samedi 31 janvier 2015

Jean-Marie Blas de Roblès "L'Ile au point Némo"



Je l'ai terminé, j'ai lu ce livre avec passion, en éclatant de rire quelquefois, époustouflée par l'imagination de l'auteur, un livre magnifique, la petite fiche agrafée sous le livre dans les rayons de chez Leclerc disait que c'était un chef-d'oeuvre, j'approuve.
J'avais quelquefois l'impression d'avoir 12 ans ou 13 ans, l'époque où je lisais Jules Verne, Alexandre Dumas ou plus tard Agatha Christie, emportée dans un tourbillon d'aventures, transportée dans un monde de fiction mais pas tant que ça, je vérifiais sans cesse si ce que l'auteur écrivait était vrai, merci internet.
J'ai aussi apprécié le fait de jouer au scrabble, si nous aimons les mots nous ne jouons pas au scrabble sans connaître le sens des mots, peut être pas tous, c'est presque impossible, mais jouer NEOTENIE sans vérifier le sens me semble anormal, je me souviens beaucoup plus du mot en sachant ce qu'il veut dire. Les bons joueurs sont des matheux, je ne suis pas une matheuse mais je me défends avec mon vocabulaire.
Là j'étais comblée, un vocabulaire éblouissant, j'ai appris.
Je pense souvent qu'il doit y avoir une vraie alchimie entre un livre et son lecteur pour que le bonheur soit complet, sinon c'est raté, nous sortons frustrés de notre lecture. Là, j'étais subjuguée, je n'arrêtais pas de lire des passages à Christian, comme dans le livre j'étais la liseuse à haute voix, je partageais. Je disais "ça y est, ils sont dans le dirigeable, mais il va amerrir et flamber, ou ils sont arrivés sur une île qui n'est pas signalée, sur aucune carte, une île faite de déchets en plastique" ou
"Le capitaine Némo est toujours dans son Nautilus".

Revenons au livre.
J.M Blas de Roblès est né en Algérie en 1954 et comme nous ses parents ont été obligés de s'installer en France à l'indépendance. Il a été professeur de philosophie à la Sorbonne et d'histoire au Collège de France, il a abandonné l'enseignement pour satisfaire ses passions l'archéologie et l'écriture.

L'histoire de ce roman est faite de trois intrigues :

Un diamant hors de prix qui disparaît du coffre-fort d'une lady qui a aimé M.Canderel lorsqu'elle s'appelait Clawdia Chauchat. Les protagonistes partiront à la poursuite du diamant au tour du monde et par tous les moyens de locomotion, nous sommes au XIXe siècle. Ils partiront aussi à la poursuite de l'Enjambeur Nö qui assassine et dépèce ses victimes. Clawdia ne se séparera pas de sa fille Vanity qui est plongée dans le sommeil depuis des années, M.Canderel apprendra qu'elle est sa fille, elle ne lui avait jamais dit. Que d'aventures!
Il y a aussi cette brave Mademoiselle Sherrington qui est la gouvernante de M.Canderel, elle a conçu un engin terrible, une trappette anti-viol, un espèce de fourreau en vélin, à 
l'intérieur duquel elle avait cousu six rangées de petits harpons, un marin maori a voulu la violer, cela a été terrible pour lui, elle ne se débattait pas, le laissait faire, il ne pouvait plus ressortir...J'ai encore ri parce que ce n'est jamais vulgaire.

