lundi 23 juin 2014

Un bon fils - Pascal Bruckner.

Trois livres lus depuis celui de Sylvie Germain. Inégaux. 
J'ai aimé "Théorie générale de l'oubli", trouvé celui de C.Cusset un peu "cucu", je l'ai fini mais sans grand intérêt. J'ai beaucoup, beaucoup aimé celui de Pascal Bruckner "Le bon fils".

"Théorie générale de l'oubli" -

L'auteur José Edurardo Agualusa a imaginé en partie l'histoire de ce roman, il s'est inspiré d'une histoire vraie.
Ludovica qui est née au Portugal est partie vivre en Angola avec son beau-frère et sa soeur, elle est incapable de vivre seule. C'est son histoire.
Après la disparition de sa soeur et de son beau-frère, Ludovica agoraphobe s'est cloîtrée dans un appartement à Luanda la veille de l'indépendance de l'Angola, elle a monté un mur pour obstruer la porte d'entrée, des matériaux de construction avaient été entreposés dans l'immeuble. Elle est restée 28 ans renfermée, vivant des réserves, des pigeons qu'elle arrivait à capturer en les attirant avec des pierres précieuses que son beau-frère avait amassées, des légumes qu'elle plantait dans les jardinières de la terrasse, elle a aussi sacrifié un singe blessé qu'elle aimait bien pour avoir de la viande
Une nuit, un gamin des rues est arrivé à s'introduire dans l'appartement grâce aux échafaudages appuyés contre les murs de l'immeuble, il venait la cambrioler, il ne restait plus grand chose, pour pouvoir faire du feu elle avait brûlé tout ce qui pouvait se consumer. Les pannes d'électricité étaient nombreuses, l'eau manquait, mais elle survivait. Elle arrivait à vivre dans l'horreur des combats de rue qu'elle voyait de sa terrasse.
L'enfant reviendra et s'établira entre eux de la tendresse, elle le cachera pour le sauver, le chef de bande le cherche, il veut le punir pour avoir subtilisé de l'argent provenant d'un vol.
Ludovica et Sabulu se soutiennent :
"Oui. Ma mère est morte quand j'étais enfant. J'ai été abandonné. Je bavarde avec elle, mais les mains avec lesquelles elle me protégeait me manquent."
-"Tu es encore un enfant".
-"Je n'arrive pas à l'être, grand-mère. Comment est-ce que je peux être un enfant loin des mains de ma mère?"
-"Je te donne les miennes".
Dans cet échange se cache le secret de Ludovica que nous découvrirons à la fin du livre.

J'ai découvert l'histoire de l'Angola que je ne connaissais pas du tout ou très mal, les luttes entre tribus, la lutte pour le pouvoir après l'indépendance. 
Un seul petit reproche, trop de personnages, il arrive que nous nous perdions un peu dans l'histoire, mais ce livre reste un très beau bouquin à découvrir, une histoire incroyable.

INDIGO de Catherine Cusset.

J'avais beaucoup aimé "Un brillant avenir" Prix Goncourt des lycéens en 2008.
Grosse déception, je n'ai pas du tout aimé celui-ci, ou si peu. 

Quatre personnes qui se retrouvent en Inde à l'occasion d'un festival. Deux hommes, deux femmes, festival organisé par une française mariée à un hindou. Suivront des relations amoureuses, une infidélité, une tentation d'infidélité. Un embryon de bébé que le géniteur refuse, trop occupé par sa propre personne, un écrivain égocentrique. L'Inde décrite après les attentats de Bombay. Beaucoup de clichés.

J'ai lu ce livre jusqu'à la fin mais avec une forte envie de le refermer, j'ai trouvé l'histoire poussive, un peu "cucu", bref, je n'ai pas du tout envie de le recommander. L'auteure peut faire beaucoup mieux.

UN BON FILS - Pascal Bruckner.

Si vous devez lire un seul livre en ce moment, c'est celui là.

Le père de Pascal Bruckner est mort en 2012, il peut donc régler ses comptes sans scandale.

"Mon Dieu, je vous laisse le choix de l'accident ; faites que mon père se tue". C'est la prière que cet enfant unique fait chaque soir. Battu, maltraité verbalement, il n'en peut plus. Son père n'est fort que de la faiblesse des autres.

Un père pro-nazi, antisémite, gueulard, un tyran à la maison, souvent violent, qui traite sa femme d'une façon ignoble. A soixante-dix-neuf ans elle se fracture le col du fémur dans la rue, elle est transportée à l'hosto et tout ce qu'ili trouve à lui dire c'est :
 "Espèce d'abrutie, c'est pas bientôt fini tes simagrées ? Lève-toi et rentre à la maison".

Elle n'a jamais voulu partir, l'auteur n'a jamais compris cette soumission à son père.
Un père ingénieur des mines, cultivé,mais imprégné de la haine du juif. Lorsque l'auteur enfant recevait ses amis à la maison, il devait les prévenir "Mon père a des idées un peu particulières".

Les liens avec ses parents n'ont jamais été complètement rompus, sa mère est partie avant son père qui disait :
-"J'ai le droit de vivre jusqu'à cent ans, vous savez! A vous de me maintenir en forme".
A l'hôpital, à la fin de la vie de son géniteur, Pascal Bruckner allait le voir et excédé par cet agonisant en pleine forme lui disait :
"Tu sais bien. Stephan Zweig s'est suicidé à la fin de sa vie, au Brésil, désespéré par l'état du monde et la montée du nazisme. Tu n'as pas envie d'anticiper l'appel ?"

"Rien de plus difficile que d'être père : héros, il écrase de sa gloire, salaud de son infamie, ordinaire de sa médiocrité".

"Vient un moment où les relations avec un être sont si entremêlées qu'on ne peut plus distinguer l'amour du devoir. Je détestais mon père, sans doute, mais pas tous les jours."
Parlant des relations de ses parents entre eux, il écrit :
"Je sous-estimais l'attachement profond qui les liait, malgré tout. Ils s'étaient entretués comme deux guêpes dans un bocal mais ils avaient au moins convenu d'un bocal commun".

Ce livre n'est pas fait que des relations difficiles avec son père, Pascal Bruckner nous entraîne aussi dans son univers d'écrivain, de philosophe, il nous livre des anecdotes intéressantes sur Barthes, Sartre, Cohen, ce n'est jamais ennuyeux au contraire. Il reste compréhensible, 
La philosophie peut être fascinante.

Il n'a jamais voulu enseigner, devenir un professionnel du concept "Un agrégé désagrégé qui arrive à la retraite, amer, ayant pris ses élèves en grippe et rêvant trop tard d'un destin plus vaste".

Il a les mots justes, sait décrire des sentiments que nous n'arrivons pas à traduire avec nos mots. Il nous fait redécouvrir toute une époque. De très beaux passages sur la religion, la croyance. Ce qui a sauvé l'auteur, son amour de la vie, des livres, il est inapte au malheur.

Je pourrais écrire encore et encore sur ce livre, j'étais emballée en le lisant, ce livre est fondamental, poignant, une de mes plus belles lectures.    Bye MClaire.