dimanche 6 novembre 2016

"La septième fonction du langage" Laurent Binet





Gaël Faye était nommé pour le Goncourt, voir ma gazette précédente, il ne l'a pas eu, je m'en doutais et je suis presque heureuse pour lui, c'était trop tôt, il est jeune, le Goncourt peut bloquer un écrivain, il n'ose plus écrire, la peur de ne jamais être aussi bon dans l'écriture. Il aura sans doute le Goncourt des lycéens, à voir.

Laurent Binet avait obtenu le prix Interallié en 2015 pour "La septième fonction du langage."
L'auteur présentait son livre au Salon du Livre à Vannes, j'étais assise à trois mètres de lui, je le regardais autant que je l'écoutais, il est d'une beauté renversante, des beaux yeux verts, je crois, jeune, fougueux, très bavard, captivant, sympathique. Il est agrégé de lettres.
Ce grand bavard devait jubiler en écrivant son bouquin, il a même écrit quelques pages de trop à mon avis dans la deuxième partie, je l'avoue, j'ai sauté des pages, elles n'étaient pas indispensables à la compréhension du livre.

"Pourquoi les étudiants auraient-ils besoin de professeurs, si tout s’apprenait dans les livres ? Pourquoi ont-ils besoin qu’on leur explique ce qui est écrit dans les livres ? Pourquoi y a-t-il des écoles et pas juste des bibliothèques ? C’est que l’écrit seul jamais ne suffit. Toute pensée est vivante à condition qu’elle s’échange, elle n’est pas figée ou bien elle est morte."

Je confirme, il sait expliquer. 

L'histoire du livre :

C'est un polar mais un polar particulier, sorti tout droit de l'imagination de l'auteur, mais avec des personnages qui existent encore ou disparus;
Roland Barthes, sémiologue célèbre, se fait renverser par une camionnette après avoir déjeuné avec F.Mitterrand, nous sommes le 25 février 1980, il mourra quelques jours plus tard. Un fait réel. Est-ce un accident ou un attentat ? L.Binet a décidé dans son roman que c'était un attentat.

Définition de la sémiologie
Science qui étudie les systèmes de communication par signes entre les individus - Synonyme : sémiotique.

Roland Barhes (prononcer Barthes et pas "Barthés" comme N.Sarkozy !) aurait été ou serait en possession d'un document capital "La septième fonction du langage" écrit par Roman Jackobson. Celui qui détiendra la formule aura le monde à ses pieds, il saura convaincre tous ses interlocuteurs, maîtrisera parfaitement le langage. Les dictateurs de la planète sont évidemment intéressés.
Tous se mettent en quête de ce document.
Il y a des Bulgares, des Japonais, Giscard qui était au pouvoir et qui voudrait le garder, Umberto Eco, P.Sollers vit avec Kristeva une Bulgare pas étrangère à la mort de Barhes, attention toujours dans le roman, Foucault qui fréquente beaucoup les saunas gays sordides, Althuser philosophe et membre du P.C, il étranglera sa femme Héléne, là ce n'est pas du roman, c'est vrai. BHL dissimulé dans une chemise noire.
Le voyage à Bologne à la rencontre d'Umberto Eco.

Vous avez compris, Laurent Binet flirte beaucoup avec la réalité et la fiction, Philippe Sollers était d'ailleurs furieux, ce jeune écrivain est vraiment irrévérencieux, j'ai beaucoup ri en lisant la scène du repas chez Sollers. Parfaitement caricaturé.

Le couple que forme le flic J.Bayard et Simon Herzog, jeune intello repéré à la fac de Vincennes est savoureux. Simon sera l'interprète de Bayard qui ne comprend rien à la sémiologie, j'avoue il a aussi été le mien, le monde de la sémiologie m'est parfaitement étranger.

La magie de ce roman est que même si nous ne maîtrisons pas parfaitement, et quelquefois pas du tout, le langage fumeux des philosophes, nous lisons avec intérêt les pages où ils apparaissent. 
J'ai beaucoup aimé les pages où il décrit les politiques, les conversations inventées mais qui pourraient être vraies. La description de J.Lang jeune, grand ami de Foucault.
C'est aussi pour ma génération un retour aux années 80, Poniatowski apparaît comme un grand buveur de whisky, D'Ornano que nous avons oublié. 

On ne peut sortir de ce livre qu'un peu plus érudit et conscient de la force du langage, du pouvoir des mots.
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J'ai aimé ce roman, intelligent et drôle..

Bye MClaire.