Deuxième intrigue : Arnaud et Dulcie. Arnaud a essayé d'implanter une usine de cigares dans le Périgord, les grottes sont parfaites pour la conservation des cigares. Dulcie était cigarière dans les Caraïbes, amoureuse d'Arnaud, elle s'installe avec lui dans le Périgord mais les aléas de la vie font qu'Arnaud échoue dans sa tentative de fabriquer des cigares de luxe. Il revend son usine à Monsieur Wang qui fabriquera des liseuses électroniques, monsieur Wang est un voyeur, il se sert de toutes les nouvelles technologies pour épier ses employés dans tous leurs gestes intimes. Arnaud devra avouer à Dulcie qu'il a tout perdu, elle fait un AVC qui la laissera inanimée pendant des années, sans aucun signe de vie, il s'en occupera avec amour et se souviendra de l'histoire des liseurs dans les usines de tabac de Cuba, pour gagner sa vie il lira à haute voix dans l'usine de Monsieur Wang, il lira Dumas, Stendhal, Flaubert et tant de beaux auteurs, il lira aussi des histoires inventées par lui, lues à Dulcie le soir, en pensant qu'elle l'entendait dans son coma.. 
De très belles pages sur la lecture qui ouvre l'esprit des ouvriers occupés à des tâches répétitives, le rendement est paraît-il meilleur lorsqu'ils écoutent
"Il n’y avait que la lecture à voix haute pour nous rassembler toutes dans une seule intrigue, mettre nos rêves à l’unisson".
Il y a eu une tentative d'implantation d'usine de cigares, vraiment, c'était dans la Drôme et pas dans le Périgord.

Paradoxalement Castro n'a jamais interdit cette pratique dans les usines, elle aurait pu inciter à la révolte. Les gens ne savaient pas lire, ils n'étaient pas dangereux, en sachant ce qui se passait ailleurs la donne était changée.
Charlotte travaille dans l'usine de Monsieur Wang, Fabrice aussi et le soir chez lui il devient un hacker redoutable, un amour pur finira par jaillir entre eux après toutes les "cochonneries" de monsieur Wang qui finira par être puni...

Troisième intrigue : Interdite aux bien-pensants, mais j'ai beaucoup ri. L'histoire d'un couple en panne sexuelle, c'est vraiment hilarant, très cru mais je n'ai pas été choquée du tout, cela fait partie de l'écriture..En même temps je me demande toujours ce que ces chapitres venaient faire dans le livre, je n'ai pas compris, mais j'ai ri, les tentatives d'érection de Monsieur Bonacieux orchestrées par Carmen sont incroyables, je ne vous en conseille aucune.

C'est aussi un roman sociétal, l'auteur met en garde contre les dérives de notre système, nous allons vers la destruction de notre société, inéluctablement.
"Les français ne comprenaient rien à rien de ce qu'était devenu le monde. Tant que la Méditerranée était restée le centre de l'univers, l'alliance de leur tempérament latin et d'une certaine rigueur nordique avait fait merveille pour imposer leur prédominance économique. Aujourd'hui que ce centre s'était déplacé vers l'est, cette même latinité les desservait. Oui, songe-t-il, voilà comment on en arrivait à délocaliser chez eux des usines chinoises, et c'était bien fait pour leur morgue légendaire. Or et jade à l'extérieur, ouate pourrie au-dedans..." C'est ce que dit Monsieur Wang. 

"Nous vivons une Atlantide lente, Monsieur Sanglard, un enfoncement si discret qu'il n'est perceptible que par les plus vulnérables d'entre nous Ni tsunami ni cataclysme d'aucune sorte, mais une imprégnation ténue, quotidienne, qui alourdit chaque jour l'éponge du monde. Cet univers est invivable..."

Est-ce que vous aimerez? Je vous le conseille si vous voulez être embarqué dans une histoire qui n'a pas de limites, l'imagination de l'auteur n'a pas de limite "nous sommes dans un monde d'uchronie".
J'ai repensé à ces vieux livres offerts en premier prix de français qui étaient je ne sais plus où, chez mes parents je crois ou chez mes beaux-parents, Jules Verne, ces grands livres avec des couvertures en carton, de couleur rouge.
La lecture est une de nos dernières libertés, personne ne sait ce que nous lisons, ce que nous pensons en lisant si nous ne partageons pas, mais la lecture avec un vrai livre en papier, surtout pas une liseuse. Encore une chose, le point Némo existe vraiment, c'est le point le plus lointain de toutes terres émergées.
Je vais m'empresser d'aller acheter ses précédents romans qui doivent être en poche, en premier "Là où les tigres sont chez eux" Prix Médicis.

Bye MClaire.











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