mardi 30 juin 2020

Olivia Ruiz- La commode aux tiroirs de couleurs.



Vous connaissez la chanteuse, vous apprendrez à aimer l'écrivaine. 
C'est un premier livre, Olivia Ruiz est une vraie conteuse, il y a forcément quelques maladresses, mais dans l'ensemble ce roman se lit avec beaucoup d'intérêt.
La guerre d'Espagne qui a jeté sur les routes des milliers d'espagnols, des enfants seuls, ils fuyaient le régime franquiste pour franchir les Pyrénées. J'ai retrouvé le camp d'Argelès sur la plage (aujourd'hui transformé en camping "Le Roussillonnais") un camp de transit, ils avaient faim, froid, parmi ces enfants il y avait la grand-mère de Cali la narratrice, Rita son "abuela", ses deux soeurs Leonor et Carmen, les parents sont restés en Espagne, ils ne les reverront jamais.


Les enfants inventent des histoires. A la mort de sa grand-mère Cali hérite d'une commode aux tiroirs de couleurs, elle n'avait jamais ouvert les tiroirs, elle découvrira ou inventera toute la vie de son "abuela" vie jamais racontée de son vivant, ceux qui ont fait la guerre, qui ont vu des horreurs racontent rarement. 
"Se taire et brûler de l'intérieur est la pire des punitions qu'on puisse s'infliger." Federico Garcia Lorca.
Alors Cali raconte à sa manière et cela donne un beau roman.
Nous nous attendrissons, nous admirons la liberté de ces femmes, les audaces si rares à cette époque, nous versons quelques larmes, la solidarité et ce besoin de tout se raconter, de se voir, de se toucher, typique des habitants de la Méditerranée.

La seule chose qui m'embêtait un peu était que je connaissais les réactions souvent passionnées de ces familles tellement soudées.
J'avais vécu. J'ai passé mes vingt premières années dans une famille maternelle originaire d'Espagne, je retrouvais les réactions, cela n'était pas une découverte. Mon arrière "abuela" avait certainement des secrets, elle n'en parlait jamais et nous aimait tous du même amour que Rita. Un paradoxe, la pudeur et l'impudeur des femmes. Je pouvais imaginer les accouchements de mes grands-tantes, pas vraiment dans la discrétion.

J'ai beaucoup aimé les dernières pages du livre, trente pages magnifiques, j'ai pleuré.

J'ai cherché à comprendre le mystère du "Pépé", pourquoi?

J'ai aimé les mots en espagnol, les "mantecados" que je n'aimais pas trop mais que certains adorent. On en trouve dans les vitrines des pâtisseries de Port-Vendres.

Olivia Ruiz fait une très belle entrée dans le monde littéraire, à suivre...

Bye MClaire


 



mardi 23 juin 2020

Laurence Peyrin "Les jours brûlants."




Ce roman est un vrai coup de coeur, un livre que vous n'avez pas envie de quitter. 
Encore une fois, je ne connaissais pas cette auteure.

Laurence Peyrin raconte l'histoire d'une femme privilégiée, élevée dans une famille de classe moyenne elle se marie avec son amour de jeunesse, Thomas avec qui elle a eu très tôt une petite fille conçue à l'arrière de la banquette en cuir d'une Pontiac, sur le parking du Las Vegas aux néons rose et bleu. 
Joanne est mère au foyer, devient la reine des cocktails lorsqu'elle reçoit leurs amis, Thomas est chirurgien, deux enfants, une vie sans histoire, agréable jusqu'au jour où Joanne est agressée dans une petite rue de Modesto, elle est en vélo, le junkie lui vole son sac à main en la traitant de connasse, salope à plusieurs reprises, elle est blessée, plusieurs points de suture au front, elle est brisée...Le traumatisme est immense. Un mal-être profond qui lui fait accomplir des actes insensés, changer son caddie avec celui d'une autre cliente qui est dans une allée, accumuler les paquets de céréales, se donner comme règle de se servir de tout ce qu'elle trouve dans le caddie, même la vodka !

Thomas lui dira un jour " Tu me fais peur chérie, et tu fais peur aux enfants." Il l'aime d'un amour infini, il ne comprend plus.

Ce sera le déclic. Qu'est-ce qui fait qu'un jour une femme choisit de disparaître ? Joanne part, le fait-elle pour protéger ses enfants ou pour se reconstruire ailleurs ? Elle part et arrive à Las Vegas, dort quelques nuits dans sa voiture, a la chance de rencontrer une femme qui devine son désarroi, elle la recommande au patron du Bunny Bunny, un couple Mormon qui s'occupera d'elle, Joanne a un don pour confectionner des cocktails, elle fera des cocktails pour les clients qui fréquentent cet établissement où des filles aussi perdues que Joanne se déshabillent sans enlever leur string, c'est une règle.

"La plupart du temps, c’était ainsi qu’elle fonctionnait : en mode séquentiel. Dormir, manger, répondre, remplir des verres. Une chose en entraînait une autre, dans une logique rassurante, comme lorsqu’elle alignait ses pots de crème sur sa coiffeuse à Modesto…"

Je ne raconte plus rien....

J'ai tout aimé dans ce bouquin, il n'y a pas une seule longueur, j'ai aussi aimé Silas Jones, le guitariste du Bunny Bunny..
Nous connaissons Las Vegas, tout est bien décrit, l'ambiance des casinos, ces hôtels immenses, les perdants qui hantent les salles de jeu (jeux), ceux qui passent la nuit sur la même machine, vous vous couchez, la nuit passe et le lendemain ils sont encore là. Cette ville ne dort jamais.
Je me suis aussi posée une question :
"Une agression peut-elle avoir les mêmes conséquences sur des êtres différents ou nous réagirions différemment?"
Sommes-nous préparés selon notre mode de vie ?
Pourrions nous abandonner nos enfants ?"

Evidemment, je vous recommande ce roman.

Bye MClaire.







vendredi 12 juin 2020

"Une joie féroce" Sorj Chalandon.




Deux livres lus "Une évidence" d'Agnès Martin Lugand et celui de Sorj Chalandon. Je n'ai pas du tout envie de commenter "Une évidence" je l'ai trouvé ennuyeux, des longueurs, des répétitions, il m'arrive rarement de tourner la dernière page d'un livre et de dire "Ouf! enfin." J'ai lu des livres plus intéressants écrits par cette auteure.

A l'inverse, j'ai aimé celui de Sorj Chalandon. Surprenant.

J'aime cet écrivain, si vous n'avez jamais lu "Le quatrième mur" n'hésitait pas.
Dans ce roman il nous surprend, il change complètement de registre, il s'agit encore d'une guerre, celle que mène des femmes contre le cancer qui est arrivé dans leur vie, des femmes jeunes, déjà bien chahutées par la vie et qui doivent affronter un ennemi sournois, le cancer, nous le sentons sous nos doigts, nous savons qu'il est là, après l'opération il faut se battre contre une chose qui n'est plus sensible sous les doigts, il est peut-être encore là mais où? On se bat ou on s'écroule, et si l'homme qui partage votre vie décide que c'est insupportable, qu'il ne peut pas affronter ce qui vous ronge, il arrive à prononcer des mots violents, claque la porte, ne vous accompagnera jamais aux séances de chimio, le pire est là.
En lisant je pensais que ces pages auraient pu être écrites par une femme, tout est dit, les douleurs, la fatigue, les nausées, les cheveux qui tombent, ces mèches qui se détachent, bouchent le siphon de la baignoire, le rasoir qui passe sur votre tête parce que c'est mieux, les sentiments ressentis, les séances de radiothérapie, le jour du tatouage, ces petits points qui restent gravés à jamais,  si personne n'est là pour vous soutenir vous pouvez vous écrouler. Le cancer prends ses aises lorsque le corps renonce. Matt, le mari de Jeanne s'inscrit aux abonnés absents. La lutte à deux scelle à jamais un couple.

Jeanne est la victime, elle est libraire, un métier qu'elle adore, elle trouvera du soutien à l'hosto dans la chambre qu'elle partage avec Brigitte pour subir sa séance de chimio, Brigitte lui proposera de partager son appartement avec deux autres copines, Assia qui est sa compagne et la très jeune Melody, cancer du sein, la "gamine" erre dans Paris entre deux chimios, elle trouvera refuge chez Brigitte. Quatre femmes en mal d'enfants.

Le bouquin bascule dans un autre registre et là j'ai vraiment été happée par l'histoire, j'ai tout lu sans m'arrêter, nous comprenons le titre "Une joie féroce."
Ces femmes décident, agissent et exécutent un plan qui peut paraître loufoque.
Elles ont toutes été confrontées à la goujaterie des hommes du roman, j'exagère, pas tous. Elles se rapprochent.....Une belle leçon d'amitié et de solidarité. 

Je vous laisse découvrir cette folle aventure... Je suis même arrivée à rire.

J'ai beaucoup aimé.


Bye MClaire.