mardi 19 mai 2015

"La petite galère" Sacha Desprès.



Une découverte. Un premier roman très réussi, prêté par F.A.Niquille, scrabbleur suisse, normal qu'il le connaisse, ce roman a été soutenu par l'état de Vaud et imprimé en Suisse. J'espère qu'il sera apprécié en France, ce serait mérité. 
L'auteure Sacha Desprès est française, elle a vécu 19 ans dans une cité, elle connait parfaitement le fonctionnement de la cité, ses règles, ses codes, sa violence, sa solidarité.


Vous ouvrez le livre, vous lisez quelques pages et vous ne pouvez plus vous arrêter.
Nous comprenons très vite le désir de l'auteure, comparer "la petite maison dans la prairie" et la cité qui s'appelle "La prairie". Les personnages portent les mêmes prénoms, Caroline, Charles, Marie, Laura, Nelly (j'aimais bien Nellie Oleson, je riais beaucoup lorsqu'elle apparaissait dans le feuilleton, les enfants aussi).
Dans le feuilleton tout n'était qu'amour, dans la cité non.

Lorsque Caroline la mère des deux filles décide de ne plus vivre, Marie et Laura se retrouvent seules, un père qui n'était vraiment pas à l'aise avec ses sentiments, l'amour le gênait, ses filles le dérangeaient, il ne savait pas comment s'y prendre, et comme de nombreux hommes assez lâches il a quitté le foyer, s'est mis à boire, s'est occupé très peu de ses enfants mais versait une pension alimentaire, pas grand chose mais il donnait son chèque assez régulièrement, une manière de se dédouaner, il a très vite oublié la tentative de rapprochement avec ses enfants. Les filles méprisaient ce père. Marie l'aîné avec l'accord de la justice va s'occuper de Laura beaucoup plus jeune qu'elle, une ado.

Il y a donc un avant et un après, la mère était aimante mais déprimée. Il faudra que Marie la jolie remplace cette maman auprès de Laura, elle le fera avec amour mais aussi avec beaucoup de maladresse. Les deux soeurs vont se tenir chaud au creux du lit. Marie a de nombreux amants, elle raconte tout à Laura qui est une adolescente amoureuse de son professeur, jusqu'au jour où Wilder le prof posera ses mains sur elle. La sexualité tient une grande place dans ce roman, c'est même quelquefois assez trash, mais jamais vulgaire.
Un jour dans cette relation entre les deux soeurs, relation tellement fusionnelle, arrive Jack, un prédateur, un pervers, Marie la jolie en est folle, il arrive à s'immiscer dans leur vie, fait prendre des crédits à la consommation à Marie, s'installe chez les filles, Laura le déteste, devine le pouvoir de nuisance de cet homme, ne comprend plus sa soeur qui se dessèche au contact de cet homme. C'est là que la vraie galère s'installe, jusqu'au drame.

Je vais vous laisser découvrir ce livre, si vous aimez lire, il ne peut que vous plaire, enfin plaire n'est pas le mot exact, plaire est un joli mot, il évoque de beaux sentiments et dans ce monde de violence il n'a pas sa place.. Vous intéresser, beaucoup vous intéresser.

J'ai aimé ce récit parce qu'il sonne juste. J'ai aimé les passages sur la solidarité entre les habitants de cette cité, le personnage de Djamila, cette femme qui nourrit de son amour et de gâteaux celles qui sont là. Djamila confectionne la chorba aux langues d'oiseaux (tiens, j'avais oublié les langues d'oiseaux, ces petites pâtes à potage) "du rez-de-chaussée au sixième, on sent l'espoir qui mijote dans des plats en terre cuite." Djamila vit sans homme, il est aussi parti au bled, elle élève seule ses enfants mais aime une autre femme.

J'ai aimé la description de notre époque :
"Pendant ce temps, sur la Planète France, on patauge. Les canards ont dévoré la miche et leurs petits ne se contentent pas des miettes. Ce que veut la jeunesse : des rêves à consommer sur place , de l'émotion @ immédiate.fr"

J'ai découvert le langage de ces ados qui parlent avec les mots de leur époque, je n'ai pas trop d'occasions pour les découvrir à Baden !! Keus, teubrés, seugro, tarbas, teuch...

Premier roman bien abouti, bien maîtrisé, je réclame le deuxième..

Publié aux éditons l'Age d'homme à Lausanne.

Bye MClaire.