lundi 13 janvier 2014

"Le monde comme il me parle" Olivier de Kersauson.

J'ai lu deux bouquins cette semaine :
"Le monde comme il me parle" d'Olivier de Kersauson sorti tout récemment et "Un très grand amour" de Franz-Olivier Giesbert, publié en livre de poche, un peu moins récent.





J'ai aimé lire les deux.

Olivier de Kersauson irrite souvent, il est souvent cynique, paraît misogyne mais ne l'est pas vraiment, joue le rôle du bougon à la radio ou à la télé, j'ai toujours l'impression qu'il joue son propre personnage, il fait du Kersauson.
J'avais lu son précédent bouquin Ocean's Songs, j'avais adoré. Celui-ci est complètement différent, il se livre davantage, ce n'est pourtant pas une autobiographie, il raconte peu de choses de sa vie privée mais beaucoup de sa façon de vivre sa vie "Le plaisir est ma seule ambition", sa philosophie de vie.
Le mensonge est impossible sur la mer, ce grand marin, un des plus talentueux avec Tabarly n'a pas pu vivre dans le mensonge lorsqu'il était confronté aux éléments, il n'a pas pu échapper à lui même, je le crois sincère dans ses propos. Il a toujours mené sa vie en toute indépendance, a compris très vite que pour avoir la paix il fallait faire croire aux autres qu'il était ce qu'ils voulaient qu'il soit tout en rêvant et ensuite en vivant la vie qu'il voulait, lui, sans s'occuper des autres.
Il s'est donné les moyens d'avoir ce luxe.

Evidemment, j'ai été un peu irritée en lisant qu'il fallait piloter sa vie, beaucoup d'entre nous n'ont pas les moyens de leur liberté, pour plein de raisons, financière, familiale etc...Il faudrait une grosse dose d'égoïsme pour décider de plaquer tout le monde, aller au bout du monde parce que nous pensons que c'est là que nous serons heureux. ll aurait fallu construire cette vie avant de s'engager sur un autre chemin, mais peu de jeunes savent très vite ce qu'ils veulent, ils se piègent seuls dans la routine, cette routine est leur bonheur ou au contraire l'amertume s'en mêle et il est trop tard parce que le système s'est emparé de leur vie, ils ne peuvent plus y échapper.
La force de Kersauson est qu'il a toujours pensé que la vraie vie est en mer, sa passion, il part et ne revient que pour "jouer les apparences." Il peut le faire sans aucun remords. Sa famille n'est pas sa priorité, il dit souvent qu'il les aime, mais à sa façon. Il prend des risques parce que pour lui la vie ne vaut rien sans ces risques, c'est une philosophie que tout le monde ne partage pas.
Mais en même temps il n'oblige personne à le faire, il s'en fout, la vie des autres ne l'intéresse pas. Il ne supporte pas la vie en groupe.
"Mais jamais je ne me permettrais de conseiller quiconque : ce serait indécent. C'est pourquoi à l'inverse, je n'accepte pas qu'on me dise ce que je dois faire. Ce que j'aime dans la vie c'est décider. J'ai voulu vivre ce que je sentais être ma vie. C'est lumineux. Et c'est simple."
Voilà, tout est dit.

Un moment d'émotion dans le livre "Ma mère est décédée il y a peu. Plus personne ne portera sur moi, un regard bienveillant. Ici, "bienveillant" signifie : quelqu'un qui veille avec l'envie du bien. Etre bienveillant, c'est aller chercher la part de merveilleux chez l'autre."

Ce solitaire est tout de même tombé amoureux d'une polynésienne, chose incroyable pour lui il s'est marié une deuxième fois, lui qui pensait ne plus jamais le faire. Il a 69 ans, il dit qu'avec l'âge il s'améliore dans ses rapports avec les autres, il navigue que pour son plaisir, sa vie se partage entre la Polynésie et Brest, là encore il s'est donné le luxe du choix. Chapeau, vous avez été un grand marin, un sacré bonhomme même si vous m'avez quelquefois irritée. 





J'aime beaucoup Franz-Olivier Giesbert, l'écrivain, le journaliste, je ne connais pas l'homme donc je ne peux pas juger, on ne dit pas toujours du bien à son sujet, il peut être cruel dans ses propos, tromper les autres en leur faisant croire qu'il est leur ami pour soutirer des renseignements qu'il utilisera ensuite dans ses articles ou dans ses romans.
Ce n'est pas le cas dans ce bouquin puisqu'il se met en scène, enfin il jure que ce n'est qu'un roman, il écrit "Tous les personnages de ce livre sont purement imaginaires, sauf l’amour, le cancer et moi-même.” Il reste quoi de fictif? Pas grand chose.

Antoine est journaliste, écrivain plus ou moins, il commence beaucoup de romans et il ne va jamais jusqu'au bout. Il tombe amoureux, épouse, trompe aussitôt, déprime lorsqu'il est largué alors qu'il a vraiment tout fait pour que l'autre le chasse, il pense toujours que la nouvelle femme le fixera, c'est celle qu'il cherche depuis si longtemps. Il ne paie pas les pensions alimentaires de ces nombreux enfants, a des amis célèbres tel que Julien Green avec qui il a des conversations passionnantes.
Antoine a besoin de l'amour pour se sentir vivant, il est toujours à la recherche de celle qui le fera planer, le temps passant il se lasse. Le sexe est très présent dans sa vie, il faut qu'il jouisse dans tous les sens du terme, il lui arrive même d'être atteint de priapisme en ayant une discussion avec Mitterrand qu'il admire,

Arrive la rencontre avec Isabella, plus jeune que lui, il tombera éperdument amoureux j'ai envie de dire comme toujours et quittera sa femme très riche pour Isabella qui n'a rien, il lui fera deux enfants. Un jour arrive l'impensable pour un homme si fier de sa virilité, le cancer de la prostate, il distribuait sa semence généreusement, va t-il pouvoir encore le faire? Un cancer virulent qu'il faut soigner très vite, là FOG ne cache rien, le traitement, les conséquences, les détails sont crus, presque gênants, les mictions fréquentes, les petits pissous comme il dit, et puis il y a la virilité retrouvée, mais Isabella choisira ce moment pour le quitter, elle souffre de phobies et la phobie du cancer de son mari l'atteint, elle partira.
Il déprimera une nouvelle fois mais cela ne l'aura pas empêché de tomber amoureux de son infirmière pendant son traitement et de la revoir. Inguérissable de l'amour.
L'homme peut nous paraître méprisable, pitoyable, il reste cependant paradoxalement attachant à cause de ces faiblesses, je le trouve même un peu maso dans ses réflexions, une femme n'oserait pas écrire des choses aussi intimes, lui ose, c'est assez rare cette impudeur chez un homme.

Il y a beaucoup d'humour dans ce bouquin, des larmes mais personnellement je n'ai jamais eu la larme à l'oeil. Il y a tout ce qu'il faut pour nous divertir, un livre agréable et tellement humain dans le sens que nous avons tous nos faiblesses.

Dimanche je rendais un bouquin prêté et la joueuse me disait qu'elle n'aimait pas FOG, elle n'était pas arrivée à lire "La cuisinière d'Himmler" que j'ai tant aimé. Nous n'avons pas tous les mêmes goûts de lecture, alors pour celui-ci ce sera sans doute la même chose, vous aurez sans doute une lecture différente de la mienne selon que vous serez un homme ou une femme.

Bye MClaire.