lundi 25 mai 2015

Florence Aubenas "En France"


Je viens de le terminer, dehors au soleil, bien installée et je pensais que j'avais bien de la chance de me prélasser au soleil alors que tant d'autres se battent pour survivre, j'en suis consciente.
J'aime cette fille au regard droit et franc, avec un franc-parler, qui s'intéresse aux autres. Florence Aubenas a publié un livre sociétal, elle a fait une compilation de ses articles publiés dans Le Monde depuis 2012. Avec ce regard droit elle a fouillé les plaies de La France, la misère, le chômage, la montée du FN, le désarroi des jeunes, les cités, les vacances en Camargue sur la plage de Piémanson, le camping sauvage sans confort, cette plage qui voit revenir chaque année des centaines de campeurs qui ne céderaient leurs places pour rien au monde, le chapitre le plus jubilatoire du bouquin. Des personnages hauts en couleur. J'avais vu un reportage à la télé, c'était exactement ce qu'elle écrit.

Florence Aubenas s'est beaucoup promenée dans Hénin-Beaumont, cette petite ville qui a fait la une des journaux lorsque le FN s'est installé à la mairie, elle fait parler les habitants, essaie de comprendre leur vote. Elle n'apporte jamais de solutions mais elle cherche à comprendre ce qui a fait basculer les gens qui votaient à gauche vers l'extrême droite, un raisonnement quelquefois primaire "Si Marine le dit, elle a raison, elle a fait des études". La région du Nord est la plus touchée par le chômage mais ils ont le plus grand Auchan d'Europe chez eux, cherchez l'erreur !!

Il est aussi question des Roms qui squattent des immeubles presque effondrés sans eau, sans électricité, à St-Etienne ils sont environ 300 qui vivent de rapines et de mendicité, ils viennent chercher un appartement, du boulot, des allocations et finissent dans la rue. Là encore l'auteure ne juge pas, elle décrit c'est tout.

La prostitution des jeunes filles est aussi une réalité "missions-michetons" s'offrir les dernières fringues à la mode lorsqu'on habite la cité n'est pas chose aisée.
Il y a aussi ces filles qui sont mamans de plus en plus jeunes, des gosses qui font des gosses, dans les lycées la chose est de plus en plus courante.

Les dealers, ceux qui surveillent et qui gagnent 30 euros par jour pour quelques heures de boulot , ils parlent comme si ce trafic était un vrai boulot, à 21 heures ils quittent le "travail".
"Il paraît qu'à la cité des Canibouts, les guetteurs ont droit à un sandwich grec en plus de la paie.
-Oui, mais les horaires sont plus cool ici, on s'arrête à 21 heures".
Presque prêts à monter un syndicat des guetteurs ces deux là.

Les stages, les CDD, la volonté de quelques jeunes pour s'insérer dans le monde du travail. "Les embauchés" chez Peugeot, ceux qui ont un CDI et ceux qui en rêvent.
"J'ai un bon présentéisme, je suis bien vu des chefs. Il faut être bien vu quand on a de l'ambition".

L'absurdité de la carte scolaire.

Le désespoir des paysans.

La désertification des campagnes, ces villages où il n'y a plus une seule station-service, nous l'avons constaté en rentrant de Vichy, plus rien, il faut se rendre à la grande surface du bled voisin. La précarité des habitants fait que la voiture reste souvent au garage, le patron de la station faisait crédit, pas la grande surface.

Tout un pan de la France qui s'effondre et Florence Aubenas nous décrit cette France avec un style plein de rigueur, comme une journaliste. C'est un livre coup de poing, la télé nous informe, nous savons mais nous ne soupçonnons pas toujours certains détails. Très souvent les jeunes préfèrent rester à la Courneuve qu'arpenter les Champs-Elysées, ils se sentent chez eux dans la cité, pas dans les beaux quartiers.

C'est un bouquin très intéressant, ce n'est pas misérabiliste, les gens décrits essaient souvent de vivre dans la dignité, ils méritent aussi le respect. J'ai aimé ce livre, qui est pourtant quelquefois déprimant, peu de solutions à toute cette misère, mais la réalité est là. J'espère, parce qu'il faut toujours espérer, qu'un jour Florence Aubenas écrira un bouquin sur la renaissance de la France, un si beau pays, avec des atouts qui ne sont pas négligeables. J'espère surtout que le monde de l'argent aura compris qu'il mène la planète à sa perte, lui avec, mais ça c'est une autre histoire.....

Bye MClaire.