mercredi 18 septembre 2013

Sombre dimanche

 
J'ai découvert cette auteure, Alice Zeniter. Elle est jeune, 26 ans, elle a écrit trois livres, c'est sans doute la raison de mon ignorance.

"Sombre dimanche", c'est aussi le titre d'un morceau de jazz écrit par un artiste hongrois en mémoire des êtres défunts proches de lui, si vous avez vu le film magnifique "La liste de Schindler" il est joué au début du film. Le livre est aussi mélancolique que la musique, livre étrange, singulier, bien écrit, prenant, mais si vous n'aimez pas les romans tristes vous devez vous abstenir, à moins que vous n'ayez envie de découvrir ce genre de livre, je vous y encourage.

L'histoire :

Une famille vit depuis des générations dans une maison en bois au bord des rails, près de la gare de Budapest.
Il y a le grand-père, le père et sa femme, leurs enfants, la tradition veut que les garçons s'appellent Imre, sauf le père du petit garçon héros du roman, il s'appelle Pal, nous saurons très vite la raison. Pal est habité par une grande tristesse.
Le grand-père se saôule régulièrement, tous les ans le 2 mai, il travaille dans le jardin triangulaire, s'obstine à rejeter au loin les bouteilles de plastique que les passagers des trains qui passent jettent régulièrement dans le petit morceau de terrain.
Cette famille qui vit dans une Hongrie occupée par les russes, regardent les trains passés mais ne participe pas vraiment à l'histoire du pays, le train de l'histoire passe sans eux.
Imre l'enfant est un personnage attachant, il regarde, il est sensible, tendre, infiniment sympathique, mais il ne sait pas vraiment comment faire pour construire sa vie. Très attaché à sa soeur Agnès qui fait des études et qui quitte la maison au bord des rails pour habiter un studio près de l'université. Il aime lui rendre visite et découvre un jour qu'Agnès a un amant, un français, elle en souffrira infiniment.
Il y a aussi l'ami d'enfance Zsolt, qui deviendra un grand poète.
Imre trouvera l'amour très passagèrement auprès d'une blonde allemande qui incarne pour lui tous les bonheurs de l'Ouest, il rêvait d'une californienne, c'est Kerstin qui viendra vivre avec lui dans la petite maison en bois, ils auront une petite fille, mais Kerstin finira par se lasser de l'immobilisme d'Imre, de toute cette mélancolie, de cet univers sombre qui ne laisse aucune place à l'espoir.

Ce livre est l'histoire d'une famille qui ne trouve pas sa place dans un pays libéré, c'est aussi l'histoire de la Hongrie.

Pourquoi j'ai aimé ce roman :

Pour la petite musique nostalgique qui règne tout au long du livre. Pour l'Histoire avec un grand H. La guerre froide, j'ai appris beaucoup de l'histoire de ce pays un peu oublié, la répréssion, le stanilisme cruel. J'ai beaucoup aimé le personnage du grand-père qui tait ses blessures sous une apparence très rude, il écrira une lettre bouleversante à la fin de sa vie, une lettre dérangeante pour cette famille qui ne sait pas quoi faire de ses aveux, ce sont des taiseux qui subissent, les secrets sont toujours lourds à porter.

J'ai aussi été émue par l'amitié qu'Imre porte à Zsolt, pas réciproque du tout, ces enfants qui sont toujours attirés par l'autre qui paraît si fort, en admiration devant le copain qui ose, au point de le suivre dans ses délires.

J'ai aimé le passage qui décrit ce pays sans mer, l'impression de renfermement lorsqu'un pays n'a pas de côtes. Je dis souvent que j'aime mieux la montagne et pourtant dès que je ne vois plus la mer je la recherche, je pense que je ne peux pas m'en passer, l'horizon est infini lorsqu'on regarde la mer.

La description du travail d'Imre dans un sex-shop est aussi amusante, le pays libéré découvrait aussi la libération du sexe.

J'ai retenu ce petit passage "Il y a des vies qui sont immenses, qui ont embrassé toutes les dimensions du monde. Et il y a des vies sèches linéaires, commes des pailles à cocktail mâchonnées encore et encore. J'avais tellement peur de ça. Tu n'as pas peur de ça?"
Phrase à méditer. Surtout ne pas sombrer dans l'immobilisme, jamais, vivre jusqu'à la fin, rester vivants..

Je ne peux que vous recommander ce très beau livre, mais je me répète, sauf si vous n'aimez pas les livres qui finissent mal.   Bye MClaire.