samedi 12 août 2017
"Un paquebot dans les arbres." Valentine Goby
Un livre bouleversant qu'il ne me sera pas possible d'oublier.
J'avais des larmes qui coulaient sans que je puisse les retenir, je les essuyais furtivement, dans ce cas là nous avons toujours peur d'être un peu ridicule, un livre peut procurer les mêmes émotions qu'un film.
Une histoire vraie mâtinée de fiction, les années 50. L'histoire d'une famille confrontée aux vicissitudes de la vie, les pires.
Le paquebot est le sanatorium d'Aincourt construit à la lisière d'un bois.
Il y a Paulot le père, la mère Odile, trois enfants, Annie qui traverse le roman, l'émouvante Mathilde qui est présente tout au long du livre et le petit Jacques qui essaiera de grandir au milieu de cette famille saccagée.
Odile est tombée amoureuse de Paulot à cinq ans, elle a choisi cet homme depuis toujours, elle avait cassé la jambe de sa poupée alors qu'elle était sur la place du village, elle pleurait et Paulot était arrivé pour lui prouver que sa poupée pourrait toujours danser même cul-de-jatte et Paul Blanc fera danser les éclopés toute sa vie, enfin une grande partie de sa vie, dans le bistro le Balto qu'il tient avec Odile. Trente huit ans plus tard elle sera toujours là, appuyée à la porte du café et regardera Paulot jouer de l'harmonica pour ceux qui fréquentent le bistro et qui dansent le soir "Frou-frou, frou-frou, par son jupon la femme.."
Annie la fille aînée danse avec son père sous l'oeil envieux de Mathilde, elle voudrait tant que son père la fasse danser, elle adore cet homme qui l'appelle "Mon p'tit gars." Mathilde est née après la mort d'un bébé qui était un garçon. Elle fera tout pour que Paulot la remarque, la regarde, un garçon manqué.
Une période heureuse pour la famille, une famille insouciante jusqu'à ce que le diagnostic tombe, Paul Blanc est tuberculeux, évidemment le café se vide, il faut fuir le tubard.
Sanatorium, problèmes financiers, plus d'amis les malheurs s'enchaînent, Odile est atteinte à son tour...Une vie brisée que même les gens courageux ne pourraient pas supporter.
Annie s'est mariée, attend un enfant, mais Mathilde est là,
Mathilde résiste, elle n'abandonne pas ses parents, son frère, fait front face aux services sociaux qui éparpille la famille,
""Plus de famille. Plus de travail. Plus de maison […] On démembrait cette famille, on la dispersait morceau par morceau vers autant de destins séparés."
Mathilde s'impose une très lourde charge qui un jour pèsera trop, elle aura envie de dormir, dormir longtemps, pour ne plus rien entendre, ne rien voir, je ne suis pas certaine qu'elle voulait mourir, juste dormir. En lisant, je percevais sa souffrance, elle est submergée, comment cette adolescente peut-elle endosser le rôle de mère, de père vis à vis de ses propres parents, de son petit frère ?
Je ne raconte plus, vous lirez cette histoire qui se passe à l'époque des Trente Glorieuses, la sécurité sociale existait mais tout le monde n'y avait pas droit, Odile et Paulot étaient commerçants et ne se souciaient pas de ce qui pour eux ne pouvait pas arriver.
Évidemment j'ai aimé le personnage de Mathilde, elle est présente dès la première page, c'est elle qui montre le sanatorium délabré à l'auteure. Son père est mort cinquante ans plus tôt, son père, le grand amour de sa vie, mais il est difficile de se faire une place au milieu d'un couple fusionnel, son père et sa mère s'adoraient, il y avait très peu de place pour les autres sans qu'ils en soient vraiment conscients.
Mathilde est fascinante, fière, courageuse et fragile.
J'étais indignée en constatant la froideur des services sociaux de l'époque, l'inventaire du trousseau est significative. Ecoeurée de voir les "amis" s'éloigner, eux qui avaient tant profiter de la générosité de Paulot. Le manque d'humanité de la mairie de ce petit village, le refus d'une aide, une famille qui est rejetée comme un paria. Faut-il attendre un geste de ceux qui nous entourent lorsque tout va bien et qui tournent le dos lorsque le malheur s'invite ?
"La pauvreté est une prison." "Mieux vaut la liberté dans la pauvreté que la richesse dans l'esclavage."
Une seule personne la soutiendra d'une manière admirable, la directrice de son école à Mantes, là où Mathilde apprend la comptabilité, elle fera tout pour qu'elle s'en sorte. Elle lui prêtera des journaux pour qu'elle lise. Mathilde découvrira la guerre d'Algérie dans toute son horreur, découvrira le monde.
Mathilde obtiendra son diplôme, elle travaillera.
Les mots de l'auteure sont justes, nous pénètrent et ne nous quittent pas. L'histoire est triste mais l'amour illumine ce roman.
Lisez ce livre plein d'amour et d'émotion. Vous l'aimerez.
Merci à Michelle pour le prêt de ce bouquin.
Je vais essayer de me procurer "Kinderzimmer" du même auteure.
Bye MClaire