dimanche 19 juin 2016




Je viens de terminer ce roman, j'ai aimé, dès que j'avais un moment de libre je me plongeais dans ses pages, avide de lire la suite et ce n'est pas un polar, pas de suspense mais le bouquin est passionnant, j'ai lu quelque part qu'il tenait lieu de chicha (ou shisha), envoûtant un peu languissant par instant, à l'image de ces peuples orientaux pour qui rien de ce qui constitue notre vie ne nécessite de se presser. Prendre son temps.



J'ai acheté ce roman au salon du livre à Vannes, Marc Victor présentait son livre et le vendait sur un stand à côté de J.Boissard, ce n'est pas du tout la même littérature, j'ai beaucoup lu J.Boissard à une certaine époque.
J'ai trouvé cet écrivain sympathique, l'air un peu las, un peu triste, il n'a pas la parole facile, enfin ce jour là, il avait peut être très mal dormi !! mais il m'a donné l'envie de lire son roman que j'associais un peu à celui de Nicolas Bouvier "L'usage du monde" la quête d'autres horizons, d'autres civilisations. Nicolas Bouvier a écrit son livre en 1954, M.Victor en 2015 publié en 2016, les peuples des pays traversés ont beaucoup changés, les deux hommes sont passés par Kaboul dans des conditions bien différentes.
Il y a une citation de N.Bouvier au début de son livre :
"Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit de vous détruire."
J'avais vu juste, N.Bouvier l'a bien inspiré.
J'avais écrit une gazette :

Le héros du livre Pascal qui dans la vraie vie doit s'appeler Marc, a passé sa jeunesse à Toulouse, une jeunesse gâtée, milieu aisé, études brillantes au lycée Bellevue, un père enseignant, une mère musicienne. 
Corto va entrer dans sa vie, camarade de classe qui enchaîne les bonnes notes, rival potentiel, Corto n'est pas issu du même milieu aisé, il habite un petit appartement un peu crasseux avec sa "mémé" et sa soeur. Après un moment d'observation, il se créera entre Pascal et Corto des liens d'amitié, mais ces deux là n'arriveront jamais à se parler vraiment, leurs sentiments profonds resteront enfouis. Ils philosophent beaucoup, ne s'épargnent pas, ont une vision très réaliste de l'autre :
Corto dit à Pascal 
"Et avoir de l'humour ce n'est pas donné à tout le monde, c'est un hommage que tu rends à tes parents. Car rire de soi, c'est se mettre en danger, et pour s'y risquer, il faut s'estimer, et donc avoir été suffisamment aimé.."
Corto maniait mieux le sarcasme que l'autodérision, une façon de faire comprendre qu'il n'avait pas été suffisamment aimé. Ils communiqueront toujours de cette façon.

Pascal deviendra reporter, il partira au Cambodge couvrira la guérilla, rencontrera les Khmers et Corto le rejoindra pour prendre des photos qui se vendront très bien. Un Cambodge exsangue qu'ils quitteront pour le Vietnam.
Ils reviendront se reposer dans les Pyrénées, retrouveront leurs souvenirs d'enfance et Valérie la petite bordelaise qui a fait sa vie dans leur village où ils passaient des vacances, ils ont aimé Valérie à tour de rôle, qui est le père de Séraphin, le beau petit garçon qu'elle tient par la main ?

Ils repartiront pour l'Afghanistan, Corto toujours mystérieux, insaisissable, Pascal ouvrira un restaurant dans Kaboul, très fréquenté par les expats qui viendront chercher dans cet oasis leur dose d'alcool et autres plaisirs.Il passera beaucoup de temps à rêvasser sur un canapé. Est-il heureux ?
Encore une fois ils aimeront la même femme Pia, une Danoise qui travaille dans l'humanitaire.

C'est l'histoire de deux hommes qui cherchent comment donner un sens à leur vie, c'est surtout l'histoire d'une grande amitié, Corto disparaîtra de Kaboul, Pascal le cherchera t-il vraiment ? Son meilleur ami était-il son rival ? Séraphin le petit garçon devenu adulte rejoindra Pascal à Kaboul, c'est lui qui détiendra la clé du mystère qui entourera la disparition de Corto.

J'ai aimé les réflexions profondes écrites sur notre société, l'auteur ne nous épargne pas :
"Chez nous, nous avons oublié la violence de l'Histoire. Le réveil va être cruel : des mondes anciens, barbares, vont ressurgir, des puissances économiques et militaires vont écraser nos petits conforts, nos protections dérisoires.Tout n'est plus que compétition, bassesse, spoliation...La vulgarité est généralisée, les sentiments primaires et le langage, en décomposition..Rien ne sera épargné par les évolutions brutales du monde."

Cela peut donner à réfléchir.

J'ai quitté ce livre à regret, très bien écrit, très documenté, une description très réaliste du monde Afghan des années 2000 :
"Vous connaissez des Afghans sympathiques, fidèles, attachants. Ils trouveront certainement un intérêt à votre relation -ne me dites pas que vous n'avez jamais fait des cadeaux à votre ami, là, Enayat..."
"Mais au bout du compte, de ce pays, quoi que vous fassiez, vous en serez chassé."
"C'est dans notre sang, on ne supporte jamais longtemps les étrangers." 
La description cruelle du colonel Juju, qui s'est autoproclamé gouverneur de la région est terrifiante, un chef de guerre qui terrorise. Des officiers qui étaient avec le gouvernement communiste, contre les anticommunistes..puis avec les anticommunistes contre ce même gouvernement communiste ! puis contre les talibans, puis avec les talibans, puis contre les talibans.
De la "réalpolitik".

Je vous le recommande, vous ne pouvez pas ne pas aimer.

Bye MClaire.