vendredi 21 octobre 2016

"Berezina" Sylvain Tesson


Sylvain Tesson est un écrivain-voyageur ou le contraire.
Vous le connaissez, il passe quelquefois à la télé, la dernière fois que nous l'avons vu il était très mal en point, le visage partiellement paralysé, lunettes noires. Lui qui a parcouru une partie du globe, tenu des paris insensés dans des conditions extrêmes, est tout simplement tombé en escaladant la maison d'un ami à Chamonix, dix mètres de chute, des jours de coma.
Il est le fils du journaliste Philippe Tesson, je lis souvent le qualificatif de bobo en ce qui le concerne, un aventurier-bobo, je ne crois pas, mais on n'échappe pas à son éducation.
J'ai toujours aimé lire les bouquins qui racontaient des expéditions, des aventures, des marches à travers un pays, ou le tour du monde en vélo, il faut avoir le courage de tout quitter pour vivre ses rêves, j'admire.

L'histoire de cette aventure en side-car ou sidecar pour les scrabbleurs :

Sylvain Tesson et ses compagnons décident de parcourir en hiver 4.000 km à travers la Russie jusqu'à Paris, en side-car, un Oural,  rendez-vous est donné au pied de la statue de Napoléon aux Invalides. Ils décident de refaire le chemin qu'a parcouru l'armée impériale après la débâcle en Russie, les hommes et les chevaux, des milliers de morts sur ce chemin, et l'Empereur en tête qui finalement laissera ses troupes continuer seules, lui rejoindra Paris plus vite en compagnie de Caulaincourt, le grand écuyer, qui plus tard écrira sa Berezina pour les générations futures .
Personnellement, j'ai trouvé ce livre remarquable, mêler l'Histoire et sa propre histoire, une très bonne idée.
Nous avons tous appris dans les livres d'histoire la vie de Napoléon, mais les détails n'y étaient pas. Nous redécouvrons le courageux Maréchal Ney, les horreurs de cette campagne, ces hommes oubliés par l'histoire qui suivaient l'Empereur sans se poser de question, il fallait survivre à n'importe quel prix, marcher et encore marcher jusqu'à Vilnius où ils pensaient enfin manger, mais "les bourgeois, voyant arriver ces torrents de possédés couverts de peaux de bêtes, firent ce que font les bourgeois quand ils sont menacés : ils fermèrent les portes de la ville." (rien ne change.) "La marée de zombies se fracassa contre les remparts."
La famine, les poux, le typhus, la fatigue, l'épuisement, auront raison de ces hommes.

Tout au long du livre, l'auteur se pose des questions sur la notion d'honneur, l'amour de la Patrie, un mot bien démodé, sur l'individualisme de notre époque.
J'ai beaucoup aimé les dernières pages, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle avec notre époque actuelle. Napoléon faisait rêver "Les hommes sont prêts à tout pour peu qu'on les exalte et que le conteur ait du talent."
Avec lui tout était possible, vous étiez charcutier, vous pouviez finir maréchal. "Il n'était plus nécessaire d'être bien né, il suffisait d'être ardent."

Qui nous fait rêver actuellement ? Je cherche.

"Qui était Napoléon ? Un rêveur éveillé qui avait cru que la vie ne suffisait pas. Qu'était l'Histoire ? Un rêve effacé, d'aucune utilité pour notre présent trop petit."
Un vrai communicant. Il utilisait toutes les techniques de la publicité actuelle.

Qui est véritablement Sylvain Tesson ? Un homme que la Russie fascine, qui veut vivre pleinement sa vie et mourir de mort violente plutôt que finir sans passion.

J'ai beaucoup aimé mettre virtuellement mes pieds dans ces paysages glacés traversés par des hommes un peu exaltés, excentriques, aimant beaucoup la vodka, sans une seconde d'ennui. "En Russie, l'art du toast a permis de s'épargner la psychanalyse. Quand on peut vider son sac en public, on n'a pas besoin de consulter un freudien mutique, allongé sur un divan."

Un dernier passage :
"On ne manquait pas de communicants, nous autres; Mais ils ne nous parlaient pas la même langue. Il ne s'agissait plus de conquérir l'Orient en chargeant à cheval. En guise d'horizon, on nous dessinait des machines à café automatiques et des écrans plats. L'objectif n'était pas la gloire, mais le droit à un pavillon recevant la 5G. D'ailleurs "héros", c'était le nom que la presse donnait aujourd'hui aux pères et aux mères de famille."

J'ai acheté ce livre neuf chez Easy-cash, 3 euros 49, pourquoi 49 ? Je ne sais pas.
Je pense avoir lu qu'il était publié en poche.

Bye MClaire.