samedi 10 décembre 2016

"Ce pays qui te ressemble;" Tobie Nathan.



Le visage de l'auteur ne m'est pas étranger, nous avons dû le voir à la télé, je n'ai lu aucun livre de ce psychiatre et spécialiste de l'ethnopsychiatrie. 
J'ai lu "Ce pays qui te ressemble." avec beaucoup d'intérêt, un livre de 540 pages avec quelques longueurs, j'ai sauté quelques lignes, les prières revenaient un peu trop souvent, elles ne me semblaient pas indispensables à la compréhension du livre, mais si elles n'avaient pas été
 citées, l'histoire n'aurait sans doute pas eu toute sa crédibilité. 
Nous comprenons très vite que les habitants juifs d'un quartier du Caire pratiquaient un peu la sorcellerie, étaient très superstitieux, priaient sans cesse pour protéger l'un des leurs et si cela ne suffisait pas s'alliaient aux arabes pour que l'une des leurs enfante, stérile depuis trop longtemps.

C'est une saga qui débute dans les années 1920 et finit à la chute du roi Farouk, Nasser le chasse, en 1952. Un roman historique et un grand roman d'amour.

Zohar, le héros du livre, naît dans ce ghetto juif du Caire, sa mère est considérée un peu folle, sujette à des crises d'hystérie, mais Esther est une jeune fille flamboyante, elle épouse Motty qui est aveugle, un immense amour les réunira lui l'aveugle qui devine tout et elle qui sera la lumière de ses yeux. Elle ne sera pas enceinte pendant des années, une sorcière arabe lui permettra d'avoir un enfant après toutes sortes de rites.
Les mauvaises langues qui se réunissaient sur les marches de la ruelle dite du jeudi critiquaient beaucoup Esther, mais elles la craignaient aussi, elles pensaient qu'elle possédait des dons.
Lorsque Zohar naît, petit garçon chétif, Esther ne peut pas le nourrir, pas une goutte de lait, elle doit faire appel à une nourrice qui allaite Masreya, une magnifique petite fille qui aura une voix d'or et qui plus tard charmera le roi Farouk.
Les coutumes juives interdisent à deux enfants de lait de s'unir plus tard et pourtant Zohar et Masreya seront attirés l'un vers l'autre. La malédiction planera sur eux.
Zohar sera un enfant un peu bizarre pendant quelques années, il aura du mal à trouver sa place au milieu de ses deux parents qui s'aimaient tant. Il deviendra un jeune homme un peu taciturne mais "dégourdi", réussira dans les affaires, jusqu'à ce qu'il soit obligé de quitter l'Egypte, les juifs seront persécutés. Ils possédaient un passeport italien, fourni par les Italiens pour qu'ils acclament le maréchal Pietro Badoglio en visite officielle au Caire, en tendant le bras droit, habillés avec une chemise noire.
En fuite, en quittant l'Egypte, ils passeront tout naturellement par l'Italie.
Le roi Farouk adulé par son peuple lorsqu'il était plus jeune, sera détesté à la fin de son règne et obligé d'abdiquer en 1952.
Un pays où se côtoyaient toutes les religions, un pays envahi par les grecs, les turcs, les coptes, les juifs, les apatrides et qui sera à son tour victime des Frères Musulmans, de quelques fanatiques qui rendront ce pays dur, intolérant, déserté par les touristes plus tard.
Nino le jeune juif ami de Zohar se convertira à l'Islam, des pages sur la façon d'enrôler les jeunes "
– Notre prophète est un chef de guerre. Il nous guide par l’exemple. La communauté se réveillera par la guerre. Le djihad est l’exigence de la guerre… et la mort, notre plus fidèle alliée. – Que veux-tu dire ? – Il te faut comprendre, mon frère, si tu veux nous rejoindre. Notre amour de la mort, c’est la présence de Dieu. Tel est l’enseignement du Prophète. Et il répéta : – Tu dois aimer la mort !

J'ai aimé les paroles d'Esther ;
"Nous vivons près des Arabes comme un homme vivrait près de son foie. Leur Coran contient nos histoires et notre bouche est emplie de leur langue. Pourquoi ne sont-ils pas nous ? Pourquoi ne sommes-nous pas eux ?"
Question éternelle entre des peuples qui se ressemblent et qui n'arrivent pas à cohabiter.
Faux de croire qu'un pays ne peut vivre qu'habité par une seule communauté, nous avons besoin des autres.

Ce que j'ai aimé :

Apprendre et encore apprendre. Ce livre est un voyage dans une Egypte que je connais très peu, les livres d'histoire ne disent pas tout. L'occupation de l'Egypte par les Anglais qui voulaient grignoter sans cesse un peu plus de territoire.

En lisant les frasques du roi Farouk j'ai souri, les lectures de "Point de vue et images du monde" me revenaient en mémoire. Farouk fréquentait les actrices, les casinos, il était photographié. Il était devenu énorme.
Farouk avait eu un grave accident de voiture en Egypte et il n'était plus du tout le même après son séjour à l'hôpital, choqué. Je ne savais pas qu'il avait été cleptomane, il volait des objets précieux dans les maisons où il allait, au point que les propriétaires cachaient tout avant sa visite.
L'auteur nous fait découvrir les moeurs dépravées des puissants, le Shah d'Iran n'y échappe pas. 
Sa plume est quelquefois acérée.
J'ai aimé les odeurs, les parfums, la douceur de vivre dans cette ville avant la guerre. Les descriptions du désert, des bords du Nil. La sensualité du livre.
J'ai aimé lire la nostalgie de l'auteur "Si j'ai quitté l'Egypte, l'Egypte ne m'a jamais quitté. Quelquefois je pense que c'est seulement mon ombre qui est partie,alors que moi je suis resté là-bas, seul, errant, comme durant ma jeunesse."
Tous les déracinés pensent un peu la même chose.

J'ai en tête la photo de ce magnifique palace au bord du Nil, 
"L'old Cataract" Palace construit dans une Egypte alors britannique, les riches clients pouvaient et peuvent encore voir les felouques glisser sur le Nil. Si je ne me trompe pas, c'est dans cet hôtel que F.Mitterrand a vécu son dernier Noël.
Agatha Christie a écrit "Mort sur le Nil." en s'inspirant de cet endroit.




Je regrette vraiment de ne pas avoir connu ce pays.

Si vous aimez l'histoire, les histoires d'amour originales, apprendre en lisant un roman d'aventure, lisez ce livre, il devrait vous plaire.

Bye MClaire.