dimanche 25 août 2013

Le flûtiste invisible.


Je venais de terminer le livre de Philippe Labro "Le flûtiste invisible", j'allais monter écrire mes impressions et "Nus et culottés" passait sur la 5, j'ai déjà dit que j'aimais beaucoup cette émission, ça ne se dément pas. Une façon de tester l'hospitalité des gens, la bienveillance, la méfiance, selon les régions l'accueil est plus ou moins chaleureux, mais je pense que les deux jeunes commencent à être connus, l'émission pourra t-elle conserver sa spontanéité ? Si on frappait à votre porte pour demander l'hospitalité comment réagiriez-vous? Nous devenons méfiants, tout nous semble danger. Personnellement je pense que je ne saurais pas résister aux deux "vagabonds", je pourrais les nourrir et leur faire raconter leurs aventures. Ils partent nus sans un sou en poche, évidemment puisqu'ils n'ont pas de poche et tout au long du chemin doivent trouver nourriture et couchage, ils ont un but, hier c'était de voir un ours dans les Pyrénées, aujourd'hui c'était trouver un druide en Bretagne, ils ont trouvé la "druidesse" au bout du Finistère. Si vous croisez deux jeunes avec des baluchons à petits carreaux rouges et blancs sur le dos, ce sont eux, mais méfiez vous il y aura bien des imitations.

 
 
Ces bras poilus ne sont pas les miens !!
 
Revenons à mes lectures :

"Profondeurs" d'Henning Mankell. Enorme déception, je n'ai pas du tout aimé, je me suis ennuyée. J'ai lu des livres de cet auteur dont "Les chaussures italiennes" magnifique roman, je n'ai rien retrouvé de ce qui m'avait fait aimer son écriture. J'ai commencé à m'intéresser un peu à l'histoire à la page 72, le personnage principal est profondément antipathique, menteur, lâche. Il est officier dans la marine suédoise et doit chercher une nouvelle route maritime pour les bateaux qui devront naviguer sans danger à l'aube de la guerre de 1914, il doit sonder les profondeurs. Sur un îlot qui semble désert il découvrira une cabane habitée par une femme qui a perdu son mari au cours d'une sortie en mer pour pêcher, il en tombera follement amoureux et je ne suis pas certaine que c'était de l'amour, du désir plutôt. Sa femme vit à Stockolm, mais son mariage est loin d'être heureux. Le mensonge fera partie intégrale de sa vie, il sonde les profondeurs mais est incapable de sonder son moi profond. Je n'aime pas du tout ce genre de personnage, fuyant sans panache, je n'ai donc pas aimé le livre. J'ai lu jusqu'à la fin selon mon habitude, toujours dans l'attente du moment qui me fera changer d'avis, là non, j'ai même dit "ouf" lorsque j'ai tourné la dernière page.

 
J'ai aussitôt ouvert celui de Philippe Labro "Le flûtiste invisible", livre vite lu mais qu'est ce que j'ai aimé, je n'ai pas dit "ouf" en le terminant, mais "dommage" j'aurais bien voulu une autre nouvelle.
Ce sont trois nouvelles, trois personnages rencontrés par l'auteur, Labro se met en scène dans les trois parties de ce bouquin en compagnie de trois personnages rencontrés par hasard, le hasard, celui qui dirige nos vies.
Citation d'Einstein au début du livre :

« Tout est déterminé par des forces que nous ne contrôlons pas. Tout est déterminé, pour l’insecte comme pour l’étoile. Êtres humains, légumes ou poussière d’étoile, nous dansons tous au rythme d’un air mystérieux joué au loin par un joueur de flûte invisible. »

Trois destins. Le premier personnage rencontré dans les rues de Paris alors que l'auteur sifflotait "Bye, Bye, Blackbird". Il s'approche de l'auteur et tient à lui raconter une histoire qui date de sa vie d'étudiant, la traversée de l'Atlantique sur le "Queen Mary" pour rejoindre New-York. Une aventure très sensuelle qui lui laissera un goût amer, la rencontre avec une jeune femme aux cheveux jaunes, libre, fantasque, qu'il ne reverra plus par la suite. Cette rencontre changera sa vie de jeune homme.
Dans l'écriture de Philippe Labro, il y a toujours cette fascination pour l'Amérique, l'arrivée du paquebot au petit matin dans le port de New-York nous sentons que c'est du vécu. C'est vrai, c'est une ville fascinante qui ne ressemble à aucune autre.

