vendredi 25 janvier 2013

Vite une gazette pour vous faire partager mes coups de coeur.
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Au début des parties club nous échangeons souvent nos impressions sur des livres que nous avons lus, il y a des prêts, la lecture se porte bien, là aussi nous pouvons arriver à transfuser notre plaisir,  le cas pour les deux livres lus cette semaine :

"Certaines n'avaient jamais vu la mer" et "En vieillissant les hommes pleurent."
Deux beaux bouquins, deux jours de lecture pour le premier, quelques heures pour le deuxième, je n'ai pas pu m'arrêter, je lisais et je répondais "ouais, ouais" à Christian qui me parlait des problèmes d'ordi, sa passion à lui. J'ai pris des photos pour témoigner de l'encombrement des tables aujourd'hui, il y en avait partout. Il testait la vidéo, j'avais une partie sur le mur de la cuisine, des ordis, imprimantes....

Tout d'abord "Certaines n'avaient jamais vu la mer", un pan de l'histoire mondiale inconnu pour beaucoup.
 Au début du 20ème siècle des japonaises partent pour les Etats-Unis rejoindre leurs maris épousés par procuration, elles ne les connaissent pas, elles n'ont vu que des photos anciennes. Après une éprouvante traversée du Pacifique elles arrivent à San-Francisco, elles étaient pétries d'illusions, elles vont déchanter, une nuit de noces brutale pour beaucoup, puis une vie misérable, elles doivent travailler, se louer, à des fermiers pour ramasser les légumes dans les champs, elles ne parlent pas la langue. Il y a les naissances des enfants qui eux s'américanisent alors qu'elles se sentent toujours aussi étrangères dans ce pays, les enfants s'intégrent et finissent même par avoir honte de leurs parents, leurs enfants rejettent leur histoire. Un jour la guerre avec le Japon éclate, les américains décident que les japonais sont des espions, il faut donc les déplacer dans des camps pour les surveiller, et à partir de là l'oubli complet, plus jamais nous n'entendrons parler d'eux.

J'ai beaucoup aimé ce livre, une petite chose m'a gênée, c'est l'énumération des moments de vie "certains" "elles", c'était trop. J'ai été touchée par le soin que ces femmes avaient mis dans la préparation de leurs bagages, les kimonos blancs qui devaient servir à leur nuit de noces et déchirés par la brutalité d'un mari, j'ai été touchée par leur courage, leur résistance face à l'humiliation. Julie Otsika a eu le prix Fémina du roman étranger, c'est mérité.

"En vieillissant les hommes pleurent" de J.Luc Seigle

- Alors là, si vous n'avez qu'un livre à lire en ce moment ce sera celui là. Un bouquin puissant, je vais y penser pendant longtemps. Michelle m'a prêté ce bouquin en me disant "Je pense qu'il est pour toi, tu verras, tu aimeras", j'ai pas aimé, j'ai adoré, subjuguée par ce roman qui me touche, un livre touché par la grâce, il me touche à plus d'un titre.
L'histoire se déroule sur une journée en juillet 1961, unité de lieu et de temps, dans un hameau près de Clermont-Ferrand. Albert Chassaing travaille chez Michelin, comme des centaines de paysans qui se sont transformés en ouvriers, la terre ne rapporte plus rien, cette terre a nourri des familles les siècles précédents et elle ne suffit plus, un drame que nous voyons très souvent dans des documentaires à la télé.
La télé, parlons-en, le poste va faire son apparition dans cette maison, acheté à crédit, Suzanne la mère veut voir son fils dans un reportage tourné pendant la guerre d'Algérie par "Cinq colonnes à la une". Albert ne se sent pas bien dans cette époque, il ne comprend pas l'engouement de sa femme pour la modernité, il a la nostalgie du travail des champs, il veut mourir, disparaître, faire place nette non sans avoir confié son fils à un voisin instituteur en retraite, il sait que c'est un littéraire qui ne sera jamais ouvrier. L'éblouissement de l'enfant devant les colonnes de livres. L'instituteur qui lui dit ;" En général c'est ainsi. La géographie, il faut voyager pour l'aimer. L'histoire, elle vit avec nous, même si on reste sur place toute sa vie. Qu'on le veuille ou non, elle finit toujours par s'asseoir à notre table."
Albert est un taiseux, il ne parle jamais de ses années de prisonnier de guerre, il a honte d'avoir été fait prisonnier sur la ligne Maginot. J'ai beaucoup appris sur la ligne Maginot, sur les mensonges politiques, rien n'a changé.
Sous le même toit vit la grand-mère qui est retombée en enfance, le fils de 10 ans Gilles qui a une passion pour la lecture, la lecture d'Eugénie Grandet de Balzac ponctue ce livre.
Tous sont des personnages authentiques, nous ne pouvons être qu'empathie pour eux. Il y a le suicide annoncé, mais bizarrement cette mort étant prévisible elle ne nous paraît pas violente. 

Les raisons pour lesquelles ce livre m'a touchée, c'est toute mon époque qui défilait.

