vendredi 28 octobre 2011

Jean Amadou est mort. J’aimais la finesse de ses analyses, son humour, son intelligence, il me faisait toujours rire, contrairement à certains humoristes ou imitateurs actuels qui me font à peine sourire. Chaque époque a les humoristes qu’elle mérite. J’achetais quelquefois ses livres et en feuilletant « Je m’en souviendrai de ce siècle » j’ai trouvé un passage très actuel :
« Je ne suis pas de ceux qui s’accrochent au franc avec la nostalgie teintée de nationalisme que montrent certains. La Communauté européenne est la seule idée intelligente que les peuples d’Europe ont eue depuis des siècles Si elle avait été créée plus tôt…Au temps où la Convention imposait le franc, par exemple. Notre Vieux Continent aurait économisé la vie de quelques millions de jeunes hommes qui jonchent son sol de Waterloo à Verdun en passant par la Normandie… »
« Mais enfin, tel qu’il fut, avant les dix années de calculette qui nous attendent, rendons-lui un dernier hommage. Certes, il avait beaucoup maigri au fil des années. De dévaluation en dévaluation, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Si chétif qu’il fût, nous tentions de le garder et les ministres des Finances, eux, n’avaient qu’une idée en tête : nous le prendre. Au point que certains l’envoyaient faire un séjour à l’étranger. L’air pur des montagnes suisses était très revigorant pour le franc anémie……. Il va donc quitter nos poches pour les vitrines des numismates. L’Euro va venir le remplacer. Et que croyez-vous que feront les ministres des Finances ? Ils essaieront de nous piquer nos euros comme ils nous piquaient nos francs. Ce n’est pas en changeant le nom du gibier qu’on modifie l’instinct du chasseur….. »

A méditer, pour ceux qui veulent revenir à l’ancienne monnaie, il faut avoir de la mémoire, notre économie était déjà vacillante. La seule chose et elle est de taille est l’augmentation de la vie depuis l’euro, les commerçants et autres ont arrondi leur prix pour ne pas avoir de monnaie à rendre, c’est là que l’état aurait du être vigilant. On payait une photocopie 20 centimes du temps du franc, on paie la photocopie 20 centimes d’euro, la différence est énorme et je ne parle pas du pain, des stationnements et de toutes les machines qui distribuent des boissons, c’est une honte. Cherchez les centimes d’euro sur les prix des produits alimentaires,  ils sont rares, 3€27 ça n’existe pratiquement pas, ce sera 3€30. Ce n’est pas la peine de nous mettre en colère, bientôt il faudra compter en yuan renminbi, les chinois tissent leur toile. Je ne suis pas prête de m’y mettre, moi qui parle encore souvent en franc, sous le regard hilare de mes petits-enfants. J’ai toujours été nulle en chiffres.

J’ai commencé ma radiothérapie, depuis lundi, cette semaine il a fallu que je me lève de bonne heure, je pars de Baden avec les gens qui travaillent, la séance dure à peine 15 minutes, mais il faut y aller. J’y vais seule comme une grande, je refuse de prendre un taxi ambulance pour si peu de kilomètres, je ne peux pas m’empêcher de penser au trou de la sécu. La semaine prochaine ce sera plus cool, rendez-vous à 11 h, j’ai un petit carton avec mes rendez vous fixés à l’avance sur deux ou trois jours et là en arrivant à la maison je me suis aperçue que la case de mardi prochain était vide, je m’étonne et j’en parle à Christian qui lui a tout de suite compris et comme il n’en manque pas une il m’a dit « C’est la fête de tous les saints, donc il te laisse tranquille » Il vaut mieux en rire.

Lecture : J’ai fini de lire « Les hommes couleurs », j’ai commencé « Naissance d’un pont » de Maylis de Kerangal, happée de suite par ce livre, j’espère que la suite ne me décevra pas.
Revenons aux « Hommes couleurs ». Ce roman m’a fait penser « Au cœur cousu », le même style narratif inhabituel, un livre qui traite de l’histoire des migrations, un peu extravagant, quelquefois déroutant, il peut ne pas plaire à tout le monde. J’ai aimé d’une part pour l’histoire et d’autre part parce qu’il se déroule au Mexique où nous sommes allés plusieurs fois.
Un pays en dualité permanente entre modernité et croyances, la religion est omniprésente mais on croit encore très fort au coutumes qui descendent des Aztèques. Le rapport à la mort n’est pas le même que chez nous, c’est plus festif et le monde est conçu comme une évolution perpétuelle, on vit, on meurt, on revit…
Ce livre amène aussi une réflexion sur les migrations, puisque le sujet du livre est le passage par un tunnel entre le Mexique et les Etats-Unis. Que vont chercher les gens qui migrent ? Une promesse de bonheur souvent déçue.
Il y a aussi ceux qui sont nés en Europe ou ailleurs, qui s’installent dans des pays pleins de promesses, le soleil, la possibilité d’une carrière brillante, ils vivent là, retranchés dans des très belles maisons entourées de hauts murs, avec des barbelés, la violence n’est jamais loin. Que connaissent – ils des racines profondes et de l’histoire de ce pays qui les a adoptés ? Que savent-ils de ce peuple qui souffre souvent de la misère ?
Est-ce qu’ils voient des enfants  qui campent sur les montagnes d’immondices ?
Ils auront vécu toute leur existence à côté d’un peuple sans jamais partager leur vie. Rare sont les migrants qui se mêlent au peuple. Les mexicains par exemple qui réussissent à s’installer aux Etats-Unis forment de suite des ghettos.
Il se passait le même phénomène en Algérie, les français d’un côté, les arabes de l’autre. Avons-nous fait l’effort d’essayer de comprendre leur culture ou même d’apprendre la langue de ceux qui étaient là bien avant nous ? Jamais.
Attention, je ne dis pas qu’il n’y a pas des exceptions, tel le couple Bernache dans le livre. Surtout ne pas porter un regard méprisant sur ceux qui ne possèdent rien matériellement, mais qui ont tant à nous apprendre. J’espère que nous avons inculqué ce principe à nos enfants, qui eux ont eu la chance de vivre une enfance heureuse. Je ne supporte pas le mépris.Bye M.Claire