La deuxième nouvelle, celle qui m'a évidemment la plus touchée, le regard d'un homme sur lui alors qu'il mangeait à la terrasse d'un restaurant avec des amis. Il ne le connaît pas, mais l'autre le regarde intensément, l'homme finit par se lever et s'invite à sa table pour lui dire "Je vous ai eu dans ma ligne de mire" C'était à la fin de la guerre d'Algérie, lorsque l'OAS descendait ceux qui n'étaient pas de leur bord, Labro était journaliste, pour l'indépendance de l'Algérie, il était donc dans la ligne de mire de l'OAS. Un jeune garçon avait embrassé leur idéal, il tuait pour leur compte jusqu'au jour où il a renoncé à appuyer sur la gâchette, c'était le tour de Labro, le hasard a voulu qu'il ne tire pas en proie à je ne sais quel sentiment. Il a été arrêté, fait de la prison à Fresnes, et en sortant le hasard encore, a fait qu'il s'est trouvé en face de celui qu'il avait épargné.
La description des plages désertes des environs d'Alger est bouleversante pour moi, j'ai connu ces endroits. J'ai aussi connu des moments où les gens basculaient dans un camp ou dans l'autre.
C'est aussi grâce à Rick ce pied-noir rencontré à la terrasse d'un bar que Philippe Labro fera la connaissance de sa femme, le hasard !
J'ai apprécié que Labro dise "Les pieds-noirs et leur charme..." Nous avons souffert de ce terme en arrivant, mais maintenant j'en suis très fière, l'âge sans doute et la sagesse.

La troisième histoire est celle d'un jeune garçon juif épargné des camps de la mort, une première fois par un orage qui s'abat sur l'endroit où il est terré comme un animal avec sa famille, sa mère change d'endroit,  le lendemain les nazis se rendent à l'endroit qu'ils viennent de quitter. La deuxième fois un train qui amène des centaines de juifs à Auschwitz recule au lieu d'avancer après les ordres d'un fonctionnaire, il faut de la main d'œuvre pour déblayer les rues de Vienne. Ils sont sauvés de la mort.
Toma le personnage aux yeux mélancoliques, des yeux où le noisette se mélange au bleu dit "Je n'exclus jamais que cela pourrait recommencer."

L'auteur cite les 8 piliers de la sagesse à la fin du livre, j'ai beaucoup aimé, avez-vous un ou plusieurs de ces piliers :

-Contrôler ses émotions.
-L'habilité de juger de la valeur des choses.
-Le raisonnement moral.
-La compassion.
-L'humilité.
-L'altruisme.
-La patience.
-La capacité de traiter avec l'incertitude des choses.

J'en ai quelques uns, acquis après des événements de ma vie qui m'ont fait beaucoup réfléchir sur la vacuité des choses qui ne valent pas le coup que nous nous attardions. Un certain détachement, l'habilité de juger de la valeur des choses et la capacité de traiter avec l'incertitude des choses. Nous pensons être heureux pour toujours et brusquement tout s'effondre.

Le destin est le fil conducteur de ce livre. Pourquoi est-ce qu'une force nous propulse là plutôt qu'ailleurs ? Une rencontre, un événement et notre vie est bouleversée.
Pourquoi, oui pourquoi, sommes-nous passés par là alors que nous devions être à un autre endroit ? Essayez de vous souvenir d'un épisode de votre vie qui a fait que rien n'a plus été comme avant. Le hasard est un mystère fascinant.
Je dis souvent à Christian "S'il n'y avait pas eu la guerre d'Algérie, nous ne nous serions jamais connus, je serais devenue quoi ? Quelle vie avec un autre, et toi quelle vie avec une autre? Je ne peux même pas l'imaginer."
Avec Internet qui prend de plus en plus possession de nos vies est-ce que le hasard sera encore de la partie ? Pas de rencontre improbable devant un clavier, sauf si vous vous inscrivez sur un site de rencontres, mais là le hasard n'y sera pour rien, ce sera un choix.

Parce que quoi ? Parce que. C'est tout ce que nous savons répondre quelquefois. parce qu'il y a toujours la petite musique du flûtiste invisible.

Lisez ce livre, je vous le recommande. J'ai beaucoup, beaucoup aimé.

Bye MClaire.