J'ai connu une institutrice qui m'a donné la passion de la lecture, de l'histoire, elle n'était pas facile, sévère mais je l'aimais bien. J'aimais aussi la géographie, elle me permettait de voyager dans ma tête.
 j'ai connu la première télé que nous regardions comme au cinéma chez mes parents en 1961, assis sur des chaises, la musique de "cinq colonnes à la une" "qui donnait l'impression que l'histoire était en marche.".
J'ai connu les toilettes faites dans l'évier dans la cuisine avant de partir pour l'école, nous prenions un bain le samedi soir dans un grand baquet, un peu plus tard nous avons eu des grands bacs en ciment qui servaient de lavoirs et de baignoires en été, la buanderie. J'ai eu ma première salle de bains à 18 ans.
J'ai connu ces meubles en formica que nous achetions pour meubler les cuisines et les salles à manger, j'ai chez moi un très beau buffet d'époque acheté chez un antiquaire, il l'avait eu en échange d'une cuisine en formica.
J'ai connu cette existence cloisonnée, on ne mélangeait pas les affaires des hommes et des femmes, j'ai vu mes tantes soumises à un mari qui en faisait qu'à sa tête.
Des hommes choisis par certaines et pas par d'autres.
J'ai connu la guerre d'Algérie, la méconnaissance de cette guerre par les parents qui voyaient partir un de leurs enfants et pensaient que c'était une terre de sauvage où les lions rôdaient dans le désert, oui c'est vrai.
Les communistes qui devaient presque se cacher, ne pas avouer leurs convictions politiques lorsqu'ils habitaient un village, eux qui pensaient que Staline était un bienfaiteur, très naïvement d'ailleurs.






J'ai connu l'évolution de la technologie, cette soif de consommation qui a pris place après la soif de modernité.










Je connais un fils qui a été obligé de dépendre son père et qui a vécu un cataclysme dont il ne parle jamais.

Je connais ces moments où ma mère comme celle d'Albert retombe en enfance, c'est bien le terme employé, non? J'ai eu un grand moment de tristesse en lisant un passage sur sa mère "Aujourd'hui, elle n'était plus qu'une ombre sèche, ne pouvait plus rien faire seule, pas même se laver. Elle retombait en enfance, et dans cet abîme où son être tout entier glissait, sa vie disparaissait peu à peu, au point d'effacer les souvenirs des enfants qu'elle avait mis au monde. Tous les jours, Albert constatait à quel point sa mère l'oubliait et pourtant face au désastre de la mémoire maternelle..."
Les pages qui décrivent le moment où le fils doit faire la toilette à sa mère sont bouleversantes, pleines de pudeur et d'amour.Pourtant je reste persuadée que ce n'est pas le rôle des fils de faire la toilette à leur mère, une vieille éducation méditerranéenne.

J'espère vous avoir convaincu, ce serait dommage de passer à côté de ce bouquin, un bonheur de lecture, je lui mets 10 sur 10 à ce livre.

Je vais attaquer "Souvenirs" de Foenkinos, je résiste encore à l'envie d'acheter son dernier livre "Je vais mieux" sur le mal de dos.

Avant de vous laisser il faut que je vous raconte :


Hier, nous avons rencontré une dame qui est venue au club de Baden pendant quelques séances, nous avions l'impression qu'elle aimait jouer au scrabble et puis plus rien, plus personne, je savais qu'elle avait d'autres activités et je pensais qu'elle avait fait un choix. Nous en avons parlé, non ce n'est pas ça, c'est tout simplement qu'elle ne se sentait pas à l'aise, stressée au milieu des gens qui jouent depuis longtemps, angoissée par la pendule qui égréne les secondes, minable en constatant son score. Je lui ai demandé si elle avait été enseignante, j'en étais certaine, la réponse a été oui, les enseignants supportent mal de ne pas être les meilleurs, ils ont appris aux autres toute leur vie, ils supportent mal l'échec et l'idée que d'autres savent aussi. Elle était d'accord avec moi.
Elle est très sympathique, je pense comprendre son point de vue, chacun ressent l'échec au scrabble à sa façon.
Je ne cesse de dire aux nouveaux joueurs que le scrabble n'est pas une façon de prouver quelque chose, nous avons le sens du jeu ou pas, l'envie d'apprendre ou pas, ou tout simplement l'envie de passer un bon moment et de prendre du plaisir en compagnie des gens qui jouent mieux que nous ou plus mal que nous. Personnellement, je serais incapable de vous dire qui a mal joué à la fin d'une partie, ce n'est pas ma préoccupation, mon seul souci est que nous soyons heureux d'être ensemble en buvant un chocolat chaud ou un café et en dégustant des petits gâteaux.
Nous ne sommes pas en compétition dans une séance club, si cela avait été le cas j'aurais abandonné mes parties club au début de ma "carrière", non j'ai tout de suite su que ce jeu était fait pour moi et que si j'avais envie d'être meilleure il fallait que je bosse, il n'y a pas de miracle, je pouvais aussi me contenter de poser les mots que je connaissais et d'apprendre au fur et à mesure, c'est aussi possible.
J'ai pourtant commencé le duplicate au club de Quimper, avec des joueurs aguerris, j'aurais pu me décourager, mais la passion du scrabble et on peut écrire ce mot fort, passion, ne m'a plus lâchée. J'attendais la partie club avec impatience et j'ai encore toujours le même plaisir à me rendre à ce rendez-vous. J'ai souvent réussi à convaincre des joueurs de rester malgrè leur désappointement, j'avais l'impression de faire une transfusion, communiquer mon plaisir de jouer à l'autre ; moi aussi je n'aime pas l'échec, là c'est de ne pas avoir réussi à retenir une joueuse.

Je n'ai pas de dessins, le site qui publie des dessins humoristiques a été piraté, il faut attendre qu'il refasse sa page.  Bye MClaire.