dimanche 19 juillet 2015



Nous ne pouvons pas tout lire, il peut arriver que nous passions à côté d'un chef-d'oeuvre, mais il peut aussi arriver qu'une connaissance vous fasse découvrir un auteur, un livre. Merci à Luc Maurin de m'avoir conseillé "L'usage du monde", un classique des livres de voyages. J'ai cherché ce livre dans les grandes surfaces, je l'ai un peu oublié et en parcourant une vieille librairie dans une petite rue de VIchy, j'ai trouvé ce bouquin aidée par une vendeuse qui connaissait parfaitement son métier. Je l'ai acheté, je l'ai posé sur ma pile à lire, je ne me décidais pas à l'ouvrir, j'attendais le moment propice, le moment où nous ne sommes pas dérangés, dans le calme du jardin, pour pouvoir voyager avec l'auteur sans être interrompue, partir dans mon imaginaire, rêver mais aussi réfléchir, ce livre est une très belle épopée mais il est aussi philosophique, magnifiquement écrit, d'une façon poétique, un vocabulaire très riche, une mine d'or pour des joueurs de scrabble.

Nicolas Bouvier a publié ce livre en 1963, presque confidentiellement, il a été réédité en poche dans les années 90, succès de librairie, il est devenu la bible de ceux qui décident de faire un grand voyage, seuls.
L'auteur est parti avec un ami Thierry Vernet, peintre et dessinateur, une petite voiture de l'époque, une Fiat topolino,
(une voiture qu'ils pouvaient réparer eux-mêmes, loin de nos voitures modernes qui refusent la main de leur propriétaire)


devait les conduire jusqu'en Inde, ils sont partis de Belgrade ensemble et sont arrivés à Kaboul ensemble. Thierry Vernet a quitté le voyage à ce moment là pour rejoindre son amoureuse à Ceylan.

J'ai dégusté ce livre, il faut absolument le lire lentement. Ne pas le parcourir comme un voyage organisé, des pays parcourus à toute vitesse. Nicolas et Thierry ont pris leur temps, le voyage est lent dans ces pays où nous ne pourrions plus aller à notre époque. J'ai trouvé ce livre un peu visionnaire, en le lisant en ce moment nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à ce qu'il se passe de nos jours. L'Islam, une religion éprise d'essentiel "sans cesse entretenu par le spectacle d'une nature où l'homme apparaît comme un humble accident, par la finesse et la lenteur d'une vie où le frugal tue le mesquin. Le Dieu de l'Hindou Kouch n'est pas comme celui de Bethléem, amoureux de l'homme, il est son créateur miséricordieux et grand". Une religion pleine de douceur. Loin de celle que des hommes veulent faire accepter.
La voiture souvent poussée par nos voyageurs dans les cols, sur des chemins épouvantables, traversera la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, l'Iran où ils resteront longtemps, l'Afghanistan, des descriptions poétiques de Kaboul qui est décrite comme une ville pleine d'agrément, de ressources. Les Afghans qui n'ont jamais voulu accepter l'étranger mais qui entrebâillent leur porte pour en laisser passer quelques-uns, tout a bien changé.


    Les galères aussi, les mouches, la malaria, les maladies. Ils pèseront à peine 100 kg à eux deux. Gagner leur vie pour pouvoir continuer ce voyage qui les dépouille de tout sauf de leur vie intérieure. Les rencontres avec des personnages atypiques qui se révéleront généreux lorsqu'ils seront désespérés. Ils seront même hébergés en prison, un hôtel original qu'ils ne refuseront pas. C'est vraiment un récit qui décrit la découverte de l'autre, sans haine.

    Nous ne pouvons pas raconter ce livre comme un roman, c'est un récit, il faut le lire et le relire, avec un brin de nostalgie, ce monde nous ne le connaîtrons plus, ces paysages nous ne pourrons jamais les voir tels qu'ils sont décrits, c'était en 1953. Le monde a terriblement changé.
    En rêve, j'ai traversé ces pays avec eux, attention ce n'est pas un guide touristique. Il est illustré, des dessins de Thierry Vernet
    Je vais essayer de lire du même auteur "Le poisson-scorpion". Nicolas Bouvier est mort d'un cancer en 1998.

    La vie est faite de rencontre, hier nous bavardions avec un ami en face de l'île de Berder, un monsieur s'est approché, il le connaissait bien aussi, il est d'origine algérienne, marié avec Valérie. J'étais en pays de connaissance puisqu'il revenait de vacances en Algérie, cela faisait 35 ans qu'il n'était pas allé dans son pays et dans sa ville Sétif. A chaque fois que j'entends parler du Constantinois je parle d'Herbillon, le paradis de mes vacances lorsque j'étais enfant, il connaissait bien, il avait des photos prises récemment qu'il doit m'envoyer, nous avons bavardé à bâtons rompus, et il m'a conseillé un livre "Les voleurs de rêves" de Bachir Adjadj, 150 années de la vie d'une famille algérienne.

    « Je ne suis pas « beurette », je me sens française jusqu’au bout des ongles, mais j’ai l’impression de manquer d’une dimension et je voudrais savoir d’où je viens » lui avait dit un jour  sa fille. Alors l’auteur lui révèle l’histoire de ses ancêtres - telle que la lui ont transmise ses parents. Il la raconte avec, en toile de fond, la guerre d’occupation et le régime du sabre que connut l’arrière grand-père Saad, le vieux taleb, la colonisation proprement dite que traversa Saïd son grand-père, personnage frondeur et pittoresque, et que servit, comme Caïd, son père, ancien défenseur de Verdun. Il lui parle de sa propre enfance arabo-coloniale dans une famille polygame, de l’archaïsme du père autant que de son obstination à envoyer ses très nombreux enfants à l’école de la République, et de ce que fut son adolescence insouciante. Il lui dit ce que fut la guerre d’Algérie qu’il fit, malgré lui, d’abord comme soldat français appelé du contingent, puis sa prise de conscience et son engagement dans l’ALN sur les frontières. Il raconte comment il vécut intensément les rêves fous de l’indépendance et ses premières dérives, l’Algérie des folles chimères et des déceptions douloureuses, qui, aussitôt libérée, s’est empêtrée dans son avenir, devenu son calvaire ..." 
    Nous avons passé un délicieux moment en leur compagnie.

    Bye MClaire.