dimanche 31 août 2014

Lionel Shriver "Big Brother"




Lionel Shriver est donc une femme. Ce livre est en grande partie autobiographique, elle a perdu son frère lorsqu'il avait 55 ans, il est mort d'une obésité morbide, il était devenu énorme à la fin de sa vie.

Si ce livre n'a pas été un vrai coup de coeur, il a été un vrai coup de poing.

On ne peut pas dire après l'avoir refermé "J'ai adoré" comme un roman, comme "Gary tout seul" par exemple.
Il est passionnant parce qu'il est authentique, c'est une histoire que nous pouvons croiser dans notre vie. Peut-on arriver à sauver une personne malgré elle ?

C'est l'histoire d'une femme mariée avec Fletcher un artiste-ébéniste qui ne vend pas ses meubles, elle par contre réussit dans son métier, tout à fait par hasard,un jour en s'amusant, elle a fabriqué une marionnette qui parle et cette marionnette connaît un vif succès, elle a une entreprise qui tourne bien, gagne beaucoup d'argent, sa vie privée semble réussie, Fletcher avait dans ses valises deux enfants, elle n'a pas eu à les fabriquer mais elle les aime, les éduque. 
Elle est la fille d'un artiste qui a eu son heure de gloire à L.A dans une série, les relations avec son père sont compliquées.

Le téléphone sonne, c'est un ami de son frère qu'elle n'a pas vu depuis quatre ans, ce frère jazzman  est dans la dèche et le copain en a assez de l'héberger, il lui demande de faire quelque chose, elle envoie un chèque pour le billet d'avion et l'attend à l'aéroport. Là surprise, le beau garçon qu'elle connaissait est devenu obèse, 174 kg, 
Il faut faire comme si rien n'avait changé, faire accepter Edison par son mari qui lui est plutôt filiforme, sportif et surtout par les deux enfants, la fille est pleine de générosité mais le garçon est plutôt acerbe comme de nombreux ados.
La vie deviendra vite intenable avec ce tube digestif à la maison, la nourriture prend une place prépondérante dans leur vie avec tous les inconvénients qui ne manquent pas de surgir. Il y a un passage que j'ai lu juste avant de me mettre à table, j'ai eu l'appétit coupé.

Pandora, la soeur, essaiera de conjuguer avec sa famille et trouvera une solution qui ne plaira pas à tout le monde. Elle a aussi besoin de perdre quelques kilos, ce sera l'occasion.

Il y a un rebondissement de taille à la fin du livre, je ne m'y attendais pas du tout.

Ce que je n'ai pas aimé :

Peu de choses en réalité, les quelques premières pages du livre, l'auteure parle beaucoup des séries télé américaines, et je suis nulle en séries, je n'aime pas, j'ai tout de même lu en attendant que le roman prenne son rythme, c'est très vite arrivé. Pour les séries, j'en suis toujours à Bonanza ou à l'inspecteur Maigret, c'est dire !!

Ce que j'ai aimé :

L'analyse parfaite d'un régime, elle a vraiment une profondeur d'analyse en décrivant les gens qui font un régime.
Si vous avez eu à un moment de votre existence l'envie de perdre quelques kilos, vous vous reconnaîtrez.
Je suis passée par cette phase après mes trois enfants. Nous prenons toutes des rondeurs après des naissances ou en vieillissant, sauf les veinardes qui peuvent s'empiffrer sans prendre un gramme. Je voulais maigrir et j'ai suivi un régime draconien, je fais toujours tout dans l'excès, je devais avoir la trentaine, j'ai maigri rapidement mais je n'arrivais plus à m'arrêter de maigrir, 46 kg, la limite où j'ai réalisé qu'il fallait arrêter, la nourriture me faisait peur, le poids était une obsession, c'est ce que doivent ressentir les anorexiques, une espèce d'euphorie d'être maigre, on se sent légère, bien dans sa tête, plus de problèmes de vêtements puisque tout va, sauf qu'en habillant un manche à balai il peut avoir la même allure.

Je n'étais pas anorexique, loin de là, je n'avais aucune raison de l'être, mon amour de la nourriture a repris le dessus au bout de quelques mois, j'ai repris quelques kilos sans excès, mon poids de croisière;
J'étais jeune, je bougeais beaucoup, je travaillais, je mangeais raisonnablement, aucun risque d'être obèse.
J'ai compris ce que le personnage du roman ressentait, c'est exactement ça, avoir envie de cuisiner pour les autres, je pense n'avoir jamais autant fait de bonnes choses que pendant cette période, résister était le maître mot.. On se sent fort.
Les années qui passent vous font gagner quelques kilos et la chimio n'a pas arrangé les choses, les malades croient qu'ils vont maigrir avec une chimio, c'est juste le contraire qui se produit, la cortisone fait son effet, on enfle, l'angoisse aussi fait grossir.
Je me suis de nouveau mise au régime, mais un régime pas agressif du tout, et ça a marché, mais cette fois-ci sans excès, sans frustration, pas du tout les mêmes sentiments que pour le premier, l'âge sans doute.
Le tout est de se sentir bien dans sa peau. Nous existons trop dans le regard des autres, nous sommes trop sensibles au physique des autres, la première chose que nous regardons chez une personne ce n'est pas son intelligence, sa façon de penser, d'exister, non c'est son physique, ensuite vient le reste; J'étais bien d'accord.

La nourriture tient une grande place dans notre vie de tous les jours, tout se déroule dans la journée avec le rythme des repas. "On mange quoi" "Il faut faire des courses" et chez certains d'entre nous cela devient obsessionnelle jusqu'au moment où le coeur ne suit plus, où le diabète s'installe, jusqu'à la mort, comme dans le roman, le tout est d'être raisonnable, de reprendre sa vie en main.

« Je m’excuse d’être une espèce ce gros lard doublé d’un tocard et de n’avoir rien de mieux à faire de la journée que traîner mon cul énorme et m’asseoir sur des meubles sur lesquels on m’avait expressément interdit de poser ses fesses. Je m’excuse de n’être qu’un gros nul […] De prétendre être un musicien de jazz célèbre dans le monde entier, alors que je ne suis rien d’autre qu’un morfale sans un rond, sans maison, qui s’accroche à sa frangine comme une sangsue et fout en l’air toute sa vie de famille. Je m’excuse d’avoir une grosse tête de grosses cuisses, de gros doigts et de gros orteils, ainsi qu’une grosse bite, même si mon bide est si gros que depuis deux ans je ne peux plus voir ma bite. C’est pourquoi, quand je détruis un objet irremplaçable et inestimable, je le remets bien en place, ni vu ni connu, pour que quelqu’un d’autre le trouve, parce que je ne sais pas me comporter en homme et reconnaître que je l’ai cassé ».

Ce roman nous fait aussi réfléchir sur les liens familiaux, quelle responsabilité avons nous face à ceux qui nous entourent ?  Les liens entre frère et soeur, nous obligent-ils à nous investir dans un sauvetage qui semble perdu d'avance ? Les relations sont souvent fragiles, il peut même y avoir de la culpabilité, ne pas avoir fait ce qu'il fallait pour le sauver.

Voilà, je me suis empiffrée avec ce roman, je l'ai lu comme une gourmande, je ne peux pas dire que la description de la nourriture américaine m'ait fait saliver, aucun danger. Nous nous apitoyons, nous rions quelquefois, nous compatissons, nous retrouvons tous les bonheurs de la lecture. Je vous conseille de le lire.

Je précise que l'auteure ne fait qu'un repas par jour, du jogging très régulièrement et que c'est un poids plume. Le contraire de son frère.

Bye MClaire.