lundi 30 septembre 2013

Le pain noir.

J'ai un peu de temps pour écrire une gazette, nous sommes encore à Angoulins, nous avions envie de buller une journée après le festival de La Rochelle. Nous allons faire la fermeture du camping, nous sommes les derniers.
Il pleut un peu mais il fait très doux, demain nous regagnerons la Bretagne, nous rangerons la caravane avec regret, les meilleures choses ont toujours une fin, il le faut pour apprécier celles qui sont à venir, nous faisons déjà des projets pour le printemps prochain, quelle région visiter ou revisiter ?

En faisant les courses ce matin j'ai acheté "Le premier homme" d'Albert Camus. Un projet de roman auquel il travaillait au moment de sa mort, largement autobiographique.

J'ai aussi "Les manipulateurs sont parmi nous." d'Isabelle Nazare-Aga, une thérapeute comportementaliste, comment se protéger de ceux qui cherchent à nous dévaloriser, à nous culpabiliser. Je ne suis pas concernée, pas du tout, mais j'aime bien les bouquins qui analysent les comportements. En même temps que j'écris, j'écoute une émission sur les femmes battues, j'écoute très rarement cette émission présentée par Sophie Davant, écouter tous les malheurs du monde à la télé je n'aime pas, mais là c'est tellement dans la réalité et il y a tant de femmes battues qui ne racontent jamais tous les supplices qu'elles subissent, qui n'osent pas, qui ont certainement un manipulateur dans leur vie et "il faut faire le deuil d'une communication idéale avec le manipulateur." Il faut fuir avant d'être complètement détruite physiquement mais surtout moralement. Il faut beaucoup de caractère et de courage.

Christian a gagné un bouquin au festival "Une histoire du monde antique.", j'ai parcouru un peu, c'est certainement intéressant, ça peut se lire par chapitres.

Depuis que nous sommes partis de la maison j'ai lu deux livres :

"L'aube le soir ou la nuit" de Yasmima Reza. Ecrivaine et auteure célèbre de pièces de théâtre.

Elle a suivi la campagne de N.Sarkozy avant son élection en 2007. Il y a déjà un moment que ce livre traînait dans ma PAL, je ne me décidais pas, je n'ai pas un amour démesuré pour cet ex. Je pensais tout connaître de sa vie tellement livrée aux médias, finalement je l'ai lu avec intérêt.
Lire avec du recul est quelquefois nécessaire, nous comprenons mieux. A mes yeux il a toujours été antipathique, excité, cruel avec les gens qui l'entourent, voulant toujours attirer la lumière en mettant les autres dans l'ombre, je ne me suis pas vraiment trompée, mais ce n'est trop difficile de ne pas se tromper.. Il supporte mal l'ombre, sa personnalité m'est apparue au fur et à mesure que j'avançais dans la lecture de ce bouquin. C'est un être angoissé, toujours pressé mais en même temps quelquefois enfantin "Est-ce qu'on m'aime, dites moi que vous m'aimez" mais lui même est-ce qu'il aime vraiment les autres ? Je ne crois pas, il a déjà tellement de mal à se concentrer, comment aurait-il le temps de s'attarder sur les gens. C'est un être capricieux, à mon avis Yasmina Reza ne s'est pas assez attardée sur l'enfance de cet homme, ça pourrait aider à mieux comprendre.

J'ai bien aimé la phrase : "A propos de la politique, c'est un métier de con pour gens intelligents."

"Etre adulte, c'est être seul."  Jean Rostand. C'est vrai le pouvoir isole, rend solitaire, trop de méfiance.

L'auteure a l'air subjuguée par le personnage, le pouvoir a toujours fasciné les gens et pourtant ceux qui s'y frottent reviennent du voyage désabusés, trop de compromissions, de déceptions, de trahisons pour le garder, il faut avoir le cuir dur. Il n'y a qu'à lire un bouquin autobiographique écrit par un homme politique à la fin de sa vie pour avoir une idée de leur vie passée. Je n'aurais pas du tout aimé et pourtant j'aime la politique vue de l'extérieur.



J'ai lu "Le pain noir." de Georges Emmanuel Clancier.

Autant le dire tout de suite, j'ai adoré, dévoré ce bouquin que je ne connaissais pas du tout. Il a été publié en 1956 et il est réédité. Un peu plus cher qu'un livre de poche 9 euros 95. Depuis j'ai appris que Serge Moati avait tourné un film qui s'inspire de ce livre. Je ne savais pas.

