vendredi 26 septembre 2014

"Petits papiers au gré du vent"



Eduardo Sacheri est un écrivain argentin, né en 1967. Je ne le connaissais pas, n'ayant jamais rien lu de lui. J'aime bien les auteurs latins.

Avant tout, merci, vous avez été presque 500 à lire ma dernière gazette, j'espère que vous avez eu envie de vous précipiter chez votre libraire. J'ai aussi beaucoup parlé du livre d'Eric Reinhart à La Rochelle, j'étais encore sous l'émotion.

"Petits papiers au gré du vent" est un livre savoureux, à lire si vous aimez le foot, les histoires d'amitié. Je dis souvent que je n'aime pas le foot, que je n'y comprends rien mais ce n'est pas tout à fait vrai, c'est juste pour ne pas participer à la folie qui s'empare des hommes lorsqu'un match de foot crucial se joue et ne pas faire partie des supporters hystériques. J'aime bien la contradiction, attention je ne suis pas non plus fan de foot, je regarde de temps en temps..

L'histoire :

Quatre garçons élevés dans un quartier pauvre de Buenos-Aires, ils se connaissent depuis qu'ils sont petits, sont allés sur les mêmes bancs de l'école, ne se sont jamais quittés. Arrivés à l'âge adulte, ils prennent des chemins différents. L'un Fernando est professeur dans un collège, Mauricio est devenu avocat, Alejandro dit "Le singe" a essayé de faire carrière dans le foot mais a échoué, Daniel "Le Russe" s'essaie dans divers commerces sans vraiment connaître la réussite. Fernando et "Le Singe" sont frères.

Le monde du foot est le sujet principal de ce livre. "Le Singe" ne pouvant pas assouvir sa passion du foot sur les terrains, il n'est pas assez bon, fait carrière dans l'informatique, une grosse boîte suisse, mais au bout de quelques années il n'accepte pas une promotion et décide de repartir avec des indemnités qu'il investit malheureusement dans l'achat d'un joueur de foot tocard.
"Le Singe" a été marié à Lourdes, il a eu une petite fille Guadeloupe qu'il voit rarement, la mère faisant tout pour que le droit de visite ne soit pas respecté.
L'argent investi s'évapore, "Le Singe" se retrouve sans travail et en prime un cancer du pancréas se déclare, Le cancer aura raison de lui laissant son frère et ses deux amis dans la tristesse et ne sachant comment venir en aide à Guadeloupe la petite fille.

De ce fait, la mère de Fernando et du Singe devient propriétaire de ce joueur tocard qui joue dans un club miteux et qui risque de se retrouver sans aucun contrat à court terme.

A partir de là naît dans l'esprit des trois hommes une arnaque pour vendre Pittilanga à un club plus prestigieux, ils veulent récupérer l'argent pour offrir à Guadelupe un avenir serein.
Ils s'inspirent du film "L'arnaque" avec Robert Redford et Paul Newman.

Suivent des moments savoureux, douloureux, amusants, émouvants.

J'ai aimé ce livre parce qu'il m'a fait penser au cinéma italien d'après guerre, des personnages truculents, pittoresques, latins en un mot. Ils se disputent, se réconcilient, se battent même, mais à la fin tout s'arrange.
Le chapitre où les trois hommes essaient de négocier le transfert en présence du joueur et de son père omniprésent est digne d'un film. Les parents qui veulent absolument que l'enfant réussisse dans un sport jusqu'au harcèlement. 

Mauricio l'avocat est le moins sympathique et pourtant pas une seconde je ne suis arrivée à penser qu'il serait fourbe jusqu'à la fin tant cette amitié est solide. C'est vrai, l'amitié ne résiste pas toujours à l'ascension d'un personnage du groupe, il peut se perdre, avoir de la pitié pour ceux qui ne sont pas arrivés tout en haut de l'échelle. On peut aimer un ami autant qu'un frère ou une soeur et peut être plus, la désillusion peut être cruelle, c'est ce qui arrive dans le bouquin.
La tentation de l'argent facile peut naître, les ambitions peuvent faire perdre tous les autres sentiments. Heureusement, Mauricio se rendra compte que lorsqu'il a quelque chose à raconter il ne peut le faire que si ses amis sont là, sans eux il n'est rien.

