, cela donne des adultes souvent tourmentés. Sylvie Germain sait raconter par petites touches, elle nous entraîne dans son histoire, nous nous laissons envouter, qu’est-ce qui forge notre destin, est-ce que ce sont des petites scènes capitales ?   Bye MClaire.