L'histoire se déroule dans une France rurale du XIXème siècle. Une famille de paysans, le père métayer dans une ferme, une vie heureuse, les parents s'aiment, les enfants sont joyeux, il n'y a pas d'argent mais ils se débrouillent pour n'avoir jamais faim, ni froid, jusqu'au jour maudit où le propriètaire de la ferme demande au père de faire un faux témoignage à propos d'un accident mortel qui est arrivé sur la route du marché. Le père ne veut pas se compromettre, il doit partir avec sa famille. La misère sera sur le chemin après cette injustice.
L'histoire se déroule autour de Catherine la petite fille de la famille avant que deux autres enfants naissent.
Une petite fille joyeuse mais qui devra faire face au dénuement et à l'impossibilité des parents de nourrir toute la famille. Elle a sept ans et  doit travailler alors qu'elle rêvait d'apprendre à lire comme les garçons, d'aller à l'école ce qui était interdit aux filles des paysans, il fallait aider à la maison.

Si les jeunes générations ne savent pas ce qu'était la misère du peuple pendant ce siècle, il faut absolument qu'ils lisent ce livre pour comprendre qu'ils ont beaucoup de chance de vivre dans ce siècle. C'est l'époque où les enfants dormaient deux par lit, où il fallait absolument trouver le moindre sou pour manger, où un simple ruban de soie et deux bonbons offerts faisaient la joie des enfants. L'époque où on pouvait vendre ses cheveux pour une pièce d'argent qui aiderait à vivre pendant quelques jours.
C'est aussi l'époque où si la maladie s'invitait dans une famille il était impossible de faire venir le docteur par manque de moyens, la sorcellerie et les plantes devaient guérir, ce n'était pas toujours le cas. Dans le bouquin, Francet le petit garçon a la jambe cassée mais le médecin est appelé beaucoup trop tard, l'enfant restera infirme après avoir évité l'amputation.

J'ai beaucoup pensé à ma dernière petite-fille qui veut toujours qu'une copine vienne dormir chez elle ou aller dormir chez la copine, elles sont sur les ordis, jouent, chattent avec Skype, rient. Dans le bouquin Catherine la petite fille va dormir chez une copine dans la ferme voisine pour surveiller avec elle la future naissance d'un petit veau afin de prévenir le père. Elles dorment dans un lit posé dans l'étable, ont peur du moindre bruit, elles sont si petites;
Lorsque nous entendons le trou de la sécu, il y a là aussi de quoi se poser des questions sur toutes nos exigences et surtout reconnaître la chance que nous avons d'avoir cette couverture sociale et comprendre qu'il ne faut pas abuser. Ce n'est pas le cas. S'il fallait payer le médecin comme à cette époque nous irions moins les voir pour le moindre petit bobo.
Ce matin en faisant mes courses chez Carrefour, je regardais tout cet étalage de nourriture et pensais aux marchandises périmées que l'hyper devra jeter. Dans le livre, pas d'hyper mais du pain noir trempé dans une soupe
Le moindre déplacement pour se rendre dans le village voisin prenait l'allure d'une aventure, ce n'est plus le cas.
Le progrés est passé par là, ce progrés que nous n'arrivons plus à contrôler.
L'école si accessible aujourd'hui. Mon arrière grand-mère ne savait pas lire, elle aurait tant voulu pouvoir lire et signer sans qu'on lui tienne la main. Tout est normal pour nous et il y a des enfants qui séchent les cours alors que d'autres voulaient apprendre dans cette France rurale.

Finalement ce monde n'est pas si loin de nous, l'enfance de ma génération a aussi connu une époque qui n'était  pas toujours facile, le lit pour deux, le médecin rare, la toilette faite dans la cuisine, les habits du dimanche que nous ne devions pas salir, le morceau de pain qu'il fallait finir à table sinon nous le retrouvions dans notre serviette le soir, on ne jetait pas et nous étions lon des pizzas à emporter....

Je ne suis pas rétrograde, j'apprécie de vivre à notre époque, mais ce livre peut nous faire prendre conscience de nos exigences, toujours plus et ça sert à quoi finalement, nous rendre quelquefois très malheureux parce que nous n'arrivons pas à atteindre nos rêves de possession. Je pense avoir un peu de chance, je peux être très heureuse sans rien posséder, surtout ne rien posséder pour ne pas être esclave. Je ne dis pas que je suis un exemple à suivre....

Bye MClaire.