vendredi 5 juillet 2013

Famille modèle.

Je ne connaissais pas du tout Eric Puchner, l'auteur de "Famille modèle". Il a écrit des nouvelles mais c'est son premier roman. Une réussite.
J'ai accroché dès le départ, je me suis trompée en pensant que c'était un livre amusant, beaucoup d'humour au début, un humour léger sans cynisme. J'ai pensé que c'était bien pour l'été, un livre de plage, pas du tout, un livre profond qui m'a même mis un peu mal à l'aise tant l'histoire est émouvante, actuelle.

 
C'est un livre typiquement américain, l'histoire d'une famille américaine, les parents, trois enfants, Dustin, Lyle et Jonas. Le père Warren avait décidé de bâtir un lotissement en plein milieu du désert de Mojave en Californie, des maisons bon marché, accessibles à la classe moyenne, cette opération immobilière devait se révéler juteuse, il avait englouti toutes les économies de la famille sans le dire à sa femme. Il achète une maison luxueuse bien au dessus de ses moyens dans une "gated community" ce genre de lotissement sécurisé conçu pour les riches. Il loue ses meubles en attendant la fortune, achète une voiture luxueuse jusqu'à ce qu'un matin elle disparaisse, il fait croire à sa famille qu'elle a été volée, en réalité elle a été saisie, Warren ne peut plus assurer le train de vie de sa famille, son rêve s'est transformé en cauchemar.
La construction en plein milieu de son lotissement d'une décharge de boues toxiques fait qu'aucune maison ne se vend. Il est ruiné et doit faire l'aveu aux siens.
Face à cette situation chaque membre de la famille va devoir trouver des ressources pour vivre, simplement vivre.
Le livre atteint son moment le plus touchant lorsque cette famille après avoir perdu sa maison dans une explosion, brûlant gravement Dustin, doit habiter une de ses maisons invendables, tout près de la puanteur de la décharge. Ce sont les passages les plus tragiques et pourtant l'humour n'est jamais loin
La famille se désintègre. L'auteur rend parfaitement les tourments des adolescents, j'ai aimé Jonas cet enfant obsédé par la mort, qui s'habille en orange, victime d'un quiproquo, on le croit responsable des souffrances de son frère défiguré par les brûlures et du coup on ne l'aime plus, il est rejeté, c'est très bien décrit, j'avais envie de le prendre dans mes bras pour le consoler.
J'ai aimé et détesté Dustin, ce grand ado amoureux d'une fille modèle de jeune fille américaine et qui couche avec la petite sœur punk qui a 15 ans, attiré par cette fille un peu trash qui le provoque et qui le fera souffrir. Je l'ai aimé vers la fin du livre lorsqu'il fera preuve d'humanité et qu'il comprendra qu'il lui faudra vivre avec son drôle de visage abîmé par les brûlures. Un être qui se reconstruit dans la douleur.
J'ai aimé tendrement Lyle, une fille qui ne peut pas bronzer tant elle a la peau blanche, attirée par une copine dévergondée beaucoup moins intelligente qu'elle, comme ça se produit dans la vraie vie.
Finalement l'épouse, Camille, laisse assez peu de souvenirs, elle est plutôt effacée malgré son côté olé-olé, elle semble ne pas dominer la situation, ne pas prendre conscience de la déliquescence de sa famille jusqu'au moment où enfin elle prend une décision radicale, qu'elle aurait pu éviter à mon avis si elle avait fait preuve de plus de fermeté et de compréhension. Le fiasco de sa famille n'est peut être pas dû qu'à Warren.
Que dire de Warren le père ? On ne peut avoir que de la compassion pour lui, je ne suis pas arrivée à le mépriser, bien au contraire, comme un enfant qui aurait fait une grosse bêtise et qui n'aurait pas osé l'avouer, alors que tout aurait plus simple si dès le départ il avait assumé, mais là c'est mon côté maternel qui parle.

Puchner a le souci du détail, j'ai ri lorsqu'il décrit la façon qu'ont les parents de se coucher dans leur lit lorsqu'ils se sont fâchés, chacun au bord du lit avec le souci de ne pas se toucher, tomber du lit plutôt que le frôler, c'est vrai ou pas vrai ?
J'ai ri lorsqu'il décrit les nids des chenilles processionnaires dans les arbres, ces nids qui ressemblent à des barbes à papa. C'est vrai, il y en a dans un jardin pas très loin de chez nous, dans les grands pins. Des barbes à papa, c'est bien trouvé.
J'ai presque pleuré en lisant "Warren contemplait le dos de son fils, recevant son mépris en plein visage" Il retournait à la case départ, il n'avait jamais vu que le dos de son fils, le dialogue était impossible entre ce père un peu lâche mais aimant et ce grand ado méprisant.
Au fait, est-ce que cette famille qui semblait modèle était aussi soudée qu'elle le paraissait au départ ? Le chaos était sans doute sous-jacent, elle ne pouvait qu'exploser comme leur maison.

C'est une de mes meilleures lectures de cette année. C'est drôle malgré une situation dramatique, intelligent, tendre, bien écrit, rien ne manque. J' ai aimé, beaucoup aimé, un beau chemin parcouru avec cette famille américaine qui représente si bien "le rêve américain" qui tourne quelquefois au fiasco, à la débâcle.

Je vais attaquer "Demain j'arrête" et j'ai acheté aujourd'hui un tout petit livre "La mise à nu des époux Ransome" d'Alan Bennet. J'avais beaucoup aimé "La reine des lectrices", il semble que ce bouquin soit aussi amusant.
Bye MClaire.