samedi 16 mars 2013

J'ai quelques heures devant moi avant de me rendre au dernier tournoi, la coupe de Biarritz.
Le temps a passé si vite, cette semaine est presque terminée et j'ai l'impression d'être arrivée hier. J'aime cette semaine entre parenthèses, laisser la maison, l'horizon familier, voir des inconnus ou des connaissances.
Je suis une grande bavarde,  hier j'allais rentrer au studio et évidemment j'ai trouvé sur ma route le mari d'une joueuse, il attendait tranquillement assis dans un fauteuil que sa femme finisse le tournoi du blitz, il lisait, nous avons parlé bouquins, île de Ré, l'heure est passée, c'est le temps d'une partie en blitz, j'ai pu récupérer Christian qui sortait de l'arbitrage des parties du bliz. Le mari de Mireille lisait un livre de Christian Signol, cet écrivain qui décrit si bien nos campagnes, dans l'après midi j'avais vu une femme de joueur qui lisait le dernier Olivier Adam, elle en était au début et ne savait pas trop quoi en penser, je lui ai dit de persister, j'avais adoré ce bouquin.

Je ne lis pas ici, ou si peu, pas le temps, j'ai tout de même fini "06H41" et j'ai commence un livre de Foenkinos que Michelle avait dans ses bagages, j'ai aussi près de moi "La vie rêvée d'Ernesto G" de Guenassia et "Grands-parents à vous de jouer.", mais ils sont restés dans le sac, j'ai de la lecture en rentrant.
Je sais déjà que je vais aimer celui de Guenassia, cela ne peut pas être autrement, quant à celui de Marcel Ruffo ce sera de la curiosité, je n'ai vraiment plus rien à apprendre de la vie d'une grand-mère, il arrive un peu tard, j'étais mamie assez jeune et j'ai appris à pratiquer sur le tas, au jour le jour. Avons-nous bien fait? Avons -nous fait des erreurs? Je ne sais pas, nous avons fait le mieux que nous pouvions avec beaucoup d'amour. Nous aimerions que beaucoup plus tard nos petits-enfants se souviennent des moments passés avec nous, des vacances qu'ils passaient chez nous, même si pour l'instant leur vie est loin de nous, pas en distance mais en pensée, ils ont des choses à faire qui ne nous concernent pas. Nous comprenons mais en même temps nous avons un pincement au coeur, surtout moi, j'ai l'impression qu'ils nous oublient. Ce n'est pas grave, chaque chose en son temps, ils reviendront....ou pas.

Passons à celui de Jean-Philippe Blondel "06H41" J'ai aimé. J'avais déjà lu du même auteur "G224" "Et rester vivant".
Le livre se déroule entièrement dans un train, celui de "06H41" il part de Troyes pour Paris, (Blondel est prof d'anglais à Troyes). Dans ce train se trouve Cecile Duffaut, quarante sept ans, femme d'affaires, elle repart pour Paris retrouver son mari et ses enfants après avoir passé un week-end chez ses parents, elle leur a rendu visite seule, ses enfants ont autre chose à faire et son mari aussi. Elle est pressée de repartir, ces visites qu'elle s'impose l'ennuient, elle ressent un sentiment de culpabilité, ses parents vieillissent mal, aigris ils vivent dans la routine, le moindre grain de sable et voilà sa mère complètement déphasée, Cecile avait décidé de rester une nuit de plus chez eux et aussitôt sa mère était devenue "de vierge des douleurs à vierge des angoisses" ce n'était pas prévu !
Les hasards de la vie font que le siège libre à côté d'elle se retrouve occupé par un homme avec qui elle a eu une aventure à vingt ans et qui l'a lâchement larguée, d'une façon goujate. La haine monte en elle en le reconnaissant. Elle qui était quelconque a bien vieillie, lui un peu ventripotent, commence à perdre ses cheveux, l'air las, n'a plus la superbe du Philippe Leduc que toutes les filles s'arrachaient; Il a divorcé, a deux enfants. Il la reconnaît.
Cecile est devenue une battante, lui vend de l'électroménager dans un magasin de Troyes, rien de flamboyant.
Tous deux ressassent ce passé sans se parler, deux monologues intérieurs, lui voudrait s'excuser, elle ne peut pas s'empêcher de ruminer cette haine qui arrive par vagues. Le frôlement des deux genoux va déclencher des émotions de part et d'autre.

C'est un bouquin sur nos contradictions, nos arrangements avec la vie, il nous fait comprendre que pour avancer dans la vie il faut savoir pardonner, ne pas rester sur les échecs. Dans le cas de Cécile le lâchage de Philippe a été bénéfique, après l'affront elle s'était jurée de devenir quelqu'un de ne plus être la jeune fille que les gens ignoraient, toujours d'accord avec tous, ne pas déranger, se faire transparente pour ne pas déranger.
Il y a des paroles ou des actes qui nous poursuivent toute notre vie, ils sont là dans notre subconscient, Est-ce que nous sommes devenus ceux que nous pensions être un jour?
Il y a aussi un passage qui m'a fait sourire, Philippe pense à ses parents, enfin à sa mère qui s'est remariée avec un marchand de vélos après la mort de son mari. Ils sont tout le temps en vadrouille, comme beaucoup de retraités nés dans les années 40, "Ont grandi avec la foi dans le développement du capitalisme, de l'amélioration du niveau de vie, du confort, de la médecine, du plein emploi. Marchaient tous ensemble vers un avenir radieux fait de machines à laver et de frigos."
C'est tout à fait ça, nous avons échappé à la guerre, nous avons connu mai 68, nous avons vécu les 30 glorieuses. Certains s'inscrivent à des croisières, ils jouent au scrabble, peuvent découvrir le monde. Ce ne sera sans doute pas le cas de nos enfants. Je sens quelquefois une pointe de jalousie chez nos jeunes voisins, nous partons souvent, ils restent chez eux. Nous avons une retraite qu'ils ne sont pas certains d'avoir. Un fossé entre nos deux générations. Je ne raconte jamais nos voyages, pas la peine de provoquer. C'est la vie. Quelquefois je me dis qu'ils ont bien de la chance d'avoir 40 ans, nous nous faisons des projets dans un délai très court, la vie passe. La vie peut réserver des surprises, comme dans le train de 06H41 qui part de Troyes pour se rendre à Paris.

Si vous prenez le train, lisez ce livre, regardez autour de vous, il y a peut être quelqu'un que vous avez connu lorsque vous aviez 20 ans et qui fera resurgir plein d'émotions. J'ai beaucoup aimé, il se lit facilement, parfait pour un voyage. 

Vous aurez des dessins dans ma prochaine gazette, ici je suis sur le wifi qui se déconnecte quelquefois.  Bye MClaire.