vendredi 27 juillet 2018

"Un jour par la forêt" Marie Sizun






Marie Sizun-Salon du livre 2018 Vannes -

Une écrivaine qui a l'art de décrire les blessures familiales -
Je l'ai découverte en lisant "La femme de l'allemand". J'avais aimé "La gouvernante suédoise" "Vous n'avez pas vu Violette?" et j'ai aussi aimé "Un jour par la forêt" je l'ai acheté au salon du livre, nous avons bavardé. Elle passe du temps en Bretagne, à Ile-Tudy plus exactement.

"Aux enfants solitaires"

"Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps..."


Ce poème de Victor-Hugo bouleversera la vie de Sabine, petite fille solitaire, mauvaise élève depuis que sa mère l'a inscrite dans un lycée loin de son quartier populaire, pensant bien faire, une mère inculte, une maman grosse qui se laisse aller, femme de ménage, elle voudrait pour Sabine une vie meilleure que la sienne. Le papa de Sabine est parti rejoindre une autre femme, elle adorait son père, les visites se sont interrompues depuis que cette autre femme attend un bébé, Sabine ne veut plus retourner chez son père.
Les notes au lycée sont catastrophiques, Sabine décroche et sa prof de français n'essaie pas de comprendre. Les professeurs devraient toujours connaître l'histoire des enfants difficiles.
Sabine n'a pas d'amis, son seul moment de bonheur est le moment où elle quitte le lycée pour rejoindre le petit appartement, le moment où tout peut arriver, où elle observe, où elle est libre.
Arrive le jour où madame Lemagre, prof de français, quinquagénaire à cheveux gris, prononciation distinguée, lui dit que ça ne peut plus durer, elle veut rencontrer les parents de Sabine "Papa est divorcé" "Maman travaille, aura t-elle le temps de venir". La petite fille est paniquée, elle a honte de sa mère, si différente des autres parents. Elle a de la tendresse pour sa maman mais ne peut s'empêcher de la juger.
« Ce n’est pas tant de sa mère qu’elle a honte, mais pour elle, pour sa mère. Honte que sa mère ait honte devant elle. Honte qu’elle soit humiliée. […] Il faut que tout change, que cette injustice cesse ».

Le rendez-vous est pris pour la rencontre et Sabine décide de faire l'école buissonnière ce jour- là, ne pas être au lycée à l'heure du rendez-vous, surtout pas.

Une rencontre dans Paris avec un couple d'Anglais transformera la vie de la fillette. Elle comprendra qu'elle aussi peut accéder à la culture, combien la poésie tient une grande place dans sa vie, Sabine est douée en dessin, la culture pour elle est :
"La culture, éclate Sabine à travers ses larmes, dans un sursaut de révolte -et vraiment, ce mot elle le maudit doublement, d'être et surtout de resurgir maintenant-, la culture, toutes ces petites histoires inutiles qu'il faut savoir? Et elle pense au professeur d'histoire, aux Sabines, au désarroi qui l'avait accablée devant son ignorance et le savoir des autres. La culture! Que des conneries!.."
Et John le mari de Kate lui répond :
".. La culture ce n'est pas seulement l'instruction, les choses qu'il faut savoir...C'est beaucoup plus et beaucoup moins à la fois ; c'est attraper tout de ce qui permet de devenir soi-même. Par exemple approcher la peinture, la musique, la littérature. Tout ce qui fait la poésie de la vie!... Et la poésie de la vie c'est -you know that, darling!" le contraire de la fausse vie, la vie imbécile, que la publicité par exemple propose aux gens, tu comprends?"

J'espère vous avoir donné l'envie de lire ce petit livre si bien écrit, si délicat, plein de tendresse, qui fait découvrir à une enfant fragile qu'il y a de si jolies choses à vivre, au bout de cette journée Sabine comprendra qu'elle peut espérer...

Bye MClaire.






vendredi 20 juillet 2018

"Les larmes noires sur la terre" Sandrine Collette.





En découvrant le visage de l'auteure j'ai pensé "Comment peut-on écrire un roman aussi noir en ayant une apparence aussi lumineuse" Une imagination débordante, une histoire poignante, Moe, jeune femme de 26 ans hantera longtemps ma mémoire.

Moe habite une île du Pacifique, là où nous rêvons tous de passer quelques semaines, elle pense le contraire, son rêve : connaître Paris, une ville pleine de promesses. Elle vit avec une famille aimante, simplement. Sa grand-mère disait "Faut pas regretter. Pas de regrets, pas de remords, puisque de toute façon c'est trop tard. Une fois que tu as cassé une barre en fer sur la gueule d'un type, tu vas pas aller t'excuser, hein, Moe. C'est pas que tu pourrais pas, remarque. Mais voilà, pour quoi faire? Autant aller de l'avant. Regarder en arrière, écoute moi bien : ça sert à rien." ..Elle disait aussi : faut réfléchir avant, y'a que ça."

Moe n'a pas suivi les conseils de sa grand-mère, elle a connu Rodolphe qui travaille sur l'île pour une durée de six mois et qui doit retourner chez lui dans la banlieue parisienne. Avant de s'envoler pour Paris, elle se doute bien que l'avenir ne sera sans doute pas aussi rose qu'elle le voudrait mais elle part. La réalité sera pire. Rodolphe se révélera goujat, il la traitera comme une domestique, lui imposera une grand-mère malade, elle devra soigner cette femme acariâtre, et puisque Rodolphe ne la touche plus elle sort, va dans les bals et se retrouve enceinte, Rodolphe ne dira rien, elle pourra garder l'enfant. Une amie lui proposera de quitter cet homme et de l'héberger avec l'enfant en attendant qu'elle trouve du travail, cela tournera très vite au cauchemar, Moe se retrouvera à la rue avec un bébé et quelques jours plus tard dans un endroit appelé "La Casse" un cimetière de voitures où vivent des miséreux, une prison en plein air, une sorte de camp de concentration, on lui attribue une épave, elle doit travailler pour payer son loyer, mais là vivent des femmes qui deviendront ses compagnes d'infortune, une vraie solidarité règne, son bébé Côme sera cajolé, des moments de tendresse incongrus dans ce quartier poubelle où la violence règne, il faut survivre..  
Vous lirez la suite.

Un roman futuriste? C'est possible. Un monde où les exclus n'auront plus leur place. La société déshumanisera des êtres, il faudra arriver tard dans le roman pour connaître le prénom de l'enfant. Un roman qui doit nous faire réfléchir.

Nous le lisons avec la boule au ventre, la misère, nous tremblons pour Jaja, M.Thérèse la douce, Nini qui ne veut pas renoncer aux plaisirs de la vie quitte à la perdre, Ada l'Afghane qui soigne à l'aide des herbes, Poule qui s'occupera beaucoup de l'enfant. Elles veulent quitter cet enfer, elles y croient, se soutiennent. L'enfant gazouille, sourit, de la lumière au milieu de la noirceur. Il faudra payer le prix pour être heureuses, elles le savent, mais quel prix?

J'ai adoré ce livre, il ne ressemble à aucun autre, il n'y a pas d'histoire d'amour dans ce roman, le seul amour de Moe est celui qu'elle porte à son enfant. Il est vendu en poche et a obtenu le prix des lecteurs 2018. Un scénario pour un film?

Bye MClaire.