J'ai aimé la description du monde du foot en Argentine, je suppose que cela doit être partout pareil. Ces jeunes pleins d'illusions, souvent talentueux mais qui doivent prouver qu'ils sont les meilleurs face à des hommes qui sont davantage dans les affaires que dans le sport. La chute est terrible, ils disparaissent souvent dans les abysses de l'oubli après avoir cru côtoyer les cimes.

Un extrait pour expliquer le titre :
"Et mettons qu'il y ait un petit vent léger. Vous voyez les morceaux de papier journal que les spectateurs ont jetés au début du match, pour accueillir leur équipe? Quand il y a un peu e vent, les petits papiers se soulèvent, volettent, tournoient dans l'air, se redéposent plus loin..."
"Ils commencent à retirer les pubs placardées...les filets...à éteindre les lumières...et on est toujours là, accoudés à la balustrade. Et les petits papiers aussi. Les marques des crampons dans l'herbe. Les serpentins...
"Et à votre avis : prenez juste ça..oubliez tout le reste : les coupes, les championnats, tout le reste. Juste ça. Oubliez le business autour, que tout le monde est toujours après le fric, quand bien même vous êtes le dernier couillon à être là par amour. Juste ça. Est-ce que ça compense pas toutes les prises de tête? Est-ce que ça les compense pas?"

En conclusion, un beau roman, j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire.   Bye MClaire.




samedi 13 septembre 2014

L'amour et les forêts -Eric Reinhart.





Il me faudra du temps pour digérer ce livre, un roman qui marque notre esprit, dur, inoubliable, bouleversant, superbement écrit.
Je suis contente de l'avoir lu avant l'attribution des prix, il est favori pour le Goncourt et en général je ne lis pas les Goncourt. J'ai tout de même lu "Au revoir là-haut" prêté par une copine un an après sa parution, j'ai aimé mais je ne vais pas en parler parce qu'il me semble que tout a été dit sur ce livre. J'ai tout de même une petite critique, la fin est un peu répétitive, j'ai sauté des passages, mais l'ensemble du livre de Pierre Lemaître est vraiment admirable, il méritait ce prix.
Je ne lis pas les Goncourt parce qu'il me semble que les dés sont pipés, les petites magouilles entre écrivains qui siègent au Goncourt et qui sont publiés dans une maison d'édition, il faut bien favoriser celui qui vous publie, ce n'est peut être pas le cas mais tout ça est confus. Le Goncourt des lycéens me semble plus justement attribué, je lis toujours celui-ci.

L'histoire de "L'amour et les forêts" d'Eric Reinhard :

Ce roman est né de la rencontre dans un train entre l'auteur et une lectrice de son précédent roman, Elle se confiera à lui, comme d'autres femmes qui se sont reconnues et qui se sont confiées à lui par lettres, c'est donc presque une histoire vraie, des histoires vraies en une seule, un amalgame de toutes ces femmes qui fera le personnage principal Bénédicte Ombredanne. L'auteur n'écrit presque jamais Bénédicte, il écrit toujours Bénédicte Ombredanne, comme dans un procés-verbal.

Bénedicte Ombredanne est une jeune femme professeure agrégée de littérature, deux enfants, un garçon et une fille, mariée à Jean-François employé de banque; Elle n'est pas heureuse dans sa vie de femme, un mari qui la harcèle, qui la maltraite, pervers, manipulateur avec ses enfants qu'il dresse contre leur mère.
Elle rêvait d'une autre vie, tout au long du livre elle rêve sa vie loin de cet homme qui la rabaisse sans cesse mais elle n'ose pas le quitter, complètement sous emprise, la peur, la menace "Si tu me quittes, je tue les enfants et je me tue après" Un soir après une scène particulièrement éprouvante vient le déclic, elle s'inscrit sur Meetic pour trouver celui qui va la comprendre.
Suit un paragraphe assez amusant de ses échanges avec ceux qui la contactent sur son ordi. Il y a tous les genres d'hommes sur Meetic mais il y a Christian qui a pris comme pseudo Playmobil677, un rendez-vous est programmé pour le lendemain à Strasbourg, elle s'y rend, c'est le coup de foudre, Bénédicte vit pendant quelques heures le plus beau moment de sa vie, une parenthèse enchantée dans sa vie si terne.
Il lui faudra rendre compte à son mari de cette absence, elle arrive chez elle assez tard, le frigo étant vide, les enfants se plaignent, J.François traite sa femme d'une façon humiliante et il n'aura de cesse de la harceler, la nuit, le jour tant qu'elle n'aura pas dit la vérité. Elle dira la vérité dans un moment d'épuisement, ce sera la descente aux enfers, plus de sommeil, plus de repos, il la surveille sans cesse, elle est sa chose, lui qui n'est pas grand chose.

La dernière partie du livre est dévastatrice. J'ai particulièrement été touchée par le témoignage de Marie-Claire, la soeur jumelle de Béatrice, le même prénom que moi et les mêmes sentiments vis à vis d'une femme qui n'arrivait pas à prendre sa vie en main. Marie-Claire est mariée avec le frère de J.François, Damien, elle le connait depuis toujours, ils s'aiment et lorsqu'elle dit "Il ne suffit pas de s'aimer, il faut aussi avoir des goûts communs, bien s'entendre, être amis" je suis complètement d'accord. J'étais contente que les deux personnages sympathiques de ce bouquin portent nos deux prénoms, Christian et M.Claire.

La fin est dure, j'étais complètement sonnée par l'attitude du mari, j'ai vécu un épisode semblable à celui que vit Bénédicte, la maladie, j'a eu la chance d'avoir un compagnon attentif, soucieux de mon bien-être, aimant, d'autres femmes n'ont pas cette chance, je le savais, les infirmières étaient là pour témoigner. La fin de Béatrice est bouleversante, au-delà de ce que nous pouvons imaginer.

Bénédicte fait deux cancers primaires, je ne suis pas du tout d'accord avec la phrase que prononce MClaire "On ne fait pas deux cancers primaires coup sur coup si on ne veut pas s'évader de son existence". Je n'ai jamais voulu m'évader de mon existence en faisant deux cancers primaires, jamais, j'ai une trop belle vie. On peut faire des cancers-chagrins comme disent les oncologues, un chagrin enfoui qui s'exprime de cette façon, ça peut arriver.

Lorsque je faisais ma chimio je l'ai déjà raconté, une autre malade était dans la même chambre que moi et me racontait le déni de son mari face à cette maladie, elle supportait seule ses souffrances, il ne venait même pas la chercher à la fin de la séance, je la voyais tourmentée, ne sachant plus à qui se confier et la séance chimio était pour elle le seul moment où elle pouvait parler de sa maladie, c'était presque une récréation dans sa vie, ce sont ses propres mots, j'étais révoltée et je l'écoutais, Christian était là, toujours là lorsque ça n'allait pas, jamais défaillant, il prenait sa part.

Une envie de meurtre en lisant les derniers jours de Bénédicte, ce mari qui existe sans doute quelque part.

Ce que j'ai aimé dans ce livre :

L'écriture, les mots choisis, les sentiments si bien décrits. Je me demande souvent comment un écrivain fait pour si bien décrire ce que les gens ressentent au plus profond de leur âme et conscience.
Marie-Claire qui est esthéticienne raconte la vie de sa jumelle avec des mots qui ne sont pas employés dans la vie courante, des mots délicats, qui parlent vraiment, qui racontent bien sa soeur qui rêvait d'absolu.

Ce livre n'est pas fait pour aller dans toutes les mains, il peut ravager une lectrice ou un lecteur qui va se reconnaître dans le personnage de Bénedicte, elle va se confronter au livre en fonction de ce qu'elle vit. Il faut être bien dans sa vie pour ne pas sortir complètement ravagée après sa lecture.

Ce roman sera important, il est puissant, on ne peut pas l'oublier, je l'ai refermé en disant "Je suis finalement contente de l'avoir fini, il provoque trop de sentiments de colère, je ressentais trop la souffrance de cette femme qui a sans doute existée et qui existe sans aucun doute quelque part, pourquoi n'est-elle jamais partie, pourquoi les femmes battues, harcelées ne se décident elles jamais à partir?"

Lisez - le si vous vous sentez assez forts, il mérite d'être lu.  Bye MClaire.