vendredi 16 mai 2014



Un film a été tiré de ce livre en 2011, j'avais eu l'intention d'aller le voir et le temps a passé..
Je ne regrette pas, j'ai pu lire le livre sans a priori et je me suis régalée, un très beau roman qui se nourrit aussi de la réalité des années de la grande dépression aux Etats-Unis.

Il ne faut jamais hésiter à aller piocher dans les livres de poche, il y a souvent des pépites que nous n'avons pas pu lire lorsque ces romans sont sortis. Il y a tellement de livres qui garnissent les rayons, nous ne pouvons pas tous les acheter. Je lis presque toujours des livres de poche, il m'arrive de ne pas pouvoir attendre mais en général j'attends, disons que sur dix livres lus, huit sont en poche.

Sara Gruen décrit la vie de ces petits cirques qui parcourent les Etats-Unis, souvent tout près de la faillite. Je n'aime pas particulièrement le cirque, j'ai découvert un monde vraiment à part. L'été de nombreux cirques s'installent à Baden, je me pose souvent la question "Comment font-ils pour survivre?" Il y a les grands chapiteaux mais aussi les petits chapiteaux minables.

Le roman commence par une catastrophe, la ménagerie a été ouverte, tous les animaux se sont enfuis, ils piétinent les spectateurs et Jacob se souvient de ces instants depuis la maison de retraite où ses enfants l'ont mis. Il a quatre vingt treize ans, a encore sa tête mais se déplace en fauteuil roulant. Il ne se souvient plus du prénom de ses petits-enfants "On appelle un enfant par le nom de tous ses frères et soeurs et même celui du chien, avant de tomber sur le bon. Parfois on oublie quel jour on est. Et pour finir l'année.
En fait, le problème n'est pas tant que j'ai oublié. C'est plutôt que j'ai cessé de me tenir au courant...Quelle importance, puisque tous les jours, c'est : purée de pois, tapioca et couches?"
Il côtoie toutes les vieilles qui ont encore leur tête et qui sont bonnes avec lui, il est presque le seul homme au milieu d'un océan de veuves éplorées.
Il lui arrive de fantasmer entre la dégustation de maïs en épi et une partie de jambes en l'air, bien que cela ne risque pas d'arriver.

Je déteste cet univers où les "vieux" finissent leur vie parce que la société a décidé de nous faire vivre toujours plus longtemps et que les enfants ont leurs propres problèmes, cet endroit où on ne peut attendre que le dénouement, comme dit Jacob "Tandis que les fantômes du passé s'agitent dans le vide de mon présent". Rester chez soi le plus longtemps possible, un luxe inouï mais pourquoi pas?
"Très bien, je reviendrai dans un moment voir si vous n'avez besoin de rien". Quoi répondre? "J'ai besoin d'affection, de tendresse, que ma famille ne me fasse pas la charité d'une visite en regardant la pendule". Lorsque nous avons toute notre tête cela doit être terrible et finalement heureusement que la plupart des pensionnaires des maisons de retraite ne se rendent plus compte de rien, ils ne sont pas vraiment malheureux. Les pilules les rendent aussi comme des moutons. Fermons les parenthèses sur mes sentiments, pensons à Jacob

Le chapitre où l'auteure décrit la toilette est bouleversant, Jacob pense à sa femme et dit "Doux Jésus, comme elle me manque! Et pas seulement parce que, si elle était encore en vie, je ne serais pas dans cet établissement. Malgré notre commune décrépitude, on aurait veillé l'un sur l'autre comme toujours. Mais après sa disparition, comment lutter contre les enfants? A la première chute mon compte a été bon..."
"Je me revois quittant ma maison définitivement, enveloppé dans un plaid, tel un chat qu'on emmène chez le véto. Au moment où la voiture a démarré, mes yeux étaient si pleins de larmes que je n'ai pu regarder en arrière".

"« Je m’accroche à ma colère avec le peu d’humanité subsistant dans mon corps ruiné, mais c’est inutile. »
« Quand ai-je cessé d’être moi ? »

Mais ce jour là un événement se prépare, un cirque est arrivé et ces enfants doivent venir le chercher pour assister au spectacle.
Le cirque est toute sa vie, tous les souvenirs de son existence se rapportent au cirque, c'est là qu'il a connu Marlène sa femme, son unique amour.

Jacob se destinait au métier de vétérinaire, comme son père, mais en dernière année, juste avant l'examen ses parents se tuent en voiture et il découvre qu'il n'y a pas d'héritage, son père soignait sans être payé, une grande misère régnait dans la région, les années de la grande dépression. Il s'enfuit, n'a plus d'avenir, il saute dans le premier train et celui ci est le train d'un petit cirque qui se veut aussi grand que "Barnum"

Jacob devra se faire accepter par tous, dans un monde cruel où les animaux sont battus lorsqu'ils résistent, ce sera le cas de Rosie l'éléphante. Les personnages d'August le directeur du cirque et d'Oncle Al sont ignobles, sans pitié envers les employés qui montent le chapiteau, les artistes ont un traitement plus humain. Il vaut mieux passer inaperçu pour ne pas recevoir des coups ou être tout simplement jeté du train;
Jacob manquera longtemps de courage pour partir, il est passif pendant des mois, la vie à l'extérieur du cirque lui fait peur. Il réagira lorsque Marlène sera battue par son mari August.

Ce que j'ai aimé dans ce livre : La description du monde du cirque, un univers de paillettes mais aussi de misère, les sentiments si bien exprimés mais aussi la description d'une époque où c'était le chacun pour soi, pas de pitié pour survivre dans cette Amérique famélique. L'alcool frelatée fera des ravages, c'est pourtant la seule façon que ces hommes trouvent pour échapper au quotidien, ils boivent.

J'ai aussi beaucoup aimé les flash- backs, la maison de retraite, le monde du cirque lorsque Jacob avait vingt ans.

J'ai aimé la fin inattendue.

En résumé un très beau livre que l'on peut lire d'une traite, une histoire d''amour bouleversante, je suis certaine que vous aimerez.  Bye MClaire..