Yasmina Khadra, pour moi un des plus grands écrivains de notre époque. C'est un homme, il a pris les deux prénoms de sa femme pour publier ses livres au moment où la censure régnait en Algérie, il était militaire et ne voulait pas d'ennuis avec ses supérieurs, son vrai nom est Mohammed Moulessehoul.
"Pour l'anecdote, le pseudonyme de l'écrivain est dû à une bévue d'un éditeur qui a déformé le prénom Yamina en Yasmina, croyant que l'épouse de l'écrivain avait omis un « s ». La bienveillante dame, sans demander l'avis de son mari, en service commandé à cette époque, signa l'aval à l'éditeur pour publier les œuvres de son mari, et évita ainsi les mailles des services militaires chargés de la censure qui avaient déjà averti M. Mohammed Moulessehoul, capitaine à l'époque, en signant Yamina Khadra qui mua en Yasmina Khadra. C'était en 1990" (Wikipédia)
J'ai lu huit livres de cet auteur, le plus beau "Ce que le jour doit à la nuit", celui que j'ai le plus aimé. Ma copine Malou m'avait offert lorsque j'étais à l'hosto "L'olympe des infortunes", mon chirurgien qui était un grand lecteur s'intéressait à ce que je lisais, il ne connaissait pas cet auteur et m'avait promis de le lire, il a pris sa retraite, il a tout son temps pour le faire, je vous encourage aussi de le découvrir (pas mon chirurgien, non, l'écrivain), vous ne le regretterez pas.
"Les sirènes de Bagdad" "L'équation africaine", que des très beaux romans. Ils sont en poche.
Quatrième de couverture :
"« Longtemps j’ai cru incarner une nation et mettre les puissants de ce monde à genoux. J’étais la légende faite homme. Les idoles et les poètes me mangeaient dans la main. Aujourd’hui, je n’ai à léguer à mes héritiers que ce livre qui relate les dernières heures de ma fabuleuse existence. Lequel, du visionnaire tyrannique ou du Bédouin indomptable, l’Histoire retiendra-t-elle ? Pour moi, la question ne se pose même pas puisque l’on n’est que ce que les autres voudraient que l’on soit. »
En écrivant "La dernière nuit du Raïs" dans un style toujours aussi flamboyant, Y.Khadra accomplit un tour de force, il se met dans la tête du dictateur, "Je" est Kadhafi, ce dictateur mégalo, cruel, un barbare sanguinaire. Le peuple, son armée lui mangeaient dans la main, les mêmes s'apprêtent à le tuer avec l'aide des occidentaux. Khadra nous fait vivre sa dernière nuit.
Il nous fait aussi découvrir son enfance, un mot revient souvent, bâtard, ce mot a sans doute conditionné toute sa vie. Kadhafi était l'enfant d'une bédouine et d'un soldat corse blessé pendant la guerre dans le désert de Libye, un aviateur. Le silence régnait dans la famille, lorsqu'il posait des questions, son père était mort et l'enfant voulait savoir. Un jour il a su.
"C'est vrai que je suis un bâtard, la pisse d'un fumier de corse qui passait par ici?"
Khadra essaie de nous faire comprendre que Kadhafi n'était pas qu'un monstre sanguinaire, il a fait beaucoup pour son pays, a fait construire des hôpitaux, des routes, des logements, tous les maghrébins l'aimaient au début de son "règne", ils plaçaient beaucoup d'espoir en lui, ils ont été déçus par la suite, cet homme pensait que la violence était une nécessité, il se croyait investi "d'une mission méssianique". Ses proches le confortaient dans son délire :
"Sans vous, les tribus déterreraient la hache de guerre qui dormait sous des siècles de rancoeur, de vengeances inassouvies et de trahisons impunies. Il y aurait autant d'Etats que de clans. Le peuple que vous avez rebouté retrouverait intactes ses fractures..."
Nous connaissons la suite de l'histoire, ils avaient raison, ce pays est à feu et à sang.
C'est le récit d'un homme grisé par le pouvoir et le pouvoir peut être démoniaque. Il prenait régulièrement de l'héroïne, s'imposait aux femmes, pouvait les séquestrer pour mieux en abuser. Sa fin dans un grosse canalisation de drainage agricole est pitoyable et Khadra lui fait entendre la voix de sa mère excédée par les turbulences de ce gamin instable :
"Tu n'écoutes que d'une oreille, celle que tu prêtes à tes démons, tandis que l'autre reste sourde à la raison.." Sa folie.
Lisez ce livre qui veut nous faire découvrir les ressorts les plus intimes d'un être humain qui se transforme en tyran, 206 pages à dévorer. Bye MClaire.