Je flânais dans la librairie éphémère située à Argelès-Plage, tous les étés ils vendent des livres à des prix assez bas, j'ai été attirée par la couverture du livre et par le nom de l'auteur que je connaissais un peu, un vague souvenir de mon adolescence. J.Vallès a écrit à la fin de sa vie, pendant son exil une trilogie, "L'enfant." "Le bachelier." "L'insurgé."
J'ai acheté "L'enfant." et je suis retournée acheter "Le bachelier."ils n'avaient pas "L'insurgé."
'L'enfant." est un livre long à lire, dur, sombre, quelques traits d'humour, mais passionnant.
"« C’est dans cette prison que j’ai passé les heures libres de ma vie d’enfant...» Publié dans un journal.
Le décor est planté, cette maison est située dans un quartier pauvre du Puy-en-Velay. Le père est professeur aux maigres revenus , la mère est issue du milieu paysan, pingre, chaque sou compte et il se verra reprocher pendant toute sa jeunesse le moindre sou qu'elle dépensera pour lui. Enfant battu, il est le souffre douleur de cette mère qui exige de lui des bons résultats à l'école et qui arrivera à lui faire croire qu'elle le bat pour son bien, elle l'aime, elle fait bien de le battre, nous saisissons toute la perversité de cette relation.
Les seuls moments de liberté de bonheur, d'insouciance, sont les vacances qu'il passe à la campagne, à Farreyrolles, chez ses tantes et son oncle Jean qui dit le Bénédicité, le mot Amen est celui qu'il entendra le plus souvent lorsqu'il était petit.
Le père est muté à St-Etienne puis à Nantes, après une infidélité du père, la vie deviendra impossible, la mère reprochera sans arrêt cette incartade rendant le père violent, l'enfant sera battu par le père autant que par la mère. Il rate la fin de ses études et finit par obtenir le droit de retourner à Paris, il y avait vécu un an pendant ses études, le père avait jugé qu'il valait mieux se séparer de lui.
Jules Vallès avait écrit à son père "JE VEUX ETRE OUVRIER." injure suprême pour ce père qui s'était hissé dans la société, d'une famille ouvrière au rang de professeur.
"Te voilà, fainéant ?"
Et il a continué son chemin.
Fainéant ? - Ah ! j'avais envie de courir après lui et de lui demander pourquoi il m'avait jeté entre les dents, et sans me regarder en face, ce mot qui me faisait mal !
Fainéant ! - Parce que, dans le silence glacial de la maison, ce travail de bachot et cet acharnement sur les morts m'ennuient, parce que je trouve les batailles des Romains moins dures que les miennes, et que je me sens plus triste que Coriolan ! Oh ! il ne faut pas qu'il m'appelle fainéant !
Fainéant ! "
La fin du livre décrit un duel avec un St-Cyrien qui s'était attaqué à son père, il sera blessé mais couché dans son lit il entendra une conversation entre son père et sa mère :
"Il vaut mieux qu'il parte." dit le père
"Tu l'embrasseras avant de partir."
"Non. Tu l'embrasseras pour moi. Je suis sûr que j'aurais encore l'air chien sans le vouloir..C'est le professorat, je te dis ! Tu l'embrasseras et tu lui diras, en cachette, que je l'aime bien...Moi, je n'ose pas."
"Ah ! Je crois qu'il eût mieux fait de m'aimer tout haut ! Il me semble qu'il me restera toujours de ma vie d'enfant, des trous de mélancolie et des plaies sensibles dans le coeur."
C'est à Nantes que "Jacques" le prénom emprunté par Jules Vallès pour le désigner, deviendra un révolutionnaire, c'est là qu'il manifestera pour la première fois, trois ans plus tard il sera sur les barricades à Paris. Toute sa vie il défendra les Droits de l'Enfant au même titre que les Droits de l'Homme, la liberté de la presse lui doit beaucoup.
Il sera journaliste dans différents journaux au « Figaro », au « Progrès de Lyon », au « Globe », à « L’Evénement » et à « L’Auvergnat de Paris », il crée plusieurs titres : « La Rue », « Le Peuple », « Le Cri du Peuple ».
Il a été publié en 1879 mais j'ai retrouvé des scènes de vie des années 1950, les choses ont évoluées plus tard. Tout a basculé à la fin des années 50.
Lorsqu'il parle du respect du pain, enfants chez mes parents nous l'avions ce respect, nous ne finissions pas notre pain à la fin du repas, nous le retrouvions dans notre serviette pour le repas suivant, nous ne jetions pas le pain.
Les vêtements qu'il portait jusqu'à l'usure, nous n'avons pas connu ça mais il n'y avait pas Camaieu, Pimkie etc...le tissu coûtait cher, il y avait les habits pour aller à l'école et les vêtements du dimanche et il n'était pas rare que les vêtements de l'aîné ou d'une cousine passent au suivant..
J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce livre, que je n'aurais sans doute jamais lu si je n'avais pas eu l'idée de rentrer flâner dans cette librairie. Bouleversant, émouvant, révoltant.
Un livre à lire.
Bye